A quoi servent les conférences sociales ?

Doit-on confier à des syndicats si peu représentatifs le soin de concevoir, au petit matin, la législation sociale et l'action en matière d'emploi? Par François Taquet, avocat

Les rideaux sont maintenant tirés sur la 3° conférence sociale. Le chef de l'Etat en a profité pour s'auto congratuler sur la méthode utilisée. Qui peut dire, a-t-il conclu, que les deux premières conférences sociales n'ont pas été utiles ? Gardons nous bien de critiquer une méthode qui repose sur le dialogue social, même si on peut avoir des doutes sur la qualité d'un « dialogue » avec plus de 300 invités, et des tables rondes composées de plus de 40 personnes !
Mais, au-delà de la forme, plusieurs points suscitent l'interrogation.

La France n'a rien à voir avec les pays du Nord

Chercher le dialogue avec les syndicats ouvriers ou patronaux semble pour le moins normal. L'exemple des pays de l'Europe du nord nous est souvent cité, et à juste titre. Cependant la France n'a rien à voir avec les pays de l'Europe du nord. En effet, notre pays n'a que 8% de salariés syndiqués, dont la moitié dans la fonction publique. C'est le pire des taux en Europe, le Danemark, la Suède et la Finlande pouvant se targuer de 70% de salariés syndiqués. Certes, on nous rétorquera que les situations ne sont pas comparables puisque dans certains pays, l'octroi d'avantages matériels est lié à l'adhésion à un syndicat. Ceci est vrai.

Les limites du dialogue social avec des organisations peu représentatives

Mais cette vérité ne doit pas occulter le fait que les syndicats ouvriers français ont vu leurs effectifs fondre de moitié en 25 ans, Et que dire de la représentation des syndicats de salariés dans les PME et les TPE qui représentent la majeure partie des entreprises en France et qui est quasiment nulle, tout comme d'ailleurs le taux d'adhésion des patrons de ces entreprises à une organisation patronale. L'exercice du dialogue social avec des organisations pour le moins peu représentatives a donc ses limites ! On peut même parfois se demander si le poids des syndicats n'est pas inversement proportionnel à leurs effectifs ! Sans doute serait-il utile que les leaders des organisations syndicales françaises s'interrogent sur cette faiblesse d'audience.  Et dans le même temps, il serait utile que les politiques se posent des questions sur l'importance accordée à des syndicats si peu représentatifs.

Le parlement dépossédé de ses prérogatives

En allant plus loin, on peut être étonné de l'importance donnée aux accords signés par des syndicats qui ne représentent qu'eux même, au détriment de la représentation nationale. Et pourtant, à y regarder de près, les derniers textes sociaux (ex : loi de modernisation du marché du travail de 2008, loi de sécurisation de l'emploi de 2013, loi sur la formation professionnelle de 2014) suivent ce le même parcours chaotique : réunion entre les partenaires sociaux, accord pris au petit matin et rédigé dans un français approximatif, transmission du texte au Parlement auquel il est demandé de ne rien changer y compris les dispositions les plus aberrantes ou inapplicables (ex : le temps partiel à 24 h minimum issu de la loi de sécurisation de l'emploi).

Avec ce résultat pour le moins surprenant, dans un pays où l'emploi constitue la préoccupation majeure des citoyens, que le Parlement est totalement dépossédé de ses prérogatives ! Faut il poursuivre dans cette voie où le dialogue social semble primer sur la démocratie politique, où les représentants élus se contentent de « voter » des dispositions pré rédigées?

Les sujets essentiels ont été évités

Et finalement, tout cela pour quel résultat ? Alors que la maison brûle, on a nettement l'impression que les sujets essentiels sont évités. A aucun moment il n'a été question de la mise à plat de notre système de protection sociale.  A aucun moment, il n'a non plus été question de la nécessaire simplification du droit du travail qui a ce double défaut de ne pas protéger les salariés et d'entraver l'emploi.  Et pourtant, ce sont là des sujets essentiels.  Mais un pays qui n'arrive déjà pas à simplifier une fiche de paie (28 lignes contre 4 en Belgique), est-il capable de se réformer ?

François Taquet, Professeur de Droit social, Avocat, Directeur scientifique du réseau GESICA (premier réseau international d'avocats francophones, crée en 1977, comptant aujourd'hui 2200 avocats répartis au sein de 250 cabinets en France et à l'étranger)

 

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Commentaires 3
à écrit le 09/07/2014 à 8:22
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a remplir son agenda , à faire croire que l'on travaille, à faire croire que l'on défend les intérêts des travailleurs, à occuper un après midi pluvieux…pour les syndicats, trouver un accord avec les politiques en place, afin éviter de passer devant ...

à écrit le 09/07/2014 à 3:53
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Réponse: à donner de l'importance à des syndicats non représentatifs des actifs mais surtout très politisés!

à écrit le 08/07/2014 à 20:18
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A rien ! Du moment que ça nous coûte cher ! Dans tous nos foyers à chaque conflit nous .....conférencons et c'est gratuit !

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