ESG : les fonds à impact auront réussi le jour où ils seront devenus obsolètes

OPINION. La finance à impact contraint non seulement à un rendement financier positif mais également à la génération d’une externalité positive sur l’environnement ou la société. Sur le papier, l’équation semble simple. Quinze ans plus tard, la réalité est plus complexe. Par Ben Marrel, cofondateur et CEO de Breega.
(Crédits : DR)

Comment mesure-t-on l'impact d'un investissement ? Si la définition a longtemps été absorbée par des considérations d'ordre purement financier, désormais, la notion d'impact résonne autrement dans le milieu du capital-risque. La réponse est née avec le terme d'impact investing, évoqué pour la première fois en 2007 au sortir d'une réunion des membres de la Fondation Rockefeller dont la mission, telle qu'inscrite dans sa charte, est de « promouvoir le bien-être de l'humanité dans le monde ». La finance à impact contraint non seulement à un rendement financier positif mais également à la génération d'une externalité positive sur l'environnement ou la société. Sur le papier, l'équation semble simple. Quinze ans plus tard, la réalité   est plus complexe.

La course à l'échalote des labels

Aujourd'hui, nous assistons à une prolifération ininterrompue de concepts et de labels faisant écho aux problématiques de développement durable et de progrès social, associés à cette notion d'impact investing. Or, si les valeurs portées par les fonds, à impact ou non, et les emblématiques fondations philanthropiques de ce monde se rejoignent dans la finalité, leur modus operandi est absolument différent. Un fonds d'investissement n'est pas une organisation non-gouvernementale. Il n'empêche que chacune de ces structures est en mesure de diriger son activité pour générer un impact.

L'impact se définit comme une action qui exerce une influence positive contribuant à redessiner les contours d'un modèle économique et social pérenne et vertueux. Bref, penser et agir pour le meilleur. Donner du sens à ses idées et à ses actions. N'est-ce pas le motto de tous les entrepreneurs de ce monde ? A tout le moins de cette génération d'entrepreneurs, bercée par l'urgence climatique et les enjeux de société, enjeux qui  nourrissent leur réflexion et leur motivation.

Côté capital-risque (venture capital ou VC en anglais), les fonds sont évidemment séduits par ces entrepreneurs qui ont de grandes ambitions pour l'avenir et pour les générations futures, en dépit d'un contexte économique et  financier tendu. La fermeture de la Silicon Valley Bank nous rappelle la volatilité des marchés cotés et la complexité du secteur bancaire et de ses ramifications dans l'industrie. Je reste pourtant convaincu que les fondateurs et leurs idées les plus prometteuses, les plus solides et créatrices de valeurs continueront de trouver VC à leur pied.

Les dernières études sur le financement du capital-risque au niveau mondial mettent en évidence la ténacité de celles et ceux qui ne se découragent pas et poursuivent leurs investissements - malgré les turbulences - dans des innovations qui servent l'intérêt général et apportent des solutions d'avenir. Nous constatons dans les conclusions du bilan annuel 2022 du baromètre EY de capital-risque en France, que les levées de fonds dans la French Tech ont progressé de 17% en valeur par rapport à 2021, essentiellement dans la fintech et les services internet pour améliorer la performance des acteurs de l'économie réelle et in fine, l'expérience utilisateur des consommateurs.

Le constat est similaire sur le continent africain, où la technologie porte en elle de nombreux espoirs pour accélérer la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies. Nous ne pouvons qu'être rassurés par l'engagement et l'audace de ces investisseurs. Le rapport en date du 29 septembre 2022 de l'Association africaine du capital-investissement et du capital-risque (AVCA) est clair : 3,5 milliards de dollars enregistrés pour les startups africaines au cours des six premiers mois de l'année 2022, soit... +133% si l'on compare les chiffres un an plus tôt à la même période.

Je crois fermement que la volonté de générer un impact positif sur la société qui nous entoure implique de faire des sacrifices. Investir pour l'avenir nous oblige à être patient et à savoir douter avec confiance. Cela signifie pour une startup, par exemple, de s'asseoir sur sa rentabilité pendant quelques années. Pour nous, fonds d'investissement, c'est accepter un rendement potentiellement mesuré à court terme, rassurer les Limited Partners (entités qui investissent du capital dans un fonds) qui nous font confiance, puisque l'impact positif de nos investissements sur le long terme est tout aussi décisif.

Faut-il être un fonds à impact pour avoir de l'impact ?

Une récente étude de Morningstar menée sur 1.000 fonds européens entre 2018 et 2022 montre même que l'ajout d'un adjectif faisant écho aux enjeux de durabilité, de responsabilité, d'impact, fait bondir la performance d'au moins +0,5% dans les quatre mois qui suivent avant de décroître. Au niveau européen, les autorités peinent à édicter une réglementation précise quant à l'évaluation des critères de durabilité des produits financiers dans le cadre de la SFDR (Réglementation de la « Finance Verte »). L'Union européenne s'est efforcée de proposer de nouvelles définitions et des méthodologies de reporting, entrées en vigueur au 1er janvier 2023, pour améliorer l'évaluation de l'investissement à impact. Cela ne semble pourtant pas suffisant pour certains analystes qui y voient un espace d'interprétation trop large pour être engageant - certains crient même à l'impact washing.

Il n'empêche : les fonds à impact ont le vent en poupe et tant mieux. Cela témoigne d'un véritable virage vers un capital-risque conscient, porté par une nouvelle génération d'investisseurs qui refusent d'abdiquer face à l'évidence des crises plurielles qui perdurent, s'aggravent et se répètent. L'Association française de la gestion financière (AFG) indique que 46 % des sociétés de gestion ont déclaré gérer des fonds à impact en 2021 (pour un encours de 60 milliards d'euros), soit une augmentation de +148 % en l'espace d'un an.

A terme, les fonds à impact, au même titre que les fonds inclusifs et autres fonds dédiés, tireront leur révérence et nous pourrons nous en réjouir. Cela signifiera que l'impact et le bon sens seront inhérents à la croissance et guideront naturellement nos choix d'investissements. Il est impensable de se dire que les générations futures d'entrepreneurs mépriseront ce nouveau paradigme.

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