Les cinq clés d'un module de dialogue

NE NOUS FÂCHONS PAS ! Afin d'éviter les écueils des faux dialogues générateurs de suspicion, de rupture et de conflits, La Tribune ouvre ses colonnes à l'Odissée. Pilotée par son directeur et expert de la dialectique, Jean-François Chantaraud, la chronique hebdomadaire « Ne nous fâchons pas ! » livre les concepts, les clés opérationnelles de la méthode en s'appuyant sur des cas pratiques et sur l'actualité. Aujourd'hui, les cinq clés d'un module de dialogue

Forts de ses informations, chacun se forge des opinions qui deviennent des certitudes. D'où la difficulté de faire se rencontrer analyses et idées. Aussi, nombre de dirigeants se résignent à ne même pas songer à organiser la réflexion collective. C'est pourtant facile lorsque l'on en connaît les outils !

La gouvernance actuelle dépassée, les limites de la légitimité

La démocratie représentative consiste à choisir les personnes auxquelles déléguer les pouvoirs. A charge pour les élus de s'entourer des compétences nécessaires. Dans la plupart des cas, les projets sont définis sur la base de rapports d'experts incluant diagnostics et recommandations. Une fois leurs décisions prises, les dirigeants informent les dirigés.

Mais, ce mode de communication descendante a trouvé sa limite avec Internet. Connectées en continu, les nouvelles générations ont acquis le double reflexe de vérifier les informations et de donner leur avis. Leur consentement aux arbitrages dépend du contrôle de leur bien fondé. Quelles que soient leurs aspirations et leurs perceptions, les acteurs se soumettent de moins en moins à une décision sans en avoir validé ses motivations et avoir été entendues.

Or, la diversité des publics rend aléatoire l'efficacité de la communication descendante. Aussi, elles ne se reconnaissent plus dans ce système de gouvernance vertical imposé, qui ne parait pas les traiter en adulte responsable. De plus en plus, quelle que soit leur pertinence, les décideurs entrent en rupture de légitimité. Refonder la relation entre dirigeants et dirigés devient donc indispensable pour le maintien de la cohésion de tout corps social.

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Experts et intermédiaires déstabilisés

S'adosser aux meilleures expertises ne suffit plus, car les limites du savoir sont repoussées jour après jour. Ainsi, aucun sujet n'est à ce point circonscrit qu'il n'est interconnecté à aucun autre. Aucune discipline n'est omnisciente au point de prendre en compte tous les effets secondaires des problèmes qu'elle adresse. Plus aucun spécialiste n'est à ce point en maîtrise de son domaine qu'il ne souffre plus aucune contradiction. A juste titre, il apparait que personne ne sait tout sur tout : aucune expertise n'embrasse toute la complexité d'un sujet une fois pour toutes.

De la même façon, s'appuyer sur les acteurs les plus établis ne suffit plus non plus. Média, enseignant, élu ou collectif scientifique, social, associatif ou politique : aucun intermédiaire ne fait plus l'unanimité. Chacun est percé dans son jeu de rôle, perçu comme faisant partie du grand théâtre des jeux d'influence et de pouvoirs, comme partisan d'un point de vue plus ou moins justifié, voire comme défenseur de son intérêt particulier ou de celui d'un tiers. Plus personne ne bénéficie plus d'une image d'objectivité aux yeux de tous et en toutes matières.

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Vers un nouveau modèle de gouvernance : les outils universels

Pour autant, si aucune décision n'est parfaite, la plupart visent néanmoins des évolutions positives. Par ailleurs, si l'objectivité parfaite n'est pas incarnée, le brassage de toutes les sensibilités permet de s'en approcher. Aussi, malgré leurs insuffisances, les savoirs des sachants et les intermédiations des corps intermédiaires de tous poils restent indispensables. Tous les rôles doivent donc être recalés. Celui du dirigeant, mais aussi celui des experts et des relais, et même celui des dirigés.

Vivre ensemble suppose de partager une même vision du présent, du passé et de l'avenir. Le croisement des perceptions et la conjugaison des aspirations sont le fondement du respect mutuel et de la responsabilité intellectuelle, lesquels accélèrent le repérage, puis la mise en œuvre des meilleures solutions. L'observation objective de la diversité des expériences, savoirs et idées entraine l'implication de plus de personnes dans la réflexion. Intégratrice de plus de personnes, la perspective de bâtir du mieux-être et du mieux réussir ensemble stimule l'innovation. Il s'en suit à la fois l'enrichissement des diagnostics et l'accélération de la mise en œuvre de meilleurs projets.

La clé réside donc dans l'intercalage d'une phase de débat entre l'expertise et la décision, dans l'instauration d'un mécanisme de réflexion collective positionné entre la livraison de leur expertise par les experts et la prise de décision par les décideurs. Dans ce nouveau mode de gouvernance, l'expertise n'est plus remise aux seuls décideurs, mais à toutes les parties prenantes, pour faire débat avec tous. Les travaux des savants spécialisés ne servent plus seulement à préparer les décisions, mais surtout à préparer le débat. Ils ne servent plus de guide pour les décideurs, mais de canevas pour les débatteurs. Ils ouvrent un processus de partage de l'information, d'approfondissement des diagnostics et d'évaluation des propositions. Ils permettent une réflexion préalable à la décision, qui ne substitue pas à la décision. Dans cette étape nouvelle de délibération, la circulation interactive de l'information s'opère selon un triple mouvement descendant, mais aussi ascendant et latéral.

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Moderniser le management pour adultiser les relations et augmenter les performances de tous

Afin d'organiser les interactions, le travail des experts doit servir à mettre le sujet en équation.  Le retraitement des expertises s'opère selon cinq formats afin de constituer les outils de dialogue thématique nécessaires à l'organisation de la réflexion collective.

Avant le débat : Questionnaire préparatoire

  • Recenser les témoignages et pratiques

    Prendre en compte de tous les faits, expériences, analyses, propositions.
    En introduction du débat : Diaporama anonymisé

  • Présenter la carte des faits et idées

    Révéler la complexité du sujet

  • Présenter le sociogramme anonymisé des participants.

    Révéler la diversité des personnes
    Pendant le débat : Guide de parole

  • Répartir la parole à l'hétérogénéité des acteurs

    Garantir la pluralité des expressions.
    Après le débat : Fiche de positionnement confidentiel

  • Remettre à chacun son analyse confidentielle personnalisée, avec ses défis et ses clés de développement personnel

    Aider chacun à mieux comprendre sa personne, son entreprise, la société pour mieux se développer à titre personnel, et contribuer à mieux développer son entreprise et la société.

Quant au déroulement, il convient toujours de dissocier la réflexion en deux parties distinctes et complémentaires, qui répondent aux deux questions clés Pourquoi ? et Comment ? Cela afin de toujours poser le problème avant d'entamer la recherche de solutions, même si l'articulation des deux volets reste bien sûr itérative.

Ainsi organisée, la réflexion collective inclut alors la diversité des acteurs, y compris les absents. En position d'exprimer et d'entendre les avis de personnes avec lesquelles ils croyaient être d'accord oblige les participants à embrasser un plus grand niveau de complexité. Les sauts qualitatifs d'aspirations et de perceptions qui en découlent accélèrent les prises de conscience des enjeux et les prises en mains des projets personnels et collectifs.

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Une fois paramétrés sur une plateforme de débat, ces outils sont alors à disposition de tout acteur désireux d'animer la réflexion collective avec les publics de son choix. Il appartient ensuite à tous les dirigeants d'organiser de petits ou grands dialogues avec et entre leurs propres interlocuteurs, d'activer peu à peu la participation du plus grand nombre possible de personnes. Forum public, séminaire, webinaire ou simple discussion plus approfondie que d'habitude : chacun choisit le format qui lui convient.

Ainsi, toutes les entreprises, associations, syndicats, médias, écoles et collectivités publiques seront en situation de déployer des Modules de dialogue avec toutes leurs parties prenantes. Devenues des antennes de la réflexion collective, elles mobiliseront et développeront alors les intelligences. L'enchainement de Modules de dialogue établit un processus continu. Cette gouvernance nouvelle constitue le sésame du respect mutuel, de la culture de responsabilité intellectuelle et de solidarité fraternelle.

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NOTES

(*) Afin d'éviter les écueils des faux dialogues générateurs de suspicion, de rupture et de conflits, La Tribune ouvre ses colonnes à l'Odissée. Pilotée par son directeur et expert de la dialectique, Jean-François Chantaraud, la chronique hebdomadaire « Ne nous fâchons pas ! » livrera les concepts, les clés opérationnelles de la méthode en s'appuyant sur des cas pratiques et sur l'actualité.

L'Odissée, l'Organisation du Dialogue et de l'Intelligence Sociale dans la Société Et l'Entreprise, est un organisme bicéphale composé d'un centre de conseil et recherche (l'Odis) et d'une ONG reconnue d'Intérêt général (les Amis de l'Odissée) dont l'objet consiste à "Faire progresser la démocratie dans tous les domaines et partout dans le monde".

Depuis 1990, l'Odissée conduit l'étude interactive permanente Comprendre et développer la Personne, l'Entreprise, la Société. Dès 1992, elle a diffusé un million de Cahiers de doléances, ce qui l'a conduit à organiser des groupes de travail regroupant des acteurs des sphères associative, sociale, politique, économique qui ont animé des centaines d'auditions, tables rondes, forums, tours de France citoyens, démarches de dialogue territorial et à l'intérieur des entreprises.

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