La transition énergétique : un débat de portée historique qui appelle des choix engageants

En pleine conférence environnementale, les cabinets de conseil Roland Berger Strategy Consultants, Frontier Economics et Ylios reviennent sur l'approche qui pourrait être adoptée et les orientations possibles de ce débat, en se fondant sur l'expérience d'autres pays.
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La politique énergétique est déterminée depuis plusieurs décennies par les choix autour de trois dimensions clés : la sécurité d'approvisionnement, la qualité de service et l'impact environnemental. La mise en ?uvre de ces choix était portée pour l'essentiel par le secteur de l'énergie, quand bien même ils impactaient l'ensemble de l'économie (balance commerciale, compétitivité, niveau de vie des ménages, etc.).
Deux mouvements sont venus changer ce paradigme. D'une part, les trois dimensions clés se sont élargies à de nouveaux champs : qualité de service et nouveaux usages pour la sécurité d'approvisionnement ; emploi et prix relatifs de l'énergie entre pays pour la compétitivité ; questions sociales et sociétales, comme la précarité énergétique pour l'impact environnemental. D'autre part, les politiques énergétiques s'intègrent désormais dans un ensemble plus large, comprenant le logement, le transport, la réindustrialisation.

Une ambition et des leviers d'action doivent être définis, sous contrainte de faisabilité et d'acceptabilité sociale

Redéfinir la politique énergétique nécessite de traiter trois questions profondément interdépendantes :
? Le niveau d'ambition de la transition énergétique, c'est-à-dire non seulement l'ampleur de la transformation mais aussi la vitesse à laquelle celle-ci est opérée ;
? Les leviers d'action à retenir pour opérer cette transformation ; ceux-ci sont de trois natures différentes : les leviers de nature technique (qui comprennent mix énergétique, intensité des efforts de maîtrise de la demande énergétique, contraintes sur les usages, choix ou paris technologiques) ; ensuite, le choix des modalités de financement de la transformation (fiscalité directe, dépense publique, etc.) et des agents économiques qui la supportent ; enfin, la gouvernance de la politique et du secteur énergétique (rôle des différentes parties prenantes : collectivités territoriales vs. autorités nationales, public vs. privé, clients finaux, etc.
? Enfin la faisabilité économique et l'acceptabilité sociale de la transition, qui constituent les contraintes que doit respecter la transition envisagée, dans un contexte de sensibilité accrue des opinions publiques et de chômage élevé : coût global acceptable de la transformation, capacité de financement public disponible, conséquences sur la compétitivité de l'économie aux différents horizons de temps, impact sur l'opinion.

L'observation d'autres pays montre qu'il existe plusieurs approches pour opérer la transition énergétique

Contrairement au Japon, qui l'a subie de manière brutale et à rebours d'une politique énergétique antérieure centrée sur le nucléaire, la plupart des pays s'orientent vers une transition énergétique choisie, mais sans nécessairement avoir pris le temps de se doter d'une vision complète et précise de la trajectoire à suivre.
? Après Fukushima, le Japon a arrêté 26 % de la production électrique en l'espace d'un an, événement sans comparaison en ampleur et soudaineté. Le pays a donc choisi de privilégier la question environnementale, au détriment de sa sécurité d'approvisionnement et de sa compétitivité économique.
? L'Allemagne, bien qu'elle ait engagé depuis longtemps le développement proactif d'une filière d'énergies renouvelables, s'est également trouvée en situation de réaction après Fukushima : la décision politique d'une sortie accélérée du nucléaire n'a dès lors pas permis d'intégrer des conditions de faisabilité économique de ce choix.
? A l'inverse, le Danemark a fait le choix dès 1985 de la sortie du nucléaire, puis décidé de mettre en place une fiscalité écologique contraignante, autorisant le développement d'une grande filière éolienne.
? Le Royaume-Uni est en train de redéfinir sa politique énergétique. Certaines options ont été prises, autour de l'éolien off shore ou de la relance du nucléaire, mais les parties prenantes sont loin d'avoir convergé : les investissements en matière de production et de réseaux ont donc été retardés.
? Les Etats-Unis ont décidé de développer rapidement les gaz de schiste et privilégié la compétitivité de l'énergie au détriment des efforts de réduction des émissions de CO2.
En l'absence de trajectoire commune, quatre scénarios peuvent être relevés :
? Mise en place d'un « New Green Deal » : développement de filières industrielles renouvelables exportatrices
? Mix énergétique équilibré et partiellement décarboné, combinant nucléaire, ENR et non consommation
? Compétitivité énergétique : choix du tournant des gaz de schiste
? Abandon du nucléaire : choix d'une sortie rapide du nucléaire, sans l'avoir nécessairement pleinement préparé.

Quels enseignements en tirer pour conduire le débat en France ?

Compte tenu de la situation financière ainsi que des engagements de la nouvelle majorité, il semble probable que les conclusions du débat ne s'orienteront pas vers un « New Green Deal », mais plutôt vers un rééquilibrage des priorités.
Ce débat doit avant tout traiter la question du mix de moyens entre énergies renouvelables, nucléaire, non consommation, voire gaz de schiste. Compte-tenu des expériences des autres pays, la crédibilité de ces orientations sera évaluée à l'aune de quatre critères :
? Capacité d'investissement
Le choix d'un mix énergétique et promouvant la décarbonation conduirait probablement à investir de l'ordre de 150 milliards d'euros pour le seul secteur énergétique, auxquels s'ajouteront des investissements dans les autres secteurs (bâtiment, transports, etc.).
? Importance des impacts sur l'économie et les modes de vie
La question de la transition énergétique doit être traitée dans sa globalité : localisation des infrastructures, rénovation thermique des bâtiments, transports, politiques industrielles, etc.
? Ambition et vitesse de réduction des émissions de CO2
Chacune des technologies choisies dans le mix énergétique contribue ou non à la réduction des émissions de CO2 mais est également associée à un « contenu en emploi » spécifique.
? Compétitivité de l'économie française
Les choix opérés sur ces questions par les autres grandes puissances économiques auront un impact sur la compétitivité relative de la France qu'il faudra assumer.

La complexité et l'importance de ces questions exigent une méthode appropriée. Tout d'abord, le débat doit s'étendre sur une période longue (6-8 mois), pour intégrer les contributions des nombreuses parties prenantes concernées, et associer activement les collectivités locales. Il doit également s'appuyer sur des éléments factuels et des évaluations objectives, capitalisant les retours d'expérience d'autres pays.

Nous sommes aujourd'hui à l'aube d'un choix engageant pour les décennies à venir, comparable à celui qui a présidé à l'adoption de la stratégie électronucléaire en 1973. C'est à la double condition de structurer la méthode autour des quelques principes énoncés ci-dessus et d'animer le débat dans un état d'esprit d'ouverture et de participation large que l'on pourra doter la France d'une vision, d'orientations d'actions et d'une avance sur cette question complexe de la transition énergétique.

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Commentaires 28
à écrit le 31/10/2013 à 14:25
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La transition énergétique : un débat de portée historique qui appelle des choix engageants reduce weight丨burning fat丨lose weight http://botanicalslims.fotopages.com/?entry=9514897

à écrit le 17/09/2012 à 22:45
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Le gigantesque marché des "Cleantechs" atteindra 4000 milliards dès 2020 http://cleantechnica.com/2012/09/17/global-cleantech-market-expected-to-expand-to-e4-trillion-by-2020s-germany-to-capitalize/ L'Allemagne en aura une grande part, avec le Japo...

à écrit le 17/09/2012 à 17:23
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Effectivement, il est intéressant de noter que ceux qui dénoncent les considérations partisannes semblent s'y engoufrer. Cet article semble donc bien atteindre son but : nous sommes à un tournant sur tous les points (ressources, technologies, politiq...

à écrit le 17/09/2012 à 9:24
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Il est intéressant de voir à travers le nombre de commentaires et leurs contenues que les débats sont déjà là. L'objectif est donc atteint. Néanmoins, chaque point mérite une discussion : la sortie de nucléaire, dans quelle mesure endommagerait-elle ...

à écrit le 16/09/2012 à 11:14
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La Tribune dit que le Japon prévilégie la question environnementale au niveau du nucléaire. Vu le niveau de radioctivité actuel au Japon, c'est plutôt une QUESTION DE SURVIE ! La Tribune ne vit pas au Japon et cela se voit. La Tribune est pour toutes...

le 17/09/2012 à 11:22
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Question de survie ? Faut pas exagérer ! L'accident nucléaire de Fukushima a fait ZERO morts. Et si vous voulez consulter les niveaux de radioactivité, c'est là, c'est officiel, c'est propre et sérieux : https://iec.iaea.org/fmd/default.aspx

le 17/09/2012 à 14:04
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"L'accident nucléaire de Fukushima a fait ZERO morts." faudrait poser la question aux irradiés de Tchernobyl... à moins que depuis on sait faire des radiations "bio" non mortelles...

à écrit le 15/09/2012 à 14:05
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Faut arreter les conneries: pas d'energie fossile, les energies "renouvables" c'est de la connerie techniquement. Ne laissons pas les marches financiers "reguler" le marche de l'energie. Il nous faut une politique a` long terme avec des choix realist...

à écrit le 15/09/2012 à 1:40
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Il faut surtout arrêter de considérer les énergies renouvelables par le biais de produits financiers. Construire des maisons dont les panneaux photovoltaïques fournissent l'électricité nécessaire à son fonctionnement, d'accord. Installer des panneaux...

à écrit le 14/09/2012 à 21:40
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"Ambition et vitesse de réduction des émissions de CO2". Rappel : le CO2 n'est pas un polluant, ni même un gaz à effet de serre. Le CO2 est au contraire un gaz indispensable à la vie. Les émissions de CO2 liées à l'activité humaine n'ont aucun effet ...

le 15/09/2012 à 2:11
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Bien sûr que le CO2 est un gaz à effet de serre.

le 16/09/2012 à 10:02
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Rappel sur le CO2 a raison. "L'effet de serre" n'est qu'une théorie. Aucune expérience de labo ne l'a jamais mis en évidence. Vous pouvez chercher, vous n'en trouverez pas. Je vous engage à le faire ! En attendant, nous allons payer très cher notre ...

le 16/09/2012 à 16:16
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"Le CO2 n'est pas un gaz a effet de serre", hum intéressant ça, parce qu?au dernière nouvelles si on fait un peu de théorie et qu'on regarde le spectre de rayonnement de la terre théorique (obtenu par la théorie du corps noir et la loi de Wien entre ...

le 16/09/2012 à 22:34
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Que le CO2 absorbe certaines longueurs d'onde, ça ne fait pas de doute. Ce qui n'a jamais été mis en évidence en labo, c'est l'augmentation de la température de l'air atmosphérique contenant "plus" de CO2. Cherchez, vous ne trouverez rien ce sujet. ...

le 17/09/2012 à 20:01
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Non ce n'est pas une interprétation que l'on modélise. Si la terre ne rayonne pas dans l'espace, cela signifie que l'énergie reste dans l'atmosphère ( principe de conservation de l'énergie), or l'énergie si elle ne rayonne pas se transforme en chaleu...

à écrit le 14/09/2012 à 17:53
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Un texte clair qui permet de comprendre de façon synthétique les grands enjeux qui sous-tendent le débat imminent. Dommage simplement que les exemples de ce qui s?est fait à l?étranger ne soit pas plus fournis.

le 14/09/2012 à 21:28
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Le débat est tronqué d'avance puisque les options durables les plus prometteuses en termes d'indépendance énergétique et de faiblesse des prix (gaz de schiste, renforcement du nucléaire) sont interdites de discussion. Comme la transition énergétique ...

le 15/09/2012 à 2:12
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L'industrie nucléaire promet ce que vous annoncez, mais ne tient pas.

le 15/09/2012 à 2:43
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Consommer moins est aussi une option

le 15/09/2012 à 8:05
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Les options les plus durables, le gaz de schiste et le nucléaire. Ça fait rire surtout avec les mots durable et faiblesse de prix. Mais je vois que les lobbies ont fait un bon travail de lavage de cerveau au fur et à mesure des années. Le gaz de schi...

à écrit le 14/09/2012 à 17:46
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Cet article a le mérite de reposer les enjeux de la conférence environnementale qui vient de s?ouvrir aujourd?hui et qui pourrait, si on s?en donnait les moyens être la pierre fondatrice d?une nouvelle politique de l?énergie? Encore faut-il pour cela...

le 14/09/2012 à 21:19
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Le refus obstiné de l'exploration du gaz de schiste avant même toute discussion n'est pas une posture partisane, des fois ? Le comble de la mauvaise foi !

à écrit le 14/09/2012 à 17:29
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De toutes façons,il faudra accepter l'idée d'une augmentation du prix de l'énergie.

à écrit le 14/09/2012 à 17:16
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La mise en perspective est bien vue : j'espère que les décideurs sauront prendre la mesure des décisions courageuses qui s'imposent.

à écrit le 14/09/2012 à 16:17
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Texte ampoulé,savant pour débiter des évidences. Pourquoi faire un débat? N'a t-on pas besoin d'énergie depuis longtemps et pour toujours. Débattre pour savoir comment l'obtenir est superflu. Quand on en a ,on l'exploite, sinon il faut l'acheter. Inu...

le 14/09/2012 à 17:10
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C'est évident. Quoi qu'on en pense, le mix énergétique des 50 ou 100 prochaines années est fondé essentiellement sur le nucléaire + gaz et pétrole non conventionnels, en attendant le graal de la fusion. Le pseudo débat sur les énergies renouvelables ...

le 14/09/2012 à 17:49
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"Pourquoi faire un débat?". Vous dénoncez vous-même les « technocrates » qui rendent « tordus à la longue » les secteurs. Profitons donc de la discussion pour contribuer aux choix futurs si cruciaux pour éviter de nous retrouver à l?avenir enfermés d...

le 15/09/2012 à 2:15
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Je ne vois ni en quoi cet article est ampoulé, ni en quoi il est savant.

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