Distribution automobile  : la révolution annoncée

OPINION. Si la disruption dans le secteur de l'automobile est bien connue, en revanche celle des réseaux de concessionnaires l'est moins alors même qu'ils sont appelés à muter de façon substantielle.Par Antoine Weill, associé chez Simon-Kucher & Partners.
Le deuxième scénario pour faire évoluer la distribution est celui de l'internalisation de la vente par les constructeurs. C'est l'approche choisie par Tesla, propriétaire de quelques flagship stores fortement digitalisés dans les grandes villes (Photo à San Diego).
Le deuxième scénario pour faire évoluer la distribution est celui de l'internalisation de la vente par les constructeurs. C'est l'approche choisie par Tesla, propriétaire de quelques flagship stores fortement digitalisés dans les grandes villes (Photo à San Diego). (Crédits : Reuters)

La technologie des véhicules n'est pas la seule révolution qui touche le secteur de l'automobile. Les modes de distribution vont eux aussi être bouleversés par les mutations majeures de l'industrie et par les difficultés financières des revendeurs. Au point que le modèle dominant traditionnel doit aujourd'hui se remettre en question : alors que les voitures sont très majoritairement vendues par des concessionnaires indépendants liés à un seul constructeur, ce modèle centenaire est menacé.

La demande d'une offre multicanale

D'abord, ce système répond de moins en moins bien aux attentes des clients qui se sont habitués aux types d'expériences que peuvent délivrer les Amazon, Netflix ou autres Spotify. Alors que les vendeurs persistent à valoriser les interactions humaines et le « contact  physique » avec le véhicule, notamment les essais, les clients demandent une offre multicanale et beaucoup plus digitalisée. La partie négociation est perçue comme si pénible qu'une majorité d'entre eux préfèrent se rendre... chez le dentiste que négocier le prix d'un véhicule en concession !

Ensuite, de nouvelles concurrences arrivent, avec l'émergence de nouveaux acteurs online mais aussi offline, comme on l'a récemment vu avec l'offre de Fiat 500 proposées à prix cassé par Lidl. Les constructeurs eux-mêmes s'engagent de plus en plus dans la vente directe.

Enfin, de multiples mutations impactent le modèle économique des concessions : la migration grandissante de la possession d'un véhicule vers la mobilité, donc vers de plus en plus de flottes dont la vente est généralement assurée directement par les constructeurs ; la montée en charge des véhicules électriques, qui ont moins de pièces et donc coutent moins en réparation et dont la maintenance se fait en partie à distance, prive les concessionnaires d'une partie de leur principale source de revenu que constitue l'après-vente ; l'arrivée à plus ou moins court terme des voitures autonomes qui peuvent directement se rendre à un grand centre de réparation multimarque qui réduit l'importance d'un réseau dense de réparateurs agréés.

Trois scénarios

Dès lors, trois scénarios peuvent être identifiés pour l'avenir de la distribution automobile. Le premier est le maintien du système actuel, mais avec une baisse sensible du nombre de concessionnaires indépendants, dont à moyen terme un tiers au moins devrait disparaître. Dans ce cas, on assistera à une centralisation des fonctions de back-office chez les constructeurs (IT, prise de commande, marketing, flux logistique...), les concessionnaires se focalisant sur les activités clients les plus critiques (essais, livraison...). On observe déjà le phénomène en Espagne et au Royaume Uni avec une centralisation de la vente de pièces vers les garages indépendants.

Le deuxième scénario est celui de l'internalisation de la vente par les constructeurs. Ce cas de figure pourrait survenir si le modèle économique des concessionnaires continuait à se détériorer fortement et si la pression des besoins multicanaux digitaux s'intensifiait, besoins que les revendeurs ont aujourd'hui beaucoup de mal à maitriser d'un point de vue technique et humain. C'est l'approche choisie par Tesla, propriétaire de quelques flagship stores fortement digitalisés dans les grandes villes.

Des risques très élevés

Enfin, troisième possibilité, les constructeurs pourraient directement vendre leurs véhicules sur des plateformes, que ce soient les leurs ou des externes du type Amazon. Certains constructeurs y réfléchissent mais les risques sont pour eux très élevés : perte de contrôle de la fixation des prix, de l'image de marque, nivellement ou retournement du pouvoir entre le constructeur et le distributeur... On peut donc imaginer qu'ils n'y viendraient que contraints et forcés, sachant qu'une situation de ce type existe déjà en Chine avec l'écosystème d'Alibaba.

Bref, nul ne peut parier aujourd'hui sur ce que sera la révolution annoncée de la distribution automobile. Seule une hypothèse est acquise : les réseaux de concessionnaires tels que nous les connaissons aujourd'hui sont appelés à muter de façon substantielle.

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