Empêcher le maléfice du "credit crunch", facteur de récession

Par François Leclerc, chroniqueur de l'actualité de la crise sur le blog de Paul Jorion.
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La semaine dernière aura été riche en mesures destinées à faire face à la crise de la dette. Avec comme nouveauté la brutale résurgence dans l'actualité de celle du système bancaire, sa face cachée. Standard & Poor's a entamé le bal en mettant sous surveillance les principales banques européennes, Moody's a continué en dégradant trois banques françaises. Car si l'actualité a été ces derniers mois rythmée par les épisodes lancinants du désendettement public, la situation des banques apparaît à nouveau très préoccupante.

Aux interrogations à propos de la solidité du "pare-feu" encore à l'état de bricolage, ainsi que sur les conséquences des restrictions budgétaires entreprises au nom de la réduction du déficit, s'ajoute une nouvelle incertitude : comment les banques vont-elles faire face à leur double crise de liquidité et de solvabilité ?

Comme les États, elles ont cessé d'être un "bon risque" et doivent être à leur tour aidées. Les symptômes du mal se multiplient, si l'on considère le grippage du marché interbancaire ou l'état du marché obligataire, où elles rencontrent une forte désaffection. Le tout assorti d'une pénurie de collatéral pour y adosser leurs émissions d'obligations sécurisées ou les apporter en garantie à la Banque centrale européenne (BCE). À l'arrivée, les banques ne parviennent plus à accomplir leurs programmes de refinancement de leur dette et sont à la tâche pour remplir leurs obligations de renforcement de leurs fonds propres.

La BCE a mis les petits plats dans les grands en ouvrant de nouveaux guichets pour des crédits à 36 mois, à taux fixe de 1 % désormais et en quantité illimitée. Elle a également fortement assoupli les règles d'éligibilité du collatéral des banques et diminué le pourcentage des réserves obligatoires qu'elles doivent lui verser. Ces trois mesures devraient leur permettre de faire face à leur crise de liquidité, mais laissent entière la question du renforcement de leurs fonds propres. L'Autorité européenne des banques (EBA) vient à cet égard d'accroître ses exigences, les élevant à 115 milliards d'euros. Plus particulièrement concernées, les banques allemandes et italiennes ont répliqué avec virulence, signifiant ainsi qu'elles étaient piquées au vif et que cela n'allait pas leur être aisé, risquant de leur imposer de demander l'aide de l'État, une hypothèse considérée comme "très élevée" par Moody's pour les banques françaises.

Il est espéré que l'EBA laisse une porte de sortie ouverte, la prise en compte des "cocos", ces obligations contingentes convertibles qui peuvent se convertir en actions selon un critère prédéterminé, mais cela reste flou. La demande des investisseurs à l'émission de ces nouveaux produits est, en tout état de cause, une inconnue. Des augmentations de capital étant en règle générale considérées comme malvenues - en raison de la chute de la valorisation boursière des banques - l'émission d'obligations sécurisées étant limitée en raison du collatéral disponible, il ne reste plus alors comme solution que de réduire la taille du bilan. Les banques s'y emploient depuis cet été en vendant des activités à l'étranger et des actifs - dont les obligations souveraines qu'elles détiennent, précipitant la hausse de leurs taux - ainsi qu'en rachetant leur propre dette, mais ces exercices ont leurs limites. Elles risquent d'en venir à diminuer leur encours de crédit, atteignant l'économie, et c'est tout le problème. Car des restrictions dans ce domaine ne pourraient qu'accentuer les tendances récessives déjà constatées et rendre plus difficile, voire illusoire, la diminution recherchée des déficits budgétaires. Le risque est grand, en effet, qu'une spirale descendante ne se poursuive, contrariant la stratégie de réduction prioritaire de la dette publique adoptée.

On voit combien dette privée et dette publique ont leurs sorts intimement liés et comment elles se contaminent mutuellement. En se délestant de la dette souveraine et en se préparant à restreindre le crédit (ou à le rendre plus onéreux), le système bancaire apporte une nouvelle contribution à la récession économique qui se profile. C'est à ce maléfice qu'il faudrait en premier lieu s'attaquer, en inversant l'ordre des priorités.

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