Les changements attendus lors de la COP 26 viendront des entreprises et non de la sphère politique

OPINION. La réunion des gouvernements lors de la COP 26 à Glasgow (Ecosse) n'a pas eu les résultats escomptés. Malgré les ambitions affichées dans les discours, les Etats agissent trop lentement par rapport aux défis. Ce qui n'est pas le cas des entreprises qui peuvent réaliser plus rapidement les changements nécessaires. Par Julien Tchernia, PDG et co-fondateur d'ekWateur.
C'est peut-être le début de la fin pour « les systèmes capitalistes, tels qu'on les a laissés vivre, qui sont dans une forme d'impasse s'ils ne se transforment pas » selon les mots de l'ancien PDG de Danone, Emmanuel Faber, qui préside aujourd'hui le Conseil international des normes extra-financières, l'International Sustainability Standards Board (ISSB), qui édicte des règles environnementales pour les entreprises.
C'est peut-être le début de la fin pour « les systèmes capitalistes, tels qu'on les a laissés vivre, qui sont dans une forme d'impasse s'ils ne se transforment pas » selon les mots de l'ancien PDG de Danone, Emmanuel Faber, qui préside aujourd'hui le Conseil international des normes extra-financières, l'International Sustainability Standards Board (ISSB), qui édicte des règles environnementales pour les entreprises. (Crédits : Reuters)

Du 31 octobre au 12 novembre 2021 avait lieu la COP 26. Une fois de plus, les Etats étaient réunis autour de la table pour aborder les enjeux climatiques et prendre (enfin) des décisions à la hauteur du changement qui nous attend. Enfin, c'est ce que nous espérions. En 2015, François Hollande estimait qu'avec la COP 21, le monde avait écrit « une nouvelle page de son histoire ». Six ans après, qu'est ce qui a changé ?

Depuis, les climatosceptiques n'ont pas eu la vie facile. Le sixième rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) est unanime, les activités humaines sont « sans équivoque » à l'origine du dérèglement climatique. Notre trajectoire actuelle nous emmène vers un réchauffement de plus de 4°C d'ici 2100, selon le scénario le plus pessimiste.

Une fois qu'on a accepté ce constat, la question que tout le monde se pose et qui fait débat est celle de savoir d'où doit venir la plus grande partie du changement : des citoyens et des citoyennes, des entreprises, ou de l'Etat ?

L'Etat condamné pour inaction politique

Il serait normal de penser que l'Etat est le levier le plus important pour lutter contre le dérèglement climatique. A l'image de la récente Loi Climat en France, les enjeux écologiques ont bien intégré le débat politique. L'objectif de ce texte était de « tendre vers l'objectif de -40 % de nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport à 1990 », nous dit le ministère de l'Ecologie. Malgré certaines mesures concrètes, qu'il s'agisse par exemple de la limite des vols aériens internes ou de l'interdiction de la publicité sur les énergies fossiles, le texte est critiqué pour ces avancées trop timorées...

Quasiment dans le même temps, l'État était condamné pour inaction climatique dans « l'affaire du siècle » qui l'opposait à quatre ONG : Notre Affaire à Tous, Greenpeace, Oxfam, Fondation Nicolas Hulot. Le tribunal administratif de Paris a invité l'État à agir par tous les moyens possibles pour tenir ses engagements climatiques qui n'étaient jusqu'ici pas respectés.

Alors, pourquoi une telle différence entre le discours, les ambitions et la réalité ? La difficulté, c'est que les gouvernements démocratiques en place n'ont pas d'autres choix que celui d'appliquer la méthode des petits pas. Alors, que peuvent-ils faire ? L'expérience montre qu'ils ne peuvent pas faire grand-chose. De fait, les lois ne sont jamais avant-gardistes, or c'est ce dont nous avons besoin : d'avant-gardisme.

Chaque fois qu'un gouvernement a voulu aller vite, il s'est retrouvé limité par son impératif électif. Il ne peut pas prendre de mesures coercitives, c'est-à-dire impopulaires, au risque de créer des mouvements de manifestations ou, pire pour eux, de ne pas être réélus.

En 2018, Emmanuel Macron proposait d'augmenter la taxe sur les énergies fossiles de 44,60 euros la tonne à 55 euros, pour limiter leur utilisation. Conjuguée à la hausse du prix brut du pétrole, des milliers de Français n'y ont vu qu'une diminution injuste de leur pouvoir d'achat. Résultat ? Le mouvement de contestation des Gilets Jaunes est né, et le gouvernement a dû faire marche arrière. Et n'oublions pas l'élection, en partie sur un programme populiste et climatosceptique, de Donald Trump aux Etats-Unis. Chat noir de tous nos politiques, il a montré que le climato-scepticisme pouvait aller jusqu'à ramener des votes dans les urnes.

L'entreprise, plus grand levier d'action

Si, devant la loi, les entreprises sont des personnes morales, ce sont bien des individus qui les font vivre et leur donnent le cap à suivre. Pour reprendre les mots de Yuval Noah Harari, « nous oublions que les sociétés n'existent que dans notre imagination ». Nous imaginons les sociétés comme indépendantes des personnes qui les constituent alors qu'elles en sont justement la somme, et ce qui ne relève pas de l'imaginaire, c'est leur impact sur l'environnement !

Alors, puisque tout le monde est touché par le dérèglement climatique, que tout le monde en prend conscience, pourquoi ne pas utiliser le plus grand levier d'action pour conduire le changement : l'entreprise. Ce levier, déjà existant, organisé et influent peut changer sous l'impulsion des gens qui la composent, qui la font exister et perdurer. D'ailleurs il suffira souvent d'une minorité déterminée au sein de celles-ci pour y arriver, ce qui, en soi, est un avantage non négligeable par rapport aux autres acteurs.

Par exemple, Emmanuel Faber a pu apparaître comme conducteur du changement au sein de son entreprise. En effet, la multinationale Danone obtenait le label B Corp pour ses filiales américaines et canadiennes en 2018 et devenait « entreprise à mission » en France en 2019. Désormais évincé, on peut se questionner sur son bilan mais il est clair qu'un dirigeant qui conduit son entreprise vers le changement permet une prise de conscience et une action importante pour une organisation présente dans le monde entier. C'est peut-être le début de la fin pour « les systèmes capitalistes, tels qu'on les a laissés vivre, qui sont dans une forme d'impasse s'ils ne se transforment pas » pour reprendre les mots de l'ancien PDG de Danone.

De bonnes intentions mais peu de résultats de la part des pays

Les larmes du président de la COP 26, Alok Sharma, à l'issue des négociations témoignent de la déception du résultat de cette conférence. Ces rendez-vous sont, bien sûr, remplis de bonnes intentions mais n'aboutissent jamais à des résultats rapides. Pour aller plus loin que ce qu'apporteront les (n+1)ème COP, les entreprises et leur écosystème doivent transformer rapidement la société, et ils le peuvent. Par exemple, dans le cas de la mobilité, c'est tout l'écosystème de Blablacar qui participe à promouvoir le covoiturage, comme celui de Vinted redore l'image de la seconde main dans l'industrie du textile. Il faut mettre en œuvre les nouvelles idées, créer de nouveaux paradigmes, motiver ses employés, ses collègues, ses clients. Les entreprises y trouveront leur intérêt, au-delà de la planète et deviendront un moteur. Il faut simplement que les personnes qui la composent en prennent conscience et se retroussent les manches.

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Commentaire 1
à écrit le 17/12/2021 à 9:12
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En effet on se rapproche du nœud du problème puisque nos politiciens soumis à la finance polluante ne feront rien si ce n'est parler par contre même si les entreprises sont sous contrôle de ces gens là elles sont les premières exposées sachant qu'ave...

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