Masques en tissu : une opportunité pour la filière textile berrichonne ?

INDRE (36). Avec le port obligatoire du masque dans certains lieux à partir du 11 mai, le cluster textile de l’Indre s’est lancé dans une production de masse du précieux accessoire en tissu. Qu’il espère pérenniser dans la durée.
Atelier de masques de l'entreprise Balsan.
Atelier de masques de l'entreprise Balsan. (Crédits : Reuters)

Atelier de confection spécialisé dans le prêt-à porter pour des marques de vêtements comme Hollington en France et De bonne facture en Asie, Distribution Production Logistique (DPL) fabrique à nouveau des masques depuis le 20 mars. La PME, située à Chatillon-sur-Indre et qui a réalisé 2,2 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019, bénéficiait d'un petit historique en la matière sanitaire.

Comme les surblouses de protection, les masques figuraient à son catalogue jusqu'en 1985. Sa production se situe désormais dans une fourchette de 20.000 unités par semaine. DPL a ainsi répondu à la demande qui a enflé de façon exponentielle peu après le confinement. En plus du bouche-à-oreille, son inscription volontaire sur les plates-formes créées ad hoc par la filière mode « Savoir-faire ensemble » et par la région Centre Val de Loire a boosté un flux de commandes locales et nationales.

Efficaces jusqu'à 40 lavages

Ainsi, les masques de DPL ont commencé à équiper les personnels orléanais du groupe d'expertise comptable Cogep et de la CCI de Châteauroux. D'ici fin mai, l'atelier aura à son actif la fabrication de 100.000 protections en coton filé dans les Hauts de France et efficaces jusqu'à 40 lavages. Un atout qualitatif de poids face aux masques jetables produits en Asie et vendus prochainement par la grande distribution.

Autre PME berrichonne (un million d'euros de recettes en 2018) à miser sur le masque made in France, Kalium, située à Issoudun, avait, elle aussi, un historique sur ce créneau. Même si la société créée par Bertrand Foursy en 2016 fabrique majoritairement des bâches pour équipements sportifs ou de plein air, elle produit de façon plus marginale des masques et des blouses de protection.

Depuis le 15 mars, Kalium a sérieusement musclé ses capacités industrielles. Huit salariés supplémentaires, issus du Greta, sont venus renforcer ses effectifs, les portant à 22 personnes. A la clé, le gain de clients comme Darty, le Crédit agricole et le groupe La Halle. Cette montée en puissance permet à Kalium de fabriquer 60.000 masques par semaine et même d'innover. La société lancera ainsi prochainement une nouvelle gamme de produits destinés aux enfants et aux malentendants. Elle est également en train de tester un masque capable de résister à 100 lavages.

Spécialisé dans les uniformes pour l'armée

Poids lourds de la confection et de la maroquinerie dans l'Indre, Balsan et Rioland se sont aussi engouffrés sur le nouveau marché du masque en tissu, mais sans antériorité. Spécialisé dans les uniformes pour l'armée et les forces de sécurité (Police, pompiers, etc), Balsan, filiale du groupe Marck, produit désormais des masques en tissu dans quatre de ses cinq usines, dont celle de Montierchaume près de Châteauroux. Outre ses clients habituels, Marck-Balsan a été contacté par des entreprises agroalimentaires, d'armement comme Arquus, par des banques, et, localement, par la ville de Châteauroux et le conseil départemental de l'Indre. Avec la réouverture le 4 mai de son site de Monastir en Tunisie, la capacité de production hebdomadaire du groupe, qui emploie 400 personnes en France, atteindra un demi-million de masques. Rioland, façonnier pour des marques de maroquinerie de luxe comme Hermès, met lui à profit une partie de ses effectifs en chômage partiel (300 salariés sur 650) pour fabriquer les protections en tissu. Entre 50 et 60 personnes en sont désormais chargés au sein des huit sites du groupe familial, situés dans l'Indre et le Cher voisin, avec un objectif de 40.000 pièces par semaine. Sous-traitant de Balsan, Rioland est également en train d'homologuer son propre modèle de masque en tissu auprès de l'association française de normalisation (Afnor).

Relocalisation potentielle et opportunité économique

Malgré la mobilisation des derniers ateliers de confection présents dans l'Hexagone, l'objectif du gouvernement d'atteindre une capacité de 150 millions de masques en tissu immédiatement disponibles le 11 mai reste hypothétique. En cause, le manque de fabricants sur le territoire dû à l'arrêt presque complet de la filière de la confection textile en France. « En trente ans, cette dernière est passée d'un million de salariés à seulement 32.000, estime Patrick Hervier, président de DPL. La délocalisation du textile, notamment en Asie, est directement responsable de l'état de manque actuel. On voit les dégâts de cette politique en cas d'urgence sanitaire comme celle vécue depuis le début de la crise du Covid 19 ». Bertrand Foursy, tout en restant dubitatif sur la relocalisation d'une partie de la production textile essentiellement pour des questions de coût, se déclare partisan d'un pourcentage garanti aux entreprises françaises par l'État sur ses marchés publics. « Il y aurait tout intérêt, note l'entrepreneur, pour protéger la société et l'environnement. Nos masques sont certes plus chers mais génèrent une empreinte carbone bien moindre que ceux provenant du bout du monde ».

Pour un Small business act à l'européenne

La nécessité de réintégrer la production en France, au plus près des territoires, est également le discours tenu par Laurent Marck, directeur général de Balsan. « Ce mouvement en faveur des produits locaux issus de circuits courts, illustré par la fabrication des masques, s'amplifiera, assure le dirigeant qui milite pour un Small business act à l'européenne. La crise du Covid démontre la nécessité pour le pays de garder son industrie, pas seulement en matière de santé ». Dans le même sens, Jean-François Rioland n'exclue pas de maintenir dans la durée la production de masques, une diversification opportune dans la confection pour son groupe de maroquinerie. « Ce marché devrait devenir constant, explique le propriétaire du groupe éponyme, à condition que les collectivités territoriales notamment, jouent le jeu et favorisent à l'avenir l'industrie de leur propre territoire ». 50.000 masques en tissu de haute qualité sortent par semaine du site Balsan près de Châteauroux.

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Commentaires 2
à écrit le 06/05/2020 à 14:40
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Ce pourrait être une diversification dans l'industrie textile mais pas tout fonder sur la fabrication de masques , car cela n'aura qu'un temps. Ce que nous pouvons espérer.

à écrit le 05/05/2020 à 11:27
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La nouvelle opportunite pour des usines chinoises!La deindustrialisation en France est terrible.

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