Fonderie de Bretagne : « task force » autour d’un projet stratégique

Caudan (56). Les petites phrases du pdg de Renault entretiennent le doute. L’avenir de la Fonderie de Bretagne à Caudan se jouera dans les mois qui viennent. Salariés et élus restent mobilisés avant un CSE le 16 juin. Un tour de table multipartite est en cours de constitution. Il étudiera les options stratégiques potentielles. Pour les collectivités, qui ont accompagné la modernisation de l’usine deux fois à hauteur de 8,2 millions d'euros, il n'est pas question que l’affaire vire au fiasco.
Pour Jean-Dominique Senard, patron de Renault, la Fonderie de Bretagne n'a « pas vocation à rester dans le groupe ».
Pour Jean-Dominique Senard, patron de Renault, la Fonderie de Bretagne n'a « pas vocation à rester dans le groupe ». (Crédits : Kim Kyung Hoon)

Que va-t-il advenir de la Fonderie de Bretagne ? Pas facile de suivre, et encore moins pour les salariés. Après une dizaine de jours de dépit, de colère et de mobilisation, l'avenir de l'usine de Caudan, spécialisée dans la production de pièces de fonderie brutes et usinées pour l'industrie automobile (châssis plus que moteurs), demeure incertain. Une phrase prononcée dimanche 31 mai par Jean-Dominique Senard, patron de Renault, lors du Grand Jury RTL-Le Monde et indiquant que la Fonderie de Bretagne n'a « pas vocation à rester dans le groupe » a douché les espoirs réveillés l'avant-veille. Vendredi 29 mai, les 400 salariés de l'entreprise s'étaient en effet réjouis à l'annonce par le directeur de la fonderie, Laurent Galmard, émise au cours d'un CSE extraordinaire organisé à la préfecture de Lorient, que l'usine poursuivrait bien son activité.

Suite à ce quiproquo, Loïg Chesnais-Girard, le président de la Région Bretagne, qui avait discuté en fin de semaine avec Jean-Dominique Senard, a réagi de suite : il s'est fait reconfirmer l'accord passé avec Renault. L'option définie est celle de l'élaboration d'une étude stratégique sur la construction d'un projet de diversification, alternatif à celui du marché automobile en difficulté. « Un groupe de travail constitué de petites équipes issues des collectivités (Conseil Régional et élus locaux), de Renault, de la Fonderie de Bretagne et de la Préfecture du Morbihan est en cours de constitution.  Une première réunion aura lieu d'ici à la fin juin à Lorient afin de démarrer le travail stratégique qui portera sur les diversifications possibles vers de nouveaux clients, de nouveaux débouchés » indique Loïg Chesnais-Girard à La Tribune.

Dimanche, Jean-Dominique Senard avait confirmé ce point : « On a dit clairement que nous allions ouvrir une analyse stratégique sur cette entreprise », avant d'ajouter la phrase choc « donc parmi les solutions que nous allons discuter (...) la cession en fait partie ».

« Ce dialogue multipartite va prendre six mois à un an ou plus » évalue Loïg Chesnais-Girard. « Nous allons mettre ce temps à profit pour dessiner ensemble un avenir à la Fonderie de Bretagne. Aucune procédure ne sera engagée durant cette période. Il n'y a pas d'acheteur potentiel à ce stade. »

La FDB gagne donc un temps de répit. Il y a une dizaine de jours, elle n'avait plus d'avenir. Comme les syndicats, le président de la Région estime que la fermeture de cette usine neuve, qui livre 95 % de ses pièces à Renault, était effectivement actée.

Diversification à d'autres secteurs que l'automobile ?

Dans le cadre du plan d'économies de plus de 2 milliards d'euros sur 3 ans mis en œuvre par Renault et prévoyant 4.600 suppressions de postes en France, le site morbihannais repris par le groupe automobile en 2009 se trouvait sur la sellette. Selon Renault, le développement de la voiture électrique nécessite moins de fonte d'acier. A l'issue du CSE de vendredi, Laurent Galmard avait quant à lui évoqué une « diversification nécessaire pour rendre la Fonderie de Bretagne rentable », et qui pourrait se traduite par la production de pièces destinées à un marché automobile plus large, incluant « la machine agricole, le gros camion, le bus ».

« La task force que nous mettons en place va étudier comment les compétences de la FDB peuvent être utilisées pour autre chose, sur d'autres chantiers voire dans d'autres secteurs comme le naval, les EMR, la fibre etc... Ce point là n'a pas été posé par Renault », relève le président de la Région. « A l'heure où le gouvernement appelle à une relocalisation en France des industries, on ne peut pas, de loin et à partir d'un tableau excel, couper dans le vif pour sauver un groupe, sans penser susciter de l'incompréhension ou de la colère de personnes qui n'ont pas démérité dans leur travail. Les collectivités locales ont cette capacité de réflexion et d'action avec les ETI et PME de leur territoire, que l'Etat ne voit pas. »

Dans leur lettre envoyée le 28 mai au Premier ministre Edouard Philippe et au ministre de l'Economie Bruno Le Maire, les élus bretons, soutenus dans cette démarche par le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian, ex-président de la Région Bretagne, avaient d'emblée affiché leur « totale opposition à une éventuelle décision de fermeture du site ainsi qu'à un tout autre scénario qui consisterait à inscrire l'avenir du site hors du giron du groupe Renault. »

8,2 millions d'aide des collectivités, retour de la production délocalisée

Les élus sont d'autant plus remontés que le maintien de ce site industriel, jugé compétitif, et de son savoir-faire a, par deux fois depuis 2009, été financièrement soutenu par « la Région Bretagne, le département du Morbihan et Lorient Agglomération, aux côtés de l'Etat à hauteur de 8,2 millions d'euros. » Ces apports ont permis de « moderniser cet outil industriel, assurer sa compétitivité et sa pérennité, et participer de ce fait au maintien de l'emploi sur notre territoire » signalaient les élus. « La capacité de production du site est importante, et pourtant un volume significatif de production continue d'être délesté dans des sites situés hors du territoire national (Ndlr : en Turquie, Pologne ou Espagne), maintenant de manière artificielle l'idée que le site de Caudan serait structurellement déficitaire. » Quid du déficit dû au coût de l'incendie qui s'est déclaré en mai 2019, et au coût du non-travail durant la période de rénovation du site, s'interrogent d'ailleurs les élus. « Il y a quelques années, le groupe PSA se trouvait dans la même situation que Renault aujourd'hui. La mise en place d'une équipe de réflexion multipartite avait débouché sur un projet de réindustrialisation du site de PSA La Janais à Rennes, vers de nouveaux secteurs (électrique, entreprises industrielles, maintenance TGV...) », fait valoir Loïg Chesnais-Girard.

Mardi dernier, le travail a repris à la fonderie, dans une ambiance pleine d'interrogations. Selon Maël Le Goff, délégué général CGT de FDB, les représentants syndicaux et les salariés appellent à « une stratégie cohérente ». « Céder une entreprise Renault à un autre industriel pour faire des pièces Renault est un non-sens car nous l'avons déjà vécu avec ses conséquences. »

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