Comment se positionnent les Français face à l'inflation ?

OPINION. Toucher aux prix de la baguette, du gaz et de l'électricité, des timbres et des carburants, dans un contexte d'inflation en hausse, c'est augmenter la part des dépenses contraintes et s'attaquer aux besoins fondamentaux : s'alimenter, se loger avec plus de confort, communiquer, se déplacer. Par Yves Bardon, Directeur du programme Flair d’Ipsos en France
(Crédits : Banque de France)

Tous les Français ne sont pas logés à la même enseigne ! Ipsos a sondé, via sa communauté en ligne ConnectLive, les réactions des consommateurs Français, qui relèvent avec ironie ou amertume cette hausse de prix, et dénoncent leurs auteurs.

L'étude révèle 5 catégories de consommateurs, réagissant différemment à l'inflation :

  • Les Protégés passent au travers des mailles du filet, parce que certaines dépenses sont prises en charge par leur employeur : « J'ai la chance que mon entreprise me paie mon gasoil. Idem, mon mari a un camion pour la semaine », ou parce qu'ils disposent de transports publics ou de solutions alternatives à l'automobile : « J'ai la chance de ne pas avoir à me servir de ma voiture pour me rendre au travail. Je suis, et je le sais, privilégié sur ce sujet et je peux comprendre le mécontentement des personnes qui doivent effectuer plusieurs dizaines de kilomètres chaque jour ». On notera la récurrence de « chance » dans ces deux témoignages...

  • Les Exaspérés ne ratent pas l'occasion de stigmatiser ceux qui jouissent du système social : « Cela va être dur de tout gérer si cela continue à augmenter de la sorte et qu'on se moque de nous en donnant toujours plus aux fainéants... Et je parle de ceux qui ne cherche pas à travailler, pas aux personnes en recherche active d'emplois ou ayant des difficultés à en trouver ! ».
    Leur frustration est d'autant plus grande qu'ils ont le sentiment que les aides promises relèvent de la démagogie alors que des variables d'ajustement existent en modulant les taxes : « Les différentes annonces pour les ménages en précarité, c'est juste un coup de com avant élection ! Et quand on sait que pour l'essence, le gaz et l'électricité, c'est 60 % de taxes et abonnements ... ».
    Ils se sentent déclassés, tirés vers le bas, et méprisés par le gouvernement : « On a réduit la température du chauffage et on essaye de ne pas trop utiliser la voiture. On fait également attention aux consommations électriques. Et ce n'est pas avec cette minable prime de 100 euros qui va changer quelque chose. Nos politiques sont loin de la réalité. »

  • Les Surfeurs s'adaptent et adoptent de nouveaux comportements : « J'ai énormément anticipé cette année (j'ai commandé des granulés pour la chaudière en Juin avec ma prime salariale), j'accepte de payer en plusieurs fois des factures - ce que je ne faisais jamais, je fais des achats en paiement différé (merci ma banque !) ou en payant en plusieurs mensualités avec PayPal ».

  • Les Surpris réalisent que ces hausses n'étaient ni des fictions médiatiques ni réservés aux autres, mais les atteignent directement, eux aussi : « J'en avais beaucoup entendu parler aux infos, mais pas trop ressenti sur mon porte-monnaie. Mais en ce début de mois de novembre, c'est le coup de massue. Toutes les factures augmentent et les prix au supermarché ont augmenté de 20 voire 50 centimes. C'est fou ! ».
    Certains doivent chercher des revenus complémentaires : « J'accepte de faire des heures sup dès que l'on m'en propose et je fais attention quand je fais mes courses ».

  • Les Arbitres veulent rationnaliser leurs dépenses, contrôler leur consommation et les ajuster, notamment en réfléchissant à l'utilité de tel ou tel achat, au rapport qualité-prix, à la nature de son bénéfice pratique ou émotionnel.  Ils prolongent des comportements adoptés avec les confinements, pour des raisons économiques s'ils ont souffert de leurs conséquences financières, ou éthiques s'ils se sont posé des questions sur le sens et la valeur de consommation, une attitude qui peut être partagée par les Surpris déstabilisés par les hausses : « Notre pouvoir d'achat a été affecté par la crise sanitaire et nous avons recentré nos dépenses sur ce qui nous paraissait essentiel avant la crise et l'est devenu encore plus après le covid : partager des moments en famille autour de repas conviviaux, à la maison, dans un intérieur que l'on a pris soin de refaire ensemble pendant le confinement. Les dépenses sont nettement moins élevées qu'en allant au restaurant mais le plaisir procuré par ces instants de partage n'a pas son pareil ! ».

Pourquoi dans tous les cas, ces réactions doivent nous alerter

Ces réactions aident à anticiper les conséquences politiques de ces hausses et à identifier quel champion correspond le mieux à tel ou tel positionnement du point de vue de la Présidentielle - sachant que ces catégories ne sont pas étanches : un Protégé ou un Surfeur peuvent se transformer en Surpris si telle ou telle aide alternative n'est plus accessible, un Surpris peut devenir un Exaspéré s'il doit renoncer à tel ou tel petit plaisir, un Arbitre peut se muer en Surpris si sa sagesse n'est pas récompensée et qu'il découvre la frustration.

Elles montrent que ce n'est pas par hasard si le pouvoir d'achat est aujourd'hui, indépendamment de la Covid-19, la préoccupation n°1 des Français et expliquent les mouvements sociaux - et leur violence - en Guadeloupe ou en Martinique, et hors des territoires français, aux Pays-Bas, notamment. On se souvient que l'inflation et les hausses des prix des produits de première nécessité sont à l'origine des émeutes et des pillages en Argentine, au Brésil ou au Venezuela, avec la limitation des retraits bancaires, la perte des économies, l'augmentation du chômage et de la pauvreté.

Elles aident enfin à comprendre le succès ponctuel de telle ou telle opération de discount, le Black Friday par exemple, ou des enseignes à bas prix comme Normal ou Hema, qui représentent une vraie opportunité pour réconcilier toutes les catégories, des Exaspérés aux Arbitres, en recréant l'opportunité de répondre à un besoin ou de se faire plaisir à moindre coût.

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Méthodologie : Etude menée auprès de la communauté ConnectLive d'Ipsos composée de 1.500 membres représentatifs de la population française. Réponses collectées du 2 au 7 décembre.

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Commentaire 1
à écrit le 09/12/2021 à 13:51
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"Cela va être dur de tout gérer si cela continue à augmenter de la sorte et qu'on se moque de nous en donnant toujours plus aux fainéants... Et je parle de ceux qui ne cherche pas à travailler, pas aux personnes en recherche active d'emplois ou ayant...

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