À Lyon, ça défouraille en vue des prochaines élections

POLITISCOPE. Après bientôt vingt années de règne sans partage de Gérard Collomb, ils sont nombreux parmi les transfuges du PS à La République en marche (LREM) à vouloir prendre leur revanche face au « duc du Rhône ». Par Marc Endeweld, journaliste (*).
Bien qu’il n’ait pas été investi par Emmanuel Macron, David Kimelfeld (à dr.) s’opposera à Gérard Collomb, maire actuel de Lyon (à g.).
Bien qu’il n’ait pas été investi par Emmanuel Macron, David Kimelfeld (à dr.) s’opposera à Gérard Collomb, maire actuel de Lyon (à g.). (Crédits : NICOLAS LIPONNE/NURPHOTO)

À quelques mois des municipales, c'est peu dire que les esprits s'échauffent à Lyon. Il y a une dizaine de jours, juste avant la tenue d'un conseil municipal qui s'annonçait déjà tendu, deux élus se sont fortement embrouillés dans la cour de l'hôtel de ville : « Traître ! », « Tu crois que tu me fais peur ? Minable ! », a lancé Roland Bernard, fidèle parmi les fidèles de Gérard Collomb, à l'encontre de Thomas Rudigoz.

Son tort ? Avoir affiché son soutien au président de la métropole, David Kimelfeld, et à Georges Képénékian, l'ancien maire de Lyon, qui sont bien décidés à tourner la page Collomb. Élu député en juin 2017, Thomas Rudigoz fait partie des douze conseillers qui ont rallié Kimelfeld en créant un groupe de soutien. Roland Bernard, qui les a surnommés « les douze salopards », n'a pas hésité à s'attaquer à l'homme derrière l'élu : « Tu n'as jamais rien fait de ta vie. », « Tu ne sais même pas ce que c'est que de produire de la richesse. »

Avant d'être député, le quadragénaire Thomas Rudigoz fut d'abord un collaborateur d'élus... Pas vraiment le pedigree de Roland Bernard : depuis quarante ans, cet homme de gauche, ami de Gérard Collomb, est un entrepreneur reconnu dans la capitale des Gaules. À force de ténacité, il y a construit un petit empire hôtelier - il est ainsi propriétaire de trois hôtels, notamment le Charlemagne. Bref, Roland Bernard est l'une des discrètes success stories à la lyonnaise.

Tensions au cœur du pouvoir

Cette altercation entre élus illustre les tensions qui existent actuellement au cœur du pouvoir à Lyon. Après bientôt vingt années de règne sans partage de Gérard Collomb, ils sont nombreux parmi les transfuges du PS à La République en marche (LREM) à vouloir prendre leur revanche face au « duc du Rhône ». Parmi ceux-là, on trouve le député LREM Yves Blein, ex-premier fédéral du PS, et président de l'association d'éducation populaire Léo Lagrange, un des piliers historiques des réseaux de Pierre Mauroy au PS. Les règlements de compte actuels sont donc une affaire de famille. D'où leur violence...

Ainsi, les mots crus échangés par les deux élus dans la cour de l'hôtel de ville sont à la hauteur de l'exaspération du clan Collomb qui se confronte depuis de nombreux mois à leurs anciens camarades du PS. Ces ambitieux qui n'hésitent pas à contester sur ses terres Gérard Collomb, redevenu maire de Lyon après sa démission comme ministre de l'Intérieur, ont pour modèle la vague de « dégagisme » qui a porté au pouvoir Emmanuel Macron en 2017. Quelle ironie du sort pour celui qui fut l'un des premiers grands élus à soutenir l'ancien ministre de l'Économie dans l'aventure d'En Marche ! N'oublions pas que c'est Gérard Collomb qui a remporté le soutien décisif de François Bayrou au candidat Macron en février 2017.

Mais cette guerre entre « pro » et « anti » Collomb est aussi, et peut-être avant tout, une guerre politique entre générations. C'est pourquoi une grande majorité des Jeunes avec Macron de Lyon - parmi eux, des anciens collaborateurs de Gérard Collomb - ont décidé de soutenir la candidature de David Kimelfeld... contre l'avis du parti qui a finalement décidé en octobre dernier d'investir Gérard Collomb comme candidat LREM à la métropole.

Lire aussi : Onze femmes chefs d'entreprise s'engagent pour David Kimelfeld

Les anti-Collomb n'ont pas dit leur dernier mot

Malgré ce premier coup de théâtre (une véritable déconvenue pour Kimelfeld, Macron lui avait promis en juin qu'il serait bien investi...), les anti-Collomb n'ont pourtant pas dit leur dernier mot. Kimelfeld a annoncé qu'il irait jusqu'au bout. Et ce, malgré les premiers sondages qui lui sont largement défavorables. Reste qu'à Lyon, les deux élections - à la mairie comme à la métropole - ne sont réellement gagnables qu'en poussant son avantage dans les neuf arrondissements comme dans les quinze circonscriptions.

Sans l'effet « prime au sortant », l'élection municipale à Lyon est peut-être plus ouverte qu'il n'y paraît. Voilà pourquoi il y a quelques semaines, François Bayrou a fait le déplacement à Lyon pour apporter un soutien ostensible à Collomb, et négocier avec lui la candidature à la mairie de Fouziya Bouzerda, élue Modem, « qui contrairement aux autres n'a pas oublié que c'est bien Gérard qui l'a faite à Lyon », persifle une amie du maire de Lyon.

Dans les coulisses, une seconde campagne se met également en place en direction des milieux économiques. Et dans cette ville de réseaux, Gérard Collomb y compte encore de nombreux soutiens. À l'inverse, sa prise de distance avec le président de la République pourrait lui permettre de récupérer des voix issues des sympathisants du PS. « Si Collomb est perdu pour la patrie macroniste, il ne pourra gagner sans un caillou dans sa chaussure », commente un initié des charmes de la politique lyonnaise.

Lire aussi : Métropole 2020 : A Lyon, Gérard Collomb tend toujours la main à David Kimelfeld

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NOTE SUR L'AUTEUR

Marc Endeweld, auteur de L'ambigu Monsieur Macron (Éditions Flammarion), et de Le grand manipulateur - Les réseaux secrets de Macron (Éditions Stock), tiendra désormais chaque semaine une chronique politico-économique dans La Tribune intitulée "Politiscope".

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Commentaires 2
à écrit le 30/11/2019 à 20:40
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Il n’y a pas que le duel des égos LREM à Lyon. Étienne Blanc présente un très beau projet avec une belle équipe. Ça serait bien de réconcilier les lyonnais et les français avec la politique en débattant du fond. Osons sortir des querelles stériles e...

à écrit le 29/11/2019 à 8:43
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Remplacer la peste par le choléra, c'est ce qu'ils appellent "démocratie".

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