Bien gérer le changement dans l'entreprise : attention aux impératifs sociaux !

S'inspirant des exemples anglo-saxons, les entreprises doivent mieux prendre en compte l'impact social de toute réorganisation. Par Claude Bodeau, associé, en charge du practice RH-Management chez Kurt Salmon

 Tout chef d'entreprise ou DRH l'a vécu : une réorganisation impacte forcément, à des degrés divers, les salariés, leur charge de travail et les relations dans l'entreprise. Autant d'éléments qui doivent désormais être anticipés avant tout projet de transformation de l'entreprise. Obligatoire également, la consultation du CE et CHSCT. L'objectif en amont de ces consultations : cartographier et évaluer l'ensemble des risques que le projet comporte pour les salariés, puis mettre en place des mesures préventives. Et surtout, prouver leur efficacité : l'employeur est désormais soumis à une obligation de moyens et de résultats, en matière de protection de la santé mentale ou physique des salariés. A défaut, il peut être mis en cause.

Comment s'acquitter de cette obligation ? Et, mieux encore, en faire un avantage compétitif ? Peut-être en regardant du côté des entreprises anglo-saxonnes. Elles ont développé en la matière une palette de solutions largement applicables dans notre pays.

 

Agir avant la période à risque

D'abord, il s'agit de construire sa stratégie de prévention largement en amont du projet de transformation. Avant un redéploiement, l'implémentation d'un nouveau système d'information, ou un plan de sauvegarde de l'emploi, il importe de se doter d'outils de mesure permettant d'évaluer la qualité de vie au travail : enquêtes de satisfaction, lignes d'écoute téléphoniques, (avec accueil confidentiel 24H/24H, permettant d'aborder des thèmes privés aussi bien que professionnels) groupes de discussion, formalisation lors de l'entretien annuel d'évaluation… l'essentiel est de pouvoir mesurer, lorsque rien n'a encore changé dans l'entreprise, comment les salariés s'y sentent. Ce qui permettra ensuite, lorsque le changement interviendra, de mesurer son impact.

C'est également en amont de l'évènement que les anglo-saxons -mais aussi de plus en plus d'entreprises françaises- forment leurs managers à reconnaître, chez leurs collaborateurs, les signes avant-coureurs de dépression. Un risque réel chez un individu qui change de poste ou d'environnement de travail sans préparation. C'est enfin en période calme que le dialogue régulier avec les médecins du travail ou assistantes sociales doit être instauré.

 

Anticiper l'impact du changement sur chaque poste de travail

Phase suivante : avant le projet de transformation toujours, réaliser une étude d'impact. Poste à poste, ou au minimum service par service, quels seront les effets de ce changement sur l'organisation de l'activité, la charge de travail ? Une fois ces éléments évalués, reste à définir des mesures d'accompagnement adaptées, et individualisées. Formation, accompagnement sur le terrain d'une équipe ou d'une personne, mentoring ou coaching… chaque action devra se mener après avoir sensibilisé les hiérarchies aux postes les plus exposés, car les plus touchés par la réorganisation.

Et en écoutant les salariés : via des groupes de discussion physiques, digitaux, ou encore grâce aux bonnes vieilles « boîtes à idées », l'essentiel est que chaque voix puisse être entendue. Et que cette participation produise des effets concrets, en permettant d'affiner les mesures d'accompagnement.

Créer un dialogue social avant le changement

Mais une telle implication n'existera qu'à condition d'avoir posé, avant la période de changement, les bases d'une confiance solides. Idem d'ailleurs avec l'ensemble des partenaires sociaux : avoir établi, à froid, un accord de méthode avec le CHSCT permet de gagner en efficacité et en sérénité en période de changement. Et surtout de créer un dialogue social sur la durée.

 Prévenir les risques psycho-sociaux

Prévenir les risques psycho-sociaux, dans un contexte où 42%[1] des salariés estiment que la crise a accru la pression dans leur entreprise, s'avère aussi urgent que nécessaire. Urgent, du fait des coûts induits et des risques encourus pour l'employeur. Nécessaire, parce que l'amélioration des conditions de travail permettrait de gagner 1% de croissance[2] supplémentaire. Ecouter les salariés et les représentants syndicaux, leur manifester de la considération, leur faire tester les pistes d'amélioration… ces éléments peuvent s'avérer hautement rentables. Même si aucune recette miracle n'existe, le vrai risque, c'est de ne rien faire : 60 % à 75 % des restructurations se traduisent par un échec imputable non pas à la stratégie, mais au facteur humain[3].

 

[1] Sondage Opinionway/ Octobre 2013

[2] IBET 2013 - Indice de Bien-Etre au Travail

[3] Comité scientifique de la délégation générale européenne de l'emploi

 

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Commentaires 4
à écrit le 08/04/2014 à 16:19
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Bonjour, Dans le cadre de mon mémoire portant sur la conduite du changement et l’épuisement professionnel, je réalise une enquête afin de recueillir votre témoignage sur la manière dont vous avez vécu le changement au sein de votre entreprise. A no...

à écrit le 09/01/2014 à 10:56
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J'ai vécu la même chose, le pire c'est la motivation... En chute libre! Le fait de ne pas être intégré aux discussion dévalorise l'employé c'est l'inverse du ménagement ! Les anglo-saxons ont tout compris.. Comme pour tout ( droit du travail, droit...

le 09/01/2014 à 11:18
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"Les anglo-saxons ont tout compris.. Comme pour tout ( droit du travail, droit de l'homme, démocratie, sécurité sociale)" peut être cela dépend de la ste mais ils ont surtout compris que la rémunération est le principal moteur de la motivation

à écrit le 09/01/2014 à 10:43
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En effet... Je vis un changement dans mon entreprise ( horaire en 2x8 au lieu de journée) Ce changement à eté décidé sans discussions avec les acteurs. Résultat 10 jours après l'annonce: 4 dépressions, 6 démissions sur 40 personnes. C'est pas fin...

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