Un même enjeu, trois chemins : quel monde choisir pour un futur désirable ?

OPINION. On a souvent le sentiment d'un consensus mondial sur la nécessité d'accélérer pour adresser le changement climatique. Dans les faits, on est loin d'un consensus sur les constats comme sur les actions à engager. Le cabinet de Conseil Wavestone a mené une étude prospective pour tenter de décrypter le monde qui vient et dégager les pistes d'un futur désirable. Trois scénarios porteurs d'une vision du monde très différente semblent s'opposer. Il faudra faire des choix. Par Joël Nadjar, Partner Wavestone
(Crédits : DR)

Nous ne vivons pas tous dans le même Monde. La récente annonce de l'Arabie Saoudite d'organiser les jeux asiatiques d'hiver 2029 en plein désert a stupéfié une grande partie du monde à l'heure d'une prise de conscience aigüe du changement climatique.

Pour les initiateurs du projet, à l'opposé, il s'agit de démontrer que nous avons les technologies ou que nous pourrions développer de nouvelles technologies permettant de s'affranchir du climat et de faire progresser l'humanité. Cet événement illustre bien qu'il n'existe pas forcément de pensée unique sur ce que doit être le futur de nos Sociétés. Notre Futur sera surtout ce que nous déciderons d'en faire. Encore faut-il être en mesure de prendre les bonnes orientations et ce n'est pas si facile.

Un futur difficile à décrypter

Selon une étude* menée sur plusieurs années avec un écosystème de chercheurs (sociologues, économistes, historiens, géographes, scientifiques, neurobiologistes...) pour tenter de décrypter le monde qui vient et dégager les pistes d'un futur désirable, plusieurs idées se dégagent qui rendent bien difficile la recherche d'une prospective réaliste.

Les chercheurs mettent tout d'abord en évidence que toute l'histoire de l'humanité s'inscrit dans une trajectoire « d'arrachage », de prédation de la nature quasi-linéaire qu'il semble impossible d'inverser.

Deuxième idée forte : chaque tendance qui émerge génère une tendance opposée de même intensité. « L'air du temps » que l'on cherche à caractériser ne serait finalement qu'un parti-pris ou une vision biaisée de la réalité. Enfin, les chercheurs qui travaillent sur l'analyse des grandes mutations s'accordent sur le fait que, plutôt que les conditions matérielles, ce sont la volonté et la prise de risque des hommes qui déterminent les grandes transformations sociétales. Ainsi, c'est moins la glaciation du Détroit de Béring qui a permis à certaines tribus d'Asie de se répandre sur le continent américain que la volonté et le désir des hommes de se projeter et d'explorer de nouveaux territoires.

Trois scénarios pour le futur

Pas simple dans ces conditions d'esquisser un scénario pour le futur. Face aux transitions majeures à opérer, nous pressentons que le futur ne sera pas une simple extrapolation des tendances et qu'il faut se doter d'un cadre de réflexion permettant de prendre des décisions et d'agir. C'est pourquoi nous avons structuré l'exploration du futur autour de trois scénarios qui induisent chacun une représentation du monde très différent.

  • Le premier scénario (il n'y a pas d'ordre) pourrait se résumer par « arrêtons tout ».

Face à la montée des périls écologiques et sociétaux, l'enjeu est de rompre avec l'idéologie de développement jugée incompatible avec la conservation de notre planète et de viser un monde en a-croissance prôné par divers courants « néo malthusianistes ».

Dans ce scénario, l'objectif est de changer l'homme pour changer le monde. Les valeurs dominantes se structurent autour de la pression du collectif et plus de régulation. L'aversion au risque devient un principe clé et la fiscalité une arme dissuasive. La valorisation des particularités locales et culturelles y est accentuée pouvant in fine aboutir à une fragmentation du Monde global. Le sens et la place du travail sont sans doute remis en question. On peut aisément en déduire les activités sur lesquelles devraient se positionner les entreprises : recyclage, économie circulaire, certification verte, loisirs et activités sociales.

  • Presque qu'à l'opposé, le 2e scénario pourrait s'exprimer en raccourci par le dépassement : « si la terre ne suffit plus, allons sur Mars ».

Il définit un monde hyper technologique dans lequel l'homme vise la transformation délibérée du vivant : amélioration des conditions de vie, « homme augmenté » capable de vivre des expériences sensorielles nouvelles et plus intenses. Les perspectives semblent illimitées : mondes virtuels, réalités augmentées, humains connectés.

Les chercheurs y font également ressortir les caractéristiques d'un monde inégalitaire porté par des communautés électives et une prise de risque systémique. Ce monde semble déjà très présent et pas seulement dans les laboratoires de recherche partout sur la planète.

  • 3e scénario identifié : un monde au développement plus frugal dans lequel les externalités sont prises en compte dans les calculs de l'activité humaine.

Un monde plus global à faire émerger ensemble, dans lequel on encourage les comportements vertueux.

C'est sans doute le monde préféré de nos démocraties occidentales, fondé sur un homme davantage en symbiose avec son biotope, qui développe sa sociabilité pour éprouver le sentiment d'existence et un équilibre dans son rapport au temps. Dans ce scénario, où le développement est pensé pour être durable, les activités des entreprises s'orientent vers des plateformes de services proposant des solutions plus globales, l'accompagnement des transitions et la mesure d'indicateurs extra-financiers conçus comme levier d'action individuel et collectif.

Il est bien difficile de savoir quel scénario s'imposera, peut être devons-nous nous attendre à une juxtaposition de ces trois visions du monde. Quoi qu'il en soit, les entreprises comme les Etats, les Corps constitués ou les citoyens doivent décider quel monde elles souhaitent contribuer à faire émerger. Décidément et pour citer Bergson, l'avenir n'est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire.

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(*) Etude Wavestone 2022 - les scénarios pour le Futur

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Commentaires 2
à écrit le 10/12/2022 à 12:12
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Les médias de masse sont ce qu'ils sont. Ils pourraient effectivement être différents mais alors ce ne serait pas pareils. Quant à l'énergie qui pourrait être économisée, cela n'est pas évident car nombreux ont des capteurs solaires dans leur rédacti...

à écrit le 09/12/2022 à 17:57
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Il faudra se résoudre à sortir des "politiques de l'offre" qui ne peuvent "survivre" sans ses éternelles publicités et innovations, sans que l'on puisse dire qu'il y ait progrès mais bien plutôt handicap ! Donc ne comptons pas sur des "réformes" mais...

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