Sandrine Fernez-Walch : les PME traditionnelles laissées pour compte

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L'innovation : clef des emplois de demain, solution à la déroute actuelle de l'industrie française... Le thème est consensuel. Tous les candidats aux prochaines élections jugent prioritaire le soutien à l'innovation afin de booster nos exportations et rétablir l'équilibre de notre commerce extérieur. Entre 2010 et 2011, l'investissement public consacré à la R&D a cru de près de 20%. Depuis la réforme de 2008, le Crédit Impôt Recherche, à lui seul, a coûté à l'Etat cinq milliards d'euros par an. Les Investissements d'Avenir ont été conçus pour dynamiser les transferts entre recherche et industrie. Cet effort est d'une ampleur inédite, mais est-il suffisant ? On peut regretter que ces importants flux financiers ne profitent pas, autant qu'il serait nécessaire, aux PME traditionnelles qui font travailler la majorité des salariés. Beaucoup d'entre elles sont découragées par la complexité et le manque de lisibilité de l'offre de soutiens publics, et un grand nombre n'imaginent même pas pouvoir être concernées par ces aides du fait qu'elles ne pensent faire ni recherche ni innovation.

Or l'innovation ne se résume pas à la valorisation de technologies, à la présence de services dédiés à la recherche et au développement, à des projets d'innovation technologique en mode collaboratif, qui conditionnent une grande partie des aides publiques. L'innovation qui fait la différence, qui ouvre de nouveaux marchés, qui permet la survie d'une entreprise peut aussi provenir d'un changement de design, d'un repositionnement marketing, d'une réorganisation favorisant la créativité et la remontée d'idées depuis la base ...

Citons des exemples de PME boostées par de tels processus : les Forges de Laguiole qui se sont imposées à l'international grâce à un design innovant et au savoir-faire de ses salariés, les biscuiteries Poult, sous-traitant de la grande distribution, devenues force de proposition grâce à une nouvelle organisation, ou l'Orchestre de chambre de Toulouse qui a révolutionné le concept même d'orchestre grâce à l'évolution de ses pratiques de travail et de son statut juridique.

A vouloir focaliser les financements publics sur les technologies et la recherche, ne risque-t-on pas de voir se développer une industrie et des services à deux vitesses, avec d'un côté, les grands groupes et les petites entreprises high-tech, habiles à bénéficier des aides, n'hésitant pas, parfois, à s'en servir à titre d'optimisation fiscale, et de l'autre, la majorité des PME traditionnelles demeurant pour l'essentiel à l'écart du mouvement ?

A quand un guichet unique pour faciliter l'accès à des financements adaptés aux différentes situations des entreprises ? A quand, surtout, un renforcement de l'accompagnement des entreprises traditionnelles, qui leur permettra de valoriser, par l'innovation, leurs savoir-faire sur des marchés existants et nouveaux ? Les actions menées par les Agences Régionales de l'Innovation et par l'Etat via les Direccte (créées en 2010) vont dans le bon sens.

Mais il faut passer à la vitesse supérieure pour ce type d'accompagnement qui prend en compte les vrais besoins des entreprises. La région Rhône-Alpes l'a bien compris avec le lancement, en novembre 2011, d'un programme très ambitieux, le programme Innovation PME visant à améliorer le management de l'innovation de 150 entreprises. Avec un objectif : les aider à développer de manière récurrente, à partir de leurs savoir-faire, des produits et services innovants, susceptibles de leur faire conquérir de nouveaux marchés. Une démarche qui mériterait d'être reprise à cette échelle par d'autres régions. Avec de vrais résultats en termes d'emploi.

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