Gagner la bataille de l'emploi par une nouvelle culture du travail

Projet phare du nouveau quinquennat, la réforme du code du travail est une étape sans doute indispensable pour fluidifier les relations sociales et créer des emplois. À l'évidence, elle ne sera pas le « Grand Soir » et ne réglera pas d'un coup de baguette magique les carences de notre marché de l'emploi dans les années à venir. Par Karien van Gennip, ex-ministre du Commerce extérieur des Pays-Bas, PDG d’ING Bank France.

Si nous sommes lucides, il nous faut admettre que ce n'est pas une réforme, mais bien des dizaines qui seront nécessaires pour accompagner les mutations du travail qui sont devant nous en France, comme dans l'ensemble des pays européens. Et les entreprises, grandes et petites, auront un rôle essentiel à jouer dans ces adaptations à travers leurs choix stratégiques, leur organisation et leur gestion des compétences.

La révolution industrielle que nous vivons actuellement, celle de la robotisation, de l'intelligence artificielle et de la digitalisation, est à la fois source d'opportunités et de déséquilibres. Les consommateurs le savent bien, eux qui peuvent aujourd'hui connaître, comparer en temps réel et acheter en ligne la plupart des produits et des services qu'ils consomment. Les entreprises en ont également conscience. Elles sont aujourd'hui en mesure de se concentrer sur les activités à plus forte valeur ajoutée, en automatisant et en digitalisant de nombreux processus. Nous le savons, cette révolution va non seulement générer moins d'emplois, mais aussi des emplois différents de ceux que l'on a connus dans le passé.

On pense en premier lieu, évidemment, aux tâches mécanisables qui pourront être assumées par des robots. Aux États-Unis, on s'attend à ce que 40% des chauffeurs de poids lourds changent de travail en raison du développement des véhicules autonomes [1]. Mais les professions intellectuelles ne seront pas épargnées avec l'avènement de l'intelligence artificielle. Nous devons accepter ces changements, les anticiper pour identifier les secteurs d'avenir et les emplois de demain, par exemple, les centrales d'achat en ligne dans les services informatiques ou la logistique.

Aux Pays-Bas, pays d'où je viens, le taux de chômage est actuellement à 4,9%. La flexibilité s'entend avant tout comme un partage plus harmonieux entre le travail et la vie privée, avec une organisation qui laisse la place au développement personnel comme à l'engagement social. La moitié de la population néerlandaise consacre, par exemple, quatre à cinq heures par semaine au volontariat [2]. Le temps rendu ainsi disponible a notamment permis un essor important des cours du soir qui contribuent à la formation tout au long de la vie et à l'employabilité des personnes. Le contrat à durée indéterminée n'est plus la norme absolue. Pour les jeunes, cette réalité est parfois subie, mais elle peut être également choisie. Un nombre croissant de jeunes actifs se détournent aujourd'hui volontairement de parcours de carrière stables et linéaires qu'offrent les grands groupes ou la fonction publique pour se lancer dans l'aventure entrepreneuriale ou l'entrepreneuriat social. Cette réalité touche aujourd'hui tous les salariés des entreprises, à différents stades de leur carrière. C'est le cas des jeunes qui veulent entreprendre ou voyager avant de « s'installer dans la vie », des seniors qui sont en quête de sens et d'engagement dans la société ou encore des personnes qui choisissent de changer radicalement d'orientation professionnelle au cours de leur vie.

Si nous voulons gagner la bataille de l'emploi, les priorités doivent être redéfinies. La puissance publique ne peut pas agir seule, sans le concours des entreprises et des citoyens qui doivent également assumer leurs responsabilités. La formation tout au long de la vie est le premier défi pour permettre de garantir l'employabilité de chacun, mais aussi donner aux organisations les compétences nécessaires à leur adaptation. Nous ne pouvons laisser 1,8 million de jeunes adultes entre 15 et 29 ans sans emploi ni formation [3]. L'investissement dans l'innovation est la seconde priorité. Nous ne pouvons pas continuer à entretenir des filières professionnelles que nous savons menacées. Il faut réorienter massivement nos investissements vers l'avenir. À l'inverse, il y a des secteurs entiers et des métiers nouveaux qui émergent et sur lesquels nous devons créer dès aujourd'hui des champions comme nous avons su le faire dans le luxe, l'industrie pharmaceutique ou encore l'aéronautique. Nous devons enfin changer nos méthodes de travail, développer l'agilité et promouvoir partout, dans nos écoles et nos entreprises, la culture entrepreneuriale. Ce n'est d'ailleurs pas uniquement un challenge français, mais bien une ambition à l'échelle européenne.

Vaincre le chômage de masse est un rêve atteignable. C'est même l'un des plus beaux challenges qui s'offre à notre génération. La France a la démographie la plus dynamique du vieux continent et reste le pays le plus attractif en Europe pour l'accueil d'investissements industriels étrangers. Dans un pays aussi riche, aussi éduqué et aussi innovant que celui-ci, il n'y a aucune raison de se résigner à un taux de chômage de près de 10%. Faisons face au défi de la révolution que nous vivons. Partout en Europe, il faut à la fois effectuer des réformes du marché du travail et investir pour l'avenir. La France a tellement d'avantages pour y parvenir que nous pouvons et devons réussir !

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[1] Etude PwC, Sizing the price, juillet 2017
[2] Aux Pays-Bas, on travaille en moyenne 30 heures par semaine, Céline L'Hostis (Ancienne directrice adjointe de l'Institut français de Groningue aux Pays-Bas), lemonde.fr 03/02/2016
[3] Source : données de l'OCDE

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Commentaires 9
à écrit le 10/09/2017 à 17:55
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"Faisons face au défi de la révolution que nous vivons". Pour l'instant ,c'est plutôt les libéraux qui dictent la fameuse révolution que doivent faire les autres.

à écrit le 10/09/2017 à 17:52
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" C'est le cas des jeunes qui veulent entreprendre ou voyager avant de « s'installer dans la vie »" Ave 80% d'embauche des jeunes en CDD et intérim, ah,ah .

à écrit le 10/09/2017 à 17:50
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" Nous devons accepter ces changements, les anticiper pour identifier les secteurs d'avenir et les emplois de demain, par exemple, les centrales d'achat en ligne dans les services informatiques ou la logistique". Mummm ,ça donne envie.

à écrit le 10/09/2017 à 17:47
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"Nous ne pouvons pas continuer à entretenir des filières professionnelles que nous savons menacées". Donc, on délocalise puis on dit qu'elle sont menacées et qu'on ne fera rien ensuite , bravo.

à écrit le 09/09/2017 à 17:36
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POUR PREVOIR L AVENIR DE NOS EMPLOIS IL FAUT REPENSEZ ET REDIRIGES NOS IDES VERS DES ENTREPRISES RENTABLES? MAIS QUI ASSURE UN NIVEAUX DE RENUMERATION POTABLE POUR EVITER TOUS CES DROITS SOCIAUX INUTILE ET GOUTEUX POUR TOUS? QUI VEUT MENEZ CE GRAND D...

à écrit le 08/09/2017 à 20:35
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la recette des Pays-Bas, c'est : 40 ans de faible fécondité (données Banque Mondiale), 46% de temps partiel (Eurostat ; 18% en France), 21% de contrats temporaires (OCDE ; 16% en France), 18,5% de travailleurs bas salaires (Eurostat ; 8,8% en France...

le 09/09/2017 à 0:51
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La drogue et la prostitution sont légales et auraient représenté en 2010 une valeur ajoutée de 2,6 milliards d’euros (part du PIB des Pays-Bas).

le 10/09/2017 à 20:48
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Et un rôle de premier plan dans " l'optimisation fiscale" grâce au fameux "sandwich"

le 11/09/2017 à 9:46
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On pourrait au moins s en inspirer pour arreter le lapinisme. a quoi ca sert de produire en masse des chomeurs ? Sinon je suis pas un specialiste de la Hollande, mais j y ai quand meme moins vu de SDF qu en France. donc je pense que c est globalemen...

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