Produits complexes : l'ACP sème le trouble

La recommandation du régulateur en vue de restreindre la vente de contrats intégrant des fonds « à formule » pose de sérieux problèmes d'application.
Copyright Reuters

C'est peu dire que la recommandation publiée mi octobre par l'Autorité de contrôle prudentiel sur la commercialisation des contrats en unités de compte (UC) constituées de produits complexes, comme les fonds « à formule », a semé le trouble. « Nous avons observé un afflux de nouveaux produits particulièrement complexes, lié à l'environnement de taux bas qui pousse les assureurs à proposer des rendements artificiellement élevés sur la base de formules complexes », explique Fabrice Pesin, secrétaire général adjoint de l'ACP et coordinateur du Pôle Assurance Banque Epargne. Le régulateur de la banque et de l'assurance a donc dressé une liste de « critères objectifs » censés alerter les distributeurs sur un « risque de mauvaise commercialisation ». Mais « ces critères couvrent tous les produits en UC avec garantie du capital, dont l'objectif est pourtant d'offrir de la sécurité », déplore un assureur, pour qui « il vaut mieux une assurance vie basée sur un produit complexe mais sécurisé que sur un produit plus simple mais très risqué », comme une Sicav en actions. Autre problème, l'ACP recommande de recueillir « la preuve que le souscripteur comprend la nature du support [et] les risques y afférents », tout en estimant, par la voix de Fabrice Pesin, que les produits visés sont « totalement inintelligibles par la plus grande partie des clients ». Une injonction paradoxale qui met la profession mal à l'aise.

Dilemme

« On peut prouver que le client croit comprendre, mais pas qu'il a effectivement compris », pointe un assureur. Ce dilemme pourrait conduire certains réseaux à réserver ces produits à la gestion privée, comme le fait déjà la Caisse d'Epargne.

Autre hypothèse, « le producteur pourrait préparer un questionnaire en ligne afin d'évaluer la compréhension du produit par tout client candidat à la souscription », imagine Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet Facts&Figures. Mais pour l'ACP, interrogée par « La Tribune », une questionnaire avec des réponses par oui ou par non présenterait un « risque de déresponsabilisation du distributeur » qui pourrait se sentir « exonéré de tout effort de pédagogie et de conseil ».

Au-delà, certains professionnels s'agacent en privé de la tendance croissante des régulateurs à créer de la « soft law » (des dispositions infra-réglementaires comme les « recommandations »). « Je me méfie de ce qui est mou », ironise un assureur, qui s'interroge sur « le statut juridique de ces textes » et sur « l'usage que pourrait en faire un juge ». Il souligne à cet égard que « la profession reste traumatisée par une décision de la Cour de cassation selon laquelle le fait d'être de mauvaise foi n'empêche pas de faire valoir son droit à rétractation. »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.