Les villes moyennes à la reconquête des Français

OPINION. L'heure serait à la revanche des villes moyennes ! L'hypothèse, énoncée dès le lendemain des premiers confinements, se vérifie aujourd'hui en chiffres. Par Hugues van Heesewijk, CEO de Gogaille
(Crédits : DR)

Dans une récente étude, l'économiste Olivier Bouba Olga observe la hausse significative des mobilités résidentielles en direction des petites villes, depuis 2020 (1). Fini, le modèle métropolitain, mis à mal par la pandémie ; vive le charme et le calme des communes de Province ! Leurs centres, en particulier, jouissent d'un regain d'intérêt auprès des Français.

Pour comprendre ce phénomène, il faut en réalité remonter à une époque bien antérieure au Covid. Profondément ancrée dans notre inconscient collectif, l'attrait pour les centres-villes trouve son origine dans l'histoire millénaire de nos villes européennes.

Le centre-ville, au cœur de notre imaginaire collectif

Pour comprendre le mouvement qui traverse nos centres-villes, il faut remonter à l'histoire de leur naissance, à l'époque gallo-romaine. Contrairement à leurs homologues anglo-saxonnes, nos villes latines se construisent alors autour de deux éléments pivots : l'église et le commerce. Autour du lieu de culte, on trouve ainsi une place qui accueille les artisans et les commerçants. Bruyante et bouillonnante, le centre-ville est alors le monde des marchés, où l'on vient commercer. Les activités, qui dépendent des moyens de locomotion de l'époque, y sont regroupées pour favoriser les échanges, semant ainsi les premières graines de notre goût bien français pour la centralisation. Quant aux habitations, elles s'y installent tout autour, formant peu à peu des cercles concentriques de plus en plus grands.

À la différence des villes asiatiques ou anglo-saxonnes, qui se sont développées autour des notions de quartiers, en Europe, cet attachement aux centres-villes est inscrit en profondeur dans notre inconscient collectif, gravé dans notre imaginaire urbain et notre définition même de la ville.

La remise en cause du modèle à partir des années 50

À compter de la deuxième moitié du 20e siècle, ce modèle va pourtant connaître une transformation profonde. Avec l'industrialisation, c'est l'avènement triomphant des métropoles, l'avènement de la voiture donne aussi naissance aux périphéries, corollaires des grandes villes, où se construisent d'immenses centres commerciaux. Restaurants, cinémas multiplexes, bowling... Tout est fait pour séduire les consommateurs, qui s'y ruent en masse durant plusieurs décennies. Mais aujourd'hui, ces lieux devant lesquels on gare sa voiture sur d'immenses parkings déshumanisés, semblent bel et bien avoir vécu. Quant aux métropoles, elles n'ont plus vraiment le vent en poupe.

Un phénomène qu'il serait bien réducteur d'analyser uniquement sous le prisme de la pandémie. D'abord, parce que la tendance à fuir les métropoles remonte au début des années 2000, bien avant le Covid : l'Île-de-France enregistre ainsi un solde migratoire négatif depuis son entrée dans le deuxième millénaire (2). Ensuite, parce que ce n'est pas à la campagne que les Français ont choisi de s'installer, mais au cœur des villes de taille moyenne telles que Nîmes, Angers, Le Mans, ou encore Limoges... Ces villes du compromis, qui offrent à la fois la proximité du grand air et une meilleure qualité de vie, ainsi qu'un tissu social et culturel dynamique.

Répondre présent à la promesse de lien social

Au-delà des loyers moins coûteux et des gains en m2, c'est donc la promesse de retrouver du lien social qui rend aujourd'hui les cœurs de ville attractifs.

À l'image de nos ancêtres dans les villes-marchés, nous avons besoin d'interactions, de rencontres, d'acculturation. Sans prendre en compte cette dimension, essentielle, nos centres-villes risquent de manquer leur rendez-vous avec les Français. À la quantité, ils devront donc privilégier la qualité : enseignes de proximité, commerces de bouche misant sur les produits du terroir, activités culturelles...

Pour les habitants comme pour les touristes, l'expérience offerte doit être complète : à l'instar de DisneyLand qui établit des hôtels autour de ses parcs pour prolonger la magie du séjour, les villes devront développer une offre d'hébergement à la hauteur des attentes, dans des immeubles de caractère situés dans leur cœur historique. Cela tombe bien : les villes françaises ont précisément un patrimoine architectural précieux à valoriser, qu'aucune délocalisation et qu'aucune nouvelle construction ne pourra jamais remplacer.

Ainsi, pour retrouver définitivement le cœur des Français, les centres-villes ne pourront se contenter de devenir des « Zoom-towns » à l'américaine. Plus que de simples lieux pour télétravailler, ils devront jouer la carte de l'émotion en capitalisant sur leurs atouts, pour retrouver le sens de ce qui faisait vibrer, il y a 200 ans ou plus, nos ancêtres.

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(1) Etude réalisée à partir des inscriptions scolaires en 2020 et 2021.
(2) Chiffres Insee.

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