Qui sont les business angels chinois  ?

Irrationnels et inexpérimentés, les business angels chinois ? C'était avant. La deuxième génération d'investisseurs, qui commence déjà à s'exporter, est plus diverse et plus attentive au risque malgré les sommes qu'elle continue à débourser.
De jeunes entrepreneurs travaillant dans les locaux mis à leur disposition par l'University Students Venture Park, à Shanghai, en juillet 2015. Cette université est un incubateur pour les étudiants créant leur startup.

A l'heure où l'innovation et l'entrepreneuriat sont érigés en moteur de l'économie chinoise, une figure nouvelle émerge peu à peu en Chine : celle du business angel. En Occident, ces investisseurs mettant leur fortune personnelle et leur expérience au service de jeunes entreprises sont souvent des entrepreneurs chevronnés souhaitant faire fructifier le capital amassé au fil des start-ups qu'ils ont eux-mêmes lancées.

Mais en Chine, il en va différemment. De leur expérience professionnelle à leurs motivations en passant par leurs méthodes d'investissement, le profil des business angels chinois n'a parfois rien à voir avec celui des Occidentaux. Surtout, aujourd'hui, ils sont de plus en plus nombreux à s'aventurer au-delà de leurs frontières, notamment aux Etats-Unis, en Israël et en Europe. Puisqu'il faut s'attendre à les rencontrer sous peu, qui sont les nouveaux fers de lance de l'investissement chinois ?

Des ex-entrepreneurs de la tech aux financiers et promoteurs immobiliers

C'est la grande différence entre les business angels chinois et occidentaux : si la première génération provenait d'entrepreneurs de la tech chinoise, la seconde est surtout constituée d'investisseurs ayant fait fortune dans la finance ou l'immobilier.

« Elle a émergé il y a deux ans à peine sous l'impulsion de la politique pro-innovation du gouvernement et la perspective de réaliser de très gros profits en investissant dans les futurs Alibaba et Xiaomi [le géant de l'e-commerce chinois et le fabricant de smartphone qui veut concurrencer Apple et Samsung] », observe Rui Ma, business angel qui traque les jeunes pousses les plus prometteuse dans toute la Chine pour le fonds américain 500 Start-up.

D'après elle, les quelques 15.000 business angels de cette deuxième génération choisissent leur poulain en fonction de leur probabilité à bouleverser leurs industries traditionnelles. Mais pour Andrew Warner, CEO du cabinet de conseil aux étudiants Touchdown! Education, confier son capital à une start-up ambitieuse apparaît surtout comme le bon compromis entre l'immobilier - moins rentable qu'auparavant - et la Bourse - trop risqué. La motivation première est bien de faire fructifier un capital, au point que « beaucoup d'investisseurs sont impatients de céder leurs part dès que l'entreprise est sur les rails », observe Rui.

Moins d'investissement au coup de cœur, mais toujours autant de risque

A en croire Philip Beck, business angel australien apprécié à Pékin et président de Dubeta Ventures, environ 20% de ses homologues chinois verraient même leur apport comme un prêt : « Si l'entreprise dans laquelle ils ont investi échoue, ils n'hésitent pas à demander de récupérer la somme apportée. » Mais cette pratique disparait peu à peu.

Fini également les chèques astronomiques signés sur un coup de cœur. « Certains célèbres business angels chinois ont perdu beaucoup d'argent comme ça ! », s'exclame Philip. Aujourd'hui, les investisseurs ont encore plus de fonds à allouer, mais ils sont plus précautionneux : ils ont pris l'habitude de rencontrer les entrepreneurs bien en amont de l'investissement pour réduire le risque de défaut.

Et si leur réputation d'amateur de risque leur colle à la peau, c'est tout simplement parce qu'ils investissent proportionnellement à ce qu'ils peuvent gagner, estime Rui. « Du moins en ce moment, en termes de multiple prix/bénéfice, les entreprises chinoises apparaissent mieux valorisées que leurs homologues occidentales. » Ainsi, en 2015, les 1.213 business angels actifs dans la zone dédiée aux nouvelles technologies de Pékin ont investi 9,4 milliards de yuan (soit près de 1,3 milliard d'euros), ou 41% des sommes déboursées par les business angels dans tout le pays, relève le China Daily.

Accessibilité, flexibilité et rapidité

Mais pour une start-up, ce qui change la donne entre les business angels chinois et occidentaux, c'est surtout la flexibilité des premiers : « En Chine, on ne prend pas de rendez-vous », témoigne Philip. « Si vous avez besoin de parler à Jack Ma [le patron du géant de l'e-commerce Alibaba], vous l'appelez en personne et, spontanément, il vous dira s'il a du temps pour vous aujourd'hui. »

Encore faut-il avoir le réseau. Mais que ce soit sur les réseaux sociaux professionnels ou les sites de microblogging, certains demeurent très accessibles. Les autres répondent par recommandation. C'est du moins ce qu'on dit de Lei Jun, le populaire fondateur de Xiaomi, ou de Ruby Lu, la cofondatrice du profitable DCM Ventures (2,8 milliards de dollars sous gestion) admirée par Rui Ma. L'étape de mise en contact passée, « tout va beaucoup plus viteUn an en Chine, c'est comme sept ans en Australie », observe celui qui a très vite apprécié, et adopté, la simplicité de ses homologues chinois.

Enfin, au-delà de l'investissement en soi, Philip reste bouche bée devant la solidarité des business angels envers les jeunes startuppers chinois. Si certains arguent qu'il s'agit d'ego, les cafés Internet et évènements où se rencontrent quotidiennement entrepreneurs et business angels sont là et les grands de la tech y participent. « L'envie de partage est très forte. Ceux qui ont réussi, que ce soit dans les nouvelles technologies ou dans la finance veulent montrer qu'on peut réussir en Chine sans avoir fait Harvard. Je n'ai jamais vu ça ailleurs qu'en Chine », conclut-il, pour le plus grand bonheur des startuppers.

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