France-Chine : peut-on limiter les effets de l'inflation par les coûts et l'inflation importée  ?

ANALYSE. Avec une dégradation du déficit du commerce extérieur*, une fragilité des chaînes d'approvisionnement, des coûts de transport plus élevés et des pénuries de main-d'œuvre l'inflation est de retour. Pouvons-nous la maîtriser sans action de la BCE et sans réduire notre dépendance à la Chine ? Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.
(Crédits : VASILY FEDOSENKO)

Beaucoup de Français s'en souviennent, une inflation forte a touché la France après le choc pétrolier de 1973. À l'époque, peu d'économistes ont vu l'arrivée d'une crise économique qui dura plus de vingt ans. Après 1980, cette inflation a baissé régulièrement pour se stabiliser à moins de 2%. Si une forte inflation venait à s'installer durablement en 2021, les conséquences seraient importantes sur les budgets des ménages les moins riches. Les classes aisées, vu leurs épargnes forcées pendant la période de la pandémie, pourraient continuer à consommer alors que les Français les plus pauvres auront besoin de chèques énergie et d'indemnités d'inflation. Pour l'État; une inflation à court terme est une aubaine, elle permet de réduire plus facilement sa dette Covid en la remboursant avec une monnaie dévaluée. Pour éviter une crise économique, il faut se poser la question : cette inflation a-t-elle baissé après 1980 du fait de la diminution de la croissance et des investissements et une liquidité abondante ou du fait de la mondialisation et de l'importation de la Chine à des prix très bas ?

Pendant des années, les usines chinoises ont agi comme un frein à l'inflation en réduisant les coûts pour éviter la perte des clients dans un contexte de concurrence acharnée. Mais voilà, depuis la reprise après pandémie, les fabricants chinois ont confiance en eux et répercutent toutes les augmentations sur leurs clients étrangers. L'indice chinois PPI, qui mesure le coût des marchandises sorties d'usine, a connu une augmentation de 9% sur un an. Il s'agit de sa plus forte hausse depuis septembre 2008. Il faut ajouter au coût de production les frais d'expédition, un conteneur de 40 pieds est passé de 3000 à 17.000 euros en un an soit une augmentation de 567%. La hausse des prix ne décourage pas les clients, les importations françaises augmentent significativement et les exportations chinoises devraient augmenter de plus de 21% cette année, la plus forte hausse depuis une décennie.

Une inflation d'origine d'une zone économique qui nous échappe est difficile à gérer par une Banque centrale

Avec une répercussion sur le prix final aux consommateurs, la hausse des coûts des matières premières sur les marchés mondiaux menace la croissance chinoise. Il n'est pas certain que la Chine puisse contenir cette augmentation et éviter une stagflation. De plus il n'est pas assuré que les usines chinoises pourraient faire face à une augmentation de 20% de leurs coûts d'électricité en raison de la pénurie actuelle. Bien qu'en Europe les produits manufacturés en provenance de Chine ne représentent qu'une petite partie de leurs dépenses quotidiennes, avec l'euro la France perd de l'argent à chaque importation de Chine vue l'irrésistible ascension du Yuan chinois. Avec un resserrement monétaire plus rapide que prévu par la Banque centrale américaine (FED) et l'incertitude de la réaction de la BCE, le dollar américain risque de grimper et la flambée des prix de l'énergie peut devenir la principale cause de la remontée de l'inflation. Enfin, face à la pénurie de main d'œuvre, l'augmentation des salaires est inéluctable en France et en Chine. Les salaires qui remontent pourront nourrir la hausse des prix comme c'était le cas dans les années 70. Il est à craindre que l'accélération de l'inflation ne soit pas temporaire comme le déclare Philip Lane, l'économiste de la Banque centrale européenne BCE.

L'origine de cette inflation n'est pas uniquement chinoise

La première cause de cette inflation est l'excès de liquidité. "La cause immédiate de l'inflation est toujours et partout la même : un accroissement anormalement rapide de la quantité de monnaie par rapport au volume de production" Milton Friedman, Inflation et Systèmes monétaires (1969). La présence d'une quantité excessive de monnaie, diminue son pouvoir d'achat. Contrainte par un taux d'intérêt directeur à 0% déjà à son plus bas niveau, la BCE n'a eu d'autres moyens que de recourir à une nouvelle série de mesures non conventionnelles à partir du 12 mars 2020. Ainsi le programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP), un programme de 1.850 milliards d'euros jusqu'en mars 2022, vise à lutter contre la crise économique liée à la pandémie de la Covid. Alors même que la FED abrège le programme d'achat de titres souverains, la BCE au contraire envisagerait de lancer un nouveau programme de rachat d'obligations. Ce nouveau plan compléterait le dispositif courant d'assouplissement quantitatif. Le cauchemar de la BCE est une remontée trop rapide des taux d'intérêt venant à annuler une reprise hésitante. La liquidité excédentaire finit par engendrer  une hausse de l'inflation et une Bourse qui monte alors que la pandémie perdure. La deuxième cause est le partage des revenus. Comme dans les années 1970, avec la hausse des prix qui s'accélère du fait des prix de l'énergie et le coût de l'importation, les salariés demandent des augmentations des salaires. Pour éviter les arrêts de travail et garder leurs profits, les entreprises augmentent leurs prix de vente et accentuent l'inflation.

Qui va payer ?

Dans la politique monétaire actuelle de la BCE, le pouvoir d'achat des ménages sera affecté par les tensions inflationnistes ou pourrait pâtir d'une hausse des taux d'intérêt si la BCE réagit pour freiner l'inflation. L'autre choix de la BCE serait de continuer les programmes de rachat des obligations et créerait plus de liquidité qui entretiendrait l'offre de crédit. Cette création de monnaie bénéficierait aux entreprises qui accèdent à des sources de financement plus avantageuses et qui favorise l'inflation par l'accroissement anormale de la quantité de monnaie. Comment sortir de cette ornière ? La BCE est-elle uniquement en charge de la stabilité des prix ou doit-elle orienter sa politique à des fins de stabilité financière ? La stabilité de prix est obtenue par les modifications du taux d'intérêt directeur de la BCE. La stabilité des prix entraîne une stabilité financière qui s'appuie sur le contrôle des institutions des crédits via une politique microprudentielle. Quand une Banque centrale arrive à ses limites, les États n'auront-ils désormais d'autres choix que d'imposer ou de convaincre les épargnants de leur prêter leurs économies ?

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(*) https://www.senat.fr/presse/cp20210208a.html

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