Jean-Charles Drouvin, directeur général de POwR Group : « les acteurs du photovoltaïque attendent un cadre clair et lisible pour travailler efficacement dans l’intérêt commun »

Après avoir lancé sa fondation en 2023, POwR Group organise du 13 au 15 mars la première édition du POwR Earth Summit, un événement entièrement consacré à l’accélération de la transition énergétique. A cette occasion, Jean-Charles Drouvin, directeur du groupe, nous a fait part de ses attentes pour lever les freins qui pèsent sur la filière.
(Crédits : DR)

Premier acteur français de la distribution sur toute la chaîne de valeur photovoltaïque, PowR Group a soutenu ces 15 dernières années le développement et la structuration de la filière solaire. Alors que vous souhaitez multiplier les raccordements dans les années à venir, dans quel état d'esprit êtes-vous ?

Aujourd'hui, l'ensemble de la filière est confronté à un énorme paradoxe. Depuis la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine, la sortie des énergies fossiles est devenue bien plus qu'un objectif majeur pour le climat, un enjeu essentiel de souveraineté énergétique, de dynamisme économique et de soutien au pouvoir d'achat. Dans le monde entier, l'énergie photovoltaïque s'impose comme une solution incontournable car elle est à la fois décarbonée, locale et très bon marché. Alors que les besoins en électricité vont augmenter dans les prochaines années avec notamment le remplacement progressif des véhicules thermiques, nous avons donc collectivement tout à gagner à soutenir le déploiement des panneaux solaires à grande échelle. Pourtant, force est de constater qu'en France, si les acteurs publics voulaient décourager les installateurs en les perdant dans un dédale réglementaire absurde, ils ne s'y prendraient pas autrement. La filière est maltraitée administrativement et les porteurs de projets sont épuisés par le manque de cadre et de visibilité, voire par des contraintes ubuesques qui mettent trop souvent les projets à l'arrêt...

Comment se traduit cette maltraitance administrative au quotidien ?

Imaginez par exemple qu'entre le 1er août et le 28 décembre 2023, la filière photovoltaïque a travaillé à l'aveugle, sans connaître ni le tarif de réinjection du surplus de production dans le réseau, ni le montant de la prime à l'installation. Pendant 5 mois, les installateurs ont dû calculer des simulations de rendement en se basant sur des estimations totalement subjectives. Et quand la commission de régulation de l'énergie a enfin publié l'arrêté tarifaire au JO, ils ont découvert des baisses tarifaires significatives... et rétroactives ! Pour les particuliers qui ont acheté une installation de 3 kWc au dernier semestre 2023, cela correspond à 420 euros de prime à l'installation en moins et une baisse de 17% du prix de rachat, ce qui a naturellement créé de la défiance envers les installateurs. Et le problème est le même pour les plus gros projets (100 à 500 kWc), pour lesquels il faut engager les frais de permis de construire et de déclaration préalable de travaux sans connaître les tarifs de rachat, qui ne sont communiqués que 6 mois après le raccordement...

Quelles sont les conséquences de ces lenteurs et de ces complexités administratives sur le développement du photovoltaïque en France ?

C'est simple, en 2023, la France a installé 3,125 GW de photovoltaïque : c'est certes un record, mais cela reste en dessous de ce qui était prévu par la Programmation Pluriannuelle de l'Energie et dans le même temps l'Allemagne a installé 14 GW, soit 4,5 fois plus. Pour accélérer, il faudrait une véritable stratégie de soutien à la filière que l'on ne voit toujours pas arriver. Au contraire, alors que le monde entier dispose d'importants stocks de panneaux photovoltaïques, la France va être le seul pays à être confronté une situation de pénurie, parce qu'un arrêté a imposé une nouvelle méthodologie bas carbone (PPE2) à partir d'avril et que l'unique laboratoire français de certification, Certisolis, est saturé de demandes et risque de ne pas avoir le temps de labeliser suffisamment de panneaux d'ici là. Il faut donc accélérer, mais sans connaître ni le tarif de revente de l'énergie, ni celui des primes à l'investissement, sans stocks de panneaux certifiés, et avec des délais de raccordement au réseau extrêmement longs... Et pendant ce temps, les importations européennes de gaz russe ont augmenté de 40% en 2023 : on marche sur la tête !

En janvier 2024, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a pourtant affirmé son soutien à toutes les énergies décarbonées qui permettront de diversifier le mix énergétique. Que faudra-t-il faire pour mettre la filière photovoltaïque en ordre en marche ?

Les acteurs français du photovoltaïque attendent un cadre clair et lisible, qui permette de travailler efficacement avec le même objectif commun de décarbonation et de souveraineté énergétique. Comment se fait-il par exemple que la France impose une TVA à 20% sur les installations de plus de 3kWc, alors que nos voisins européens bénéficient d'une TVA réduite et que l'Allemagne ait opté pour une TVA à taux 0 ? Est-il normal que les raccordements de toitures photovoltaïques ne soient pas pris en compte dans les estimations d'Enedis, ce qui fait que dans certaines zones les postes sources sont sous-dimensionnés, empêchant les raccordements de grosses installations pendant 5 ou 6 ans ? Combien de dossiers sont encore freinés ou bloqués de façon abusive sous prétexte qu'ils ne respectent pas le PLU ou le patrimoine ? Nous avons les moyens et les solutions pour accélérer le déploiement du photovoltaïque en France, mais pour se mettre en ordre de marche, il faudra que tous les acteurs privés et publics décident d'aller ensemble dans la même direction, sans chercher à se mettre continuellement des bâtons dans les roues, ce qui passera par exemple par des tarifs de rachat annuels communiqués longuement à l'avance. Si l'on veut réussir la transition énergétique, il est vraiment temps des lever des freins qui n'ont pas lieu d'être.

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Jean-Charles Drouvin interviendra au PowR Earth Summit, l'événement d'accélération de la transition énergétique qui aura lieu au CNIT de la Défense à Paris du 13 au 15 mars 2024.

Commentaires 2
à écrit le 16/03/2024 à 11:05
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Il est tellement habituel en France que tout soit subventionné par l’Etat qu’on en perd de vue le coût réel de production de ces énergies renouvelables et notamment le coût de rachat par EdF de l’énergie produite par des particuliers qui devrait se f...

à écrit le 08/03/2024 à 17:48
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Que ce soit pour l'éolien ou le solaire, ces gens là ne travaillent que pour leurs intérêts. L'intérêt commun n'a nul besoin d'investir dans des moyens largement subventionnés et inefficaces en facteur de charge : 25 % pour l'éolien terrestre, un peu...

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