DSP2 et Open Banking : ne transformons pas cette opportunité en cauchemar !

TRIBUNE - De nombreuses fintech misent sur le concept de la "banque ouverte" pour créer de nouveaux services à destination des particuliers, mais aussi des entreprises. Pour développer leur activité, ces nouveaux acteurs de la finance attendent avec impatience de pouvoir utiliser des connecteurs informatiques robustes mis à disposition par les banques. Mais ces derniers se font trop attendre, regrette un collectif de fintech signataire de cette tribune.
(Crédits : DR)

C'était la déception de la rentrée : le "big bang" du 14 septembre n'a pas eu lieu. À cette date, banques et institutions financières auraient dû mettre en application les principes relatifs à l'Open Banking prévus par la directive européenne DSP2. Mais le régulateur a décidé de faire preuve de souplesse, en leur accordant quatre mois supplémentaires pour le faire, soit jusqu'au 14 janvier 2020. Cette nouvelle législation européenne a été pensée pour harmoniser les pratiques des acteurs des services financiers à l'échelle du continent, tout en offrant davantage de sécurité et de flexibilité aux usagers de ces services, qu'ils soient particuliers ou professionnels.

Le 14 Janvier 2020, sauf nouveau report, les banques seront tenues de proposer un accès direct ou des connecteurs informatiques dédiés et fonctionnels, pour que les différents acteurs de l'Open Banking, dont les Fintech, puissent se connecter facilement aux comptes de leurs clients, particuliers comme professionnels, et accèdent ainsi aux données qui leur sont nécessaires pour pouvoir proposer des services additionnels.

C'est une bonne chose : à l'heure actuelle, les agrégateurs de comptes et autres fintech ont tous recours au "web-scrapping", une technique qui présente de nombreuses limites. Pour passer à l'étape suivante de l'Open Banking, les connecteurs informatiques se révèlent être des éléments indispensables à la construction de nouvelles briques de services à valeur ajoutée pour les clients.

Des opportunités nombreuses dans le BtoB

Si les agrégateurs comme Linxo, Bankin ou Budget Insight ont popularisé l'Open Banking auprès du grand public, les opportunités sont aussi très nombreuses dans le domaine du BtoB. Reporting, gestion des notes de frais, simplification des paiements ou prévisions de trésorerie figurent parmi les thématiques dans lesquelles de nouveaux acteurs peuvent apporter des innovations différenciantes aux entreprises. Dans le cas de la gestion de trésorerie cela peut même être critique pour une entreprise. Les nouveaux acteurs attendent donc avec impatience l'ouverture des APIs bancaires et des "Direct Access", même si le "web-scrapping" leur a déjà permis de développer des premières briques de services.

D'autant plus qu'une autre menace se profile à l'horizon pour les acteurs concernés : la DSP2 prévoit aussi la mise en place de dispositifs d'authentification forte par les banques, c'est-à-dire compléter le traditionnel mot de passe par une protection supplémentaire comme un code que l'on recevra sur son téléphone portable afin de sécuriser encore davantage les comptes des clients. Sur ce sujet aussi, les banques ont bénéficié d'un délai supplémentaire, même si elles semblent plus avancées que sur la mise en place des APIs.

Le casse-tête de l'authentification forte

Progressivement, les conseillers bancaires proposent donc à leurs clients de basculer vers une authentification forte. C'est le cas tout particulièrement pour les entreprises, qui ont besoin d'un niveau de sécurité supérieur aux comptes des particuliers. Évidemment, il s'agit là d'une bonne chose. Mais il faut encore que les connecteurs informatiques suivent ! Car l'authentification forte complexifie la pratique du web-scrapping, voire la rend impossible.

La mise en place de l'authentification forte, sans avoir en contrepartie des connecteurs informatiques attendus, pourrait donc avoir des conséquences dramatiques, pour les fintech dont les services reposent sur l'accès aux données bancaires, certes, mais avant tout pour les clients. Ceux-ci sont rarement informés que la mise en place de l'authentification forte peut se traduire par la coupure des services tiers et qu'il est ensuite difficile de revenir en arrière...

Favoriser l'émergence de fintech pan-européennes

Or, de plus en plus d'entreprises s'appuient sur ces services pour gérer des aspects stratégiques de leur entreprise, comme la trésorerie, la comptabilité ou l'émission d'ordres de virement. Pour un particulier, ne pas avoir accès à son suivi de compte sur son application d'agrégation bancaire pendant quelques jours n'est peut-être pas vital. Pour une entreprise, les conséquences potentielles sont d'une toute autre ampleur... Le cash c'est le nerf de la guerre et n'est pas un sujet à prendre à la légère.

La DSP2 a été pensée pour simplifier les choses et ouvrir la voie à de nouveaux services, aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers. Sa dimension européenne devrait favoriser l'émergence de fintech pan-européennes et faciliter l'expansion internationale des startups françaises. Mais cela ne sera possible que si tout le monde joue le jeu, et rapidement. Un nouveau report de la mise à disposition des connecteurs informatiques des banques françaises marquerait un coup d'arrêt certain à un mouvement d'innovation pourtant prometteur, qui commence déjà à bénéficier aux entreprises et à l'économie dans son ensemble.

Sébastien Beyet, CEO et co-fondateur de Agicap, Alexandre Louisy, CEO d'Upflow, Tiffany Tinperman, CEO de Wefinup, Pierre Queinnec, CEO de Jenji, Nagib Beydoun, CEO de Yeeld, Arthur de Catheu, CEO de Finexkap, Patrick Maurice, CEO de Dougs, Come Fouques, CEO de Georges.tech, Romain Passilly, CEO d'Inqom, Adrien Chaltiel, CEO d'Eldorado, Jérôme Guilmont, CEO de Coach & Boost / Associé de Smartpush

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Commentaires 2
à écrit le 23/12/2019 à 14:30
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Ça ira plus vite de remplacer les banques que de les voir développer des API :)

à écrit le 20/12/2019 à 15:50
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Il est toujours étonnant d'entendre dire que les banques offrent de nouveau service comme si le désintéressement était total, mais c'est toujours le même principe: "Faire travailler l'argent a notre place" comme si cela était naturel, alors que ce n'...

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