Des pactes de compétitivité possibles, sous condition

Pierre Beretti est PDG d'Altedia.
Copyright : Christophe Lebedinsky

A la veille du sommet social du 18 janvier, on ne jure plus que par les vertus de l'adaptation de l'emploi par la négociation, en temps de crise, avec les "accords compétitivité-emploi" et le desserrement du chômage partiel. L'objet de ces accords ? Un compromis sur les conditions du travail - rémunération et temps de travail notamment - en échange d'une garantie relative de l'emploi.

Oui mais s'agit-il d'une fausse bonne idée ? D'abord, si c'est une piste prometteuse, ce n'est pas une idée nouvelle. On se souvient notamment des accords interprofessionnels sur la sécurité de l'emploi de 1969, 1974 puis 1986, qui traitaient déjà la question de l'information du comité d'entreprise sur les projets de compression d'effectifs. Ces accords portaient aussi sur l'anticipation, même si ce sujet était traité simplement au niveau des commissions paritaires de branche ou de territoire. L'accord national interprofessionnel de 1986 prévoyait même une batterie d'outils, allant de la modulation du temps de travail au développement d'actions employabilité pour préserver l'emploi.

Mais au-delà de la proposition, le vrai sujet tient aux conditions effectives de sa réalisation. Or, en observant la dynamique de la négociation collective dans la durée, il est saisissant de constater qu'il n'existe, en pratique, que peu d'accords portant spécifiquement sur l'emploi au niveau des entreprises : entre 1.500 et 1.800 en moyenne par an selon le ministère du Travail, à l'exception des années 2009 et 2010 marquées par un pic lié à l'obligation de conclure un accord seniors.

Seule une étude détaillée permet de comprendre pourquoi ce sujet, pourtant fondamental, reste si peu traité dans les entreprises concernées. Le suivi de l'emploi est, légalement, un sujet traité par le comité d'entreprise et c'est l'obligation triennale de négocier sur la GPEC (gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences) qui l'a ­consacré dans la négociation. Or, si l'on isole les accords relatifs à la GPEC du nombre des accords portant sur l'emploi, le volume de ces derniers est dérisoire par rapport au tissu économique français. Le maintien et la garantie de l'emploi ne seraient donc pas un sujet "négociable", relevant de la politique de recrutement et de licenciement propre à la liberté de gestion de l'employeur ?

Au regard de ce sombre constat, sans doute faut-il se poser la question des conditions d'acceptabilité des futurs accords. On le voit bien, il s'agit là d'une matière très sensible, d'autant que les représentants des salariés, placés face à un tel dilemme, gardent à l'esprit les fameux exemples où ce genre d'accords se sont finalement retournés contre eux en se soldant par des fermetures de sites, voire d'entreprises. Le préalable de la confiance est donc indispensable. Il passe d'abord par l'acceptation, de part et d'autre, de la réalité d'un motif économique incontestable. S'il existe un doute sur sa véracité, alors s'installera la méfiance face à un insupportable "chantage à l'emploi".

Ensuite, l'existence d'un dialogue social mûr au sein de l'entreprise est essentiel. Il permettra qu'une répartition équitable des efforts supplémentaires puisse intervenir et soit acceptée par les représentants du personnel, ce qui exige bien sûr une exemplarité du management. A l'inverse, les entreprises qui ont privilégié des réductions de salaires individuelles sur la base du volontariat se sont heurtées à des rejets massifs car la restauration de la compétitivité relève en France du collectif. En outre, les partenaires sociaux ne peuvent concevoir des dispositifs transitoires qu'à la condition qu'il soit bien clair que l'objectif final reste de rétablir la pérennité de l'entreprise, l'investissement à long terme, plutôt que des ratios sur une courte période.

Bien des négociations se sont heurtées à des fins de ­non-recevoir, parce que des précédents fâcheux avaient entaché la nécessaire confiance. Il ­apparaît aussi ­indispensable qu'existent, dans les accords, des clauses de réversibilité et de révision facilitées quand la conjoncture s'améliore. Des critères d'appréciation précis et des clauses de suivi rigoureuses doivent aussi être prévus en amont.

On pourrait penser qu'il s'agit là d'une sorte d'inventaire à la Prévert, mais ces conditions répondent à un objectif finalement assez simple, rendre possibles des "voies de passage" entre employeurs et salariés pour sauver l'emploi dans un contexte particulier : le deuxième pic d'une des plus graves crises que le capitalisme ait connues ces cinquante dernières années, avec ses conséquences dommageables au sein des entreprises comme la rupture du pacte de confiance. Inutile de rappeler dans ces circonstances combien il est important de "sécuriser" ceux qui feraient le pari de cette voie audacieuse en leur offrant les meilleures garanties possibles, permettant de gager une application loyale et sérieuse de ces accords. Lors du sommet social, ce mercredi, ces sujets seront sur la table. Il revient donc aux partenaires sociaux de passer de l'intention à l'action en offrant les moyens d'agir par le dialogue au sein des entreprises. C'est ainsi que nous pourrons mieux affronter cette nouvelle bataille de l'emploi.

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Commentaires 2
à écrit le 18/01/2012 à 15:11
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Des expériences réussies on en trouve ex l'accord sogerma services de 2007.

à écrit le 18/01/2012 à 10:24
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Le constat de non dialogue ou non sincère entre les partenaires sociaux (et politiques) me parait juste comme sa modération sur les causes. Des avancées dans ce domaine sont absolument nécessaires. Ces actions peuvent avoir un effet à court terme sur...

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