Payer moins d'impôts : menace sur les niches fiscales

Faut-il oui ou non plafonner les niches fiscales ? « Oui » semblent répondre les députés, qui ont longtemps hésité entre un plafonnement global, un plafonnement niche par niche ou un plafonnement par niche avec un plafond global. Finalement, ils ont opté pour la troisième solution. Mais la question n'est pas encore complètement tranchée. Le débat sur l'équité fiscale, avec la prise en compte ou non de ces niches dans le calcul du bouclier fiscal, a été renvoyé par Éric Woerth et Christine Lagarde à la seconde partie du projet de loi de finances. Débat essentiel pour certains, usine à gaz pour d'autres, la réforme des niches fiscales n'est pas une préoccupation nouvelle. Déjà en 2005, un plafonnement global à 8.000 euros par foyer fiscal et 750 euros par personne à charge avait été prévu. En contrepartie, le barème de l'impôt sur le revenu a été simplifié et le bouclier fiscal instauré. Mais le Conseil constitutionnel a cassé cette décision, jugeant le calcul du plafonnement trop compliqué et donc... anticonstitutionnel.   Utilisation abusive Les près de cinq cents niches fiscales, qui font la joie des banquiers privés, avocats fiscalistes et des conseillers en gestion de patrimoine, sont donc restées en l'état. « Il n'y a aucune définition claire de ce qu'est une niche fiscale. S'agit-il des réductions, déductions ou crédits d'impôt ? Il y aurait un véritable effet pédagogique à tout remettre sur la table», regrette Philippe Bruneau, directeur général de Mirabaud Gestion.   Il est vrai que l'emploi à domicile, le quotient familial, la déductibilité des intérêts d'emprunt pour l'acquisition principale ou l'investissement dans les monuments historiques n'ont pas grand-chose en commun. Si ce n'est qu'ils coûtent cher à l'État. Pour 2008, la commission des Finances de l'Assemblée nationale a estimé que l'ensemble des niches représentait 73 milliards, soit plus du quart des recettes fiscales nettes ! Elles ne sont pourtant pas toutes dénuées d'intérêt économique, car, à la base, le législateur a accordé des carottes fiscales pour contrebalancer des situations défavorables ou favoriser certains types d'investissements (voir interview ci-contre). « Lorsque les parlementaires ont repris la lutte contre les niches fiscales, ils n'ont pas remis en cause leur principe, mais ont plutôt dénoncé l'utilisation abusive qui en est parfois faite », précise Olivier Courteaux, responsable du pôle juridique à Thésaurus.   impôt dégressif   Ce sont donc trois niches fiscales qui sont dans le collimateur des députés : l'investissement dans les DOM-TOM (dit Girardin), l'investissement dans l'immobilier historique (dit Malraux) et le statut de loueur en meublé professionnel (voir page ci-contre). Pourtant, ce ne sont pas celles qui coûtent le plus cher. À titre d'exemple, la défiscalisation outre-mer ne représente « que » 780 millions d'euros. Pourtant, elle bénéficie aux plus hauts revenus : les vingt plus gros contribuables exonérés tirent 97 % de leurs déductions du Girardin dit industriel...   Les trois niches fiscales visées par le projet de plafonnement seront donc uniquement celles qui, à partir d'un certain niveau de revenu, rendent l'impôt non pas progressif mais... dégressif. En outre, un plafonnement global de ces trois niches à 10.700 euros sera instauré pour les contribuables qui feront jouer le bouclier fiscal. Le but de cette double mesure est précisément d'empêcher les très grosses fortunes qui multiplient les investissements défiscalisants de ne payer aucun impôt. Voire parviennent à se faire rembourser de l'argent par le Trésor public.   Bref, alors que la remise à plat des niches fiscales se voulait une simplification de la fiscalité française, elle revient en fait à l'obscurcir. « En France, nous avons un système fiscal qui est un vrai mille-feuille et chaque réforme ajoute des couches à l'édifice déjà existant, confie un avocat fiscaliste, il est vraiment dommage que l'État ne soit pas capable de réformer en profondeur pour aboutir à un système simple, équitable et efficace », ajoute-t-il. 
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