Réforme du RSI : les raisons de s'attendre au pire

Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) a été dévoilé ce jeudi 28 septembre par le Gouvernement alors qu'une batterie de mesures concernant les travailleurs indépendants avait déjà été annoncée par le Premier Ministre à Dijon au début du mois. Par Manon Laporte, Avocate fiscaliste et Docteure en Droit, Conseillère Régionale Ile-de-France et Porte-parole de Florence Portelli sur les questions fiscales

Dès le 1er janvier 2018 en effet, et après discussions parlementaires, le PLFSS devrait acter la réforme nationale du Régime sociale des indépendants (RSI) dédié aux professions libérales, entrepreneurs, petits commerçants, mais aussi, aux travailleurs indépendants exerçant en freelance : 6,6 millions de cotisants. Nécessaire, la réforme est entreprise avec l'objectif annoncé d' « améliorer la qualité du service et de faire disparaitre les erreurs de gestion qui sont familières aux travailleurs indépendants ». Pourtant, précipitée et peu pilotée, cette entreprise démagogique non structurelle pourrait voir le cauchemar des adhérents se perpétuer.

En 2008, la fusion des caisses de protection sociale des chefs d'entreprise était absolument nécessaire et aurait pu constituer « l'une des plus importantes réformes de structure et de simplification pour les usagers de l'histoire de la sécurité sociale » (1). Mais, en raison de « compromis institutionnels laborieux et d'une mésestimation complète des contraintes techniques » (2), sa mise en œuvre fût absolument chaotique, se traduisant par de graves perturbations pour les assurés et de lourdes conséquences financières pour les comptes sociaux dès le démarrage, que la Cour des comptes qualifierait bientôt de « catastrophe industrielle ». Pour cause notamment ? Le second volet de la réforme du RSI a confié au réseau des Urssaf (3) le recouvrement de la totalité des cotisations des travailleurs indépendants sans que n'y soient dédiés les moyens techniques - et surtout informatiques -, humains (en expertises) et financiers nécessaires. L'outil informatique utilisé par les Urssaf, « SNV2 » (Système National Version 2), s'est révélé incapable d'intégrer l'ensemble du recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants, alors que par ailleurs, la relation entre cotisations et prestations pour les adhérents nécessitait des flux d'informations permanents entre le RSI et son délégataire. En 2012, la Cour des comptes pointait à cet égard la « coexistence des systèmes d'information inadaptés et incapables de dialoguer entre eux afin d'assurer, notamment, l'indispensable transmission d'information des Urssaf au RSI pour le versement de certaines prestations ».

Dans les faits, ces défauts opérationnels et techniques se sont traduits par des difficultés d'affiliations, des erreurs dans les appels de cotisations, le blocage des mises à jour des dossiers des cotisants, la taxation d'office de nombreux cotisants, le versement tardif des prestations, des recouvrements abusifs : jusqu'à porter certaines affaires, aux conséquences humaines irrémédiables, devant les tribunaux.


En 2017, malgré les améliorations apportées depuis à la relation entre les deux organismes, le rapport de la Cour des comptes (
4) demeure accablant et souligne les irrégularités, soient réglementaires, soient comptables, qui continuent d'affecter le calcul, l'appel et la régularisation des cotisations (5). Les juges, mais aussi l'ensemble des experts, recommandent alors de clarifier la répartition des rôles entre le RSI et les Urssaf pour le recouvrement des cotisations et d'investir dans la modernisation des systèmes d'information : des réformes proposées et portées devant l'Assemblée nationale par Les Républicains depuis 2015.

Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale 2018 envisage une dissolution du RSI sur deux ans, en rapprochant une à une du régime général chaque mission du régime particulier, pour un fonctionnement « abouti » au 31 décembre 2019. S'agissant par exemple de l'Assurance-maladie, à partir du 1er janvier 2020, tout le stock de travailleurs indépendants sera repris par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). Les retraites de base seront affiliées à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). Quant aux cotisations ? Rien ne change. Elles resteront émises et recouvrées par les URSSAF, sans plan opérationnel et informatique particulier établi. Pire ni la réforme juridique structurelle liée à la dissolution du RSI, ni la migration informatique des quelques millions d'assurés pour le transfert des compétences sur les prestations n'ont été étudiées, voire, auditées. Des moyens importants, techniques, et humains, devraient être dévolus à la réforme pour qu'elle soit en mesure de s'adapter aux spécificités qui entourent la population de travailleurs indépendants : des régimes juridiques et fiscaux divers (auto-entrepreneurs, professions libérales...), ainsi qu'un turn-over important des affiliés. Aucune de ces assurances n'a été prise et l'on n'a aucun mal à imaginer que le transfert à venir sur deux ans - dans le meilleur des cas - dégradera encore davantage la qualité de la prise en charge des affiliés. L'on doute alors que cet état de fait n'améliore la situation des travailleurs indépendants «au cœur de la machine économique, mais souvent précaires, voire, pauvres » qui devraient pouvoir prétendre, aujourd'hui, aux mêmes droits sociaux et garanties que salariés et fonctionnaires.

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