L’ACRE et les microentrepreneurs  : stop ou encore ?

OPINION. [MaJ 1er octobre - première mise en ligne le 26/09.] Reçus par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, la Fédération des auto-entrepreneurs (FNAE) et l’Union des Auto-Entrepreneurs (UAE) ont finalement obtenu le report du décret. La baisse des exonérations ne sera finalement pas effective pendant trois ans, assurent les associations d'entrepreneurs. Une concertation interministérielle a été annoncé. C'était un rabotage prévu en amont du prochain projet loi de finances 2020 qui commençait à faire couler beaucoup d'encre : réduire clairement le robinet des aides fiscales prévues pour les créateurs d'entreprise. Moins d'un an plus tôt, le dispositif d'abord réservé aux chômeurs avait pourtant été élargi à tous. En réaction, les associations d'entrepreneurs avaient exprimé leur désarroi vis-à-vis de ce décret prévu par le gouvernement. À l'image de Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des autoentrepreneurs et des microentrepreneurs.
(Crédits : DR)

L'ACRE (aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise) est un dispositif d'allégement des cotisations sociales ouvert à tous les créateurs d'entreprise. Pour les autoentrepreneurs, cette aide prend la forme d'un allégement partiel et progressif des charges sociales sur 3 années.

Sans crier gare, le gouvernement annonce le 20 septembre qu'un projet de décret est à l'étude, pour application au 1er octobre, c'est-à-dire quasi immédiat. Le texte annonce très clairement une double modification : la fin de l'exonération dégressive pour la limiter à la première année seulement, et un taux revu à la baisse. En des termes très clairs, cette décision revient à augmenter les cotisations sociales des auto-entrepreneurs. L'exemple est criant : un auto-entrepreneur qui exerce une activité de services et qui réalise en moyenne 830 euros de chiffre d'affaires par mois passera de 3.300 à 5.500 euros de cotisations sociales, sur ses 3 premières années d'activité. Soit une augmentation de 2.200 euros.

Pour parfaire la photo, le gouvernement va même jusqu'à prévoir une mesure rétroactive aux autoentrepreneurs déjà en activité avant le 1er octobre 2019, selon des mesures transitoires qu'il serait trop long et trop complexe d'expliquer ici, mais qui font en moyenne augmenter les cotisations sociales de 26%, et font passer à 18 le nombre de taux différents (et historisés) que doit gérer l'URSSAF. C'est ce qu'on appelle la simplification...

Il y aurait beaucoup à dire sur cet épisode bien malheureux, dont l'issue reste incertaine.

D'abord sur les causes de ce revirement administratif et politique, qui est premièrement financier. L'ACRE coûte évidemment cher à l'État, qui doit compenser en deniers publics les cotisations non versées, tant pour financer la protection maladie que les points retraite. Il est certain que le coût total de 612 millions d'euros atteint en 2019 contre 250 millions d'euros en 2017 affole !

Mais la question se pose : pourquoi l'Etat a-t-il généralisé cette aide au premier janvier dernier, ce qui explique bien évidemment le coût devenu élevé, alors que les études d'impact démontraient à l'évidence un risque d'inflation ?

Mais d'ailleurs, ce coût est-il en soi un argument ? Certainement pas, si on prend la peine de réfléchir à long terme. Les aides font toutes l'objet du même débat : faut-il concéder une dépense à court terme pour espérer une rentrée à long terme ? Faut-il arroser ses tomates pendant 4 mois, pour espérer une récolte fructueuse à la fin de l'été ? La réponse est complexe, mais une chose est certaine : il ne faut pas arroser n'importe quoi, et cibler les populations qui en ont besoin. Cette ouverture généralisée à tous est, de ce point de vue, contestable... Quant au gain financier pour l'État à court terme (cotisations versées en hausse), a-t-il été comparé aux pertes financières qui découleront de la baisse des créations et des activités radiées suite à cette hausse de charges, voire au travail au noir qui en sortira renforcé ? J'en doute.

Sur la forme ensuite, il faut s'émouvoir. Ce décret aura un impact sur le flux annuel de 300.000 nouveaux autoentrepreneurs, et sur 150.000 autoentrepreneurs déjà actifs, au bas mot. C'est une population énorme, aux revenus faibles, peu considérée. Il est inacceptable que cette mesure ait été imaginée sans consultation de l'organisation représentative des microentrepreneurs. Et bien entendu, sans communication de l'étude d'impact afférente. Évoquons au passage quelques mesures alternatives que nous aurions pu avoir : retour au ciblage de l'ACRE sur les chômeurs et les jeunes uniquement, alignement sur 2 ou 3 plutôt que 4 ans, modification uniquement pour les futurs autoentrepreneurs...

Sur la forme également, le délai de mise en œuvre de 10 jours est choquant ! Chacun comprendra qu'aucune entreprise ne peut se réorganiser, revoir ses prix et sa politique commerciale, ou corriger sa trésorerie dans un délai si court. On alors, ceux qui le pensent n'ont jamais dirigé ni même fréquenté de près une TPE.

Politiquement enfin, cette suppression de l'allégement est dangereuse, telle qu'elle est amenée. Elle sera vécue comme une hausse de charges, ce qui n'est pas pertinent dans le contexte politique actuel. Elle sera incomprise, et révèlera une véritable instabilité gouvernementale dans les incitations à la création. Elle sera surtout la cause d'une nouvelle perte de confiance, cette vertu si nécessaire au développement de l'économie. Comment peut-on encore croire en un gouvernement qui vous promet 3 ans d'allègement, et revient dessus 9 mois plus tard ? Comment peut-on encore avoir confiance en un dispositif qui change de format si souvent ?

Nous disons Stop ! Stop à cette décision punitive qui sonne comme un bricolage budgétaire au détriment des auto-entrepreneurs ! Stop à cette remise en cause permanente du principe fondamental de simplicité et stabilité du régime autoentrepreneur ! Stop à ces prises de parole accusatrices portées par quelques membres de la majorité, inspirés sans doute dans leur argumentaire par les éternels opposants au régime. Rien de bon n'en sortira.

Favorisons la concertation, la pédagogie, la confiance et la politique publique vertueuse, qui font grandir !

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Commentaires 2
à écrit le 26/09/2019 à 21:18
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Quel est ce pays des droits de l'homme où l'on change les règles en cours de jeu ? Il y a certainement des abus quant à ce régime, mais un peu de respect SVP... La plupart des auto-entrepreneurs sont des gens honnête et courageux. M. Macron est-...

le 27/09/2019 à 7:57
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l'exécutif , avec ses gros sabots et son incompétence , a besoin de monceaux d'argent ; alors il prend chez les plus faibles comme d'hab ; je suis AE , et si les charges augmentent , je me radie tout simplement ;

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