La Corse à la recherche de sa relance économique

Avec le plan "salvezza è rilanciu" (sauvegarde et relance), le conseil exécutif corse veut décliner localement "France relance" en mobilisant 400 millions d'euros dont il espère que les trois quarts seront financés par l'Etat dans la région la plus impactée par la crise sanitaire.
Pour le président de l'exécutif corse, Gilles Simeoni, le plan France relance, annoncé le 3 septembre, est devenu obsolète en raison de la deuxième vague, et il n'a pas de dimension territoriale alors qu'il y a bien un particularisme corse.
Pour le président de l'exécutif corse, Gilles Simeoni, "le plan France relance, annoncé le 3 septembre, est devenu obsolète en raison de la deuxième vague, et il n'a pas de dimension territoriale alors qu'il y a bien un particularisme corse". (Crédits : Charles Platiau)

Qui détient la clé de la relance économique corse? Alors que l'assemblée de Corse a voté à l'unanimité vendredi 26 novembre son plan "Salvezza"(sauvegarde), premier chapitre d'une stratégie qui comprend également un volet "rilanciu" (relance), les interrogations sont de mise dans la région française la plus touchée par la crise sanitaire.

Une perte de 18% de PIB

Pour 2020, l'instance régionale évalue la baisse du PIB à 18% (contre 11% au plan national) dans une île qui tire le tiers de sa richesse du tourisme et des transports et où un salarié sur trois a bénéficié du dispositif du chômage partiel. Elle s'attend, dans la zone métropolitaine la plus frappée par la précarité, à un taux de chômage avoisinant 11,2% à la fin du mois, soit 1,5 point de plus que sur le continent. La crainte affichée est celle d'un futur "choc social", avec un taux de pauvreté de 18% incluant les jeunes en recherche d'emplois, les étudiants désoeuvrés ne pouvant financer leurs études ou encore les personnes âgées isolées.

Ces données, avec la contraction brutale de l'activité saisonnière amplifiée par le deuxième confinement, font dire à l'exécutif du président Gilles Simeoni que le choc n'est plus seulement "touristique mais domestique". Autrement dit qu'il mine durablement l'ensemble de l'activité économique et sociale, entraînant une perte de revenus pour les ménages.

"Salvezza è rilanciu", le plan insulaire

"Le plan France relance, annoncé le 3 septembre, est devenu obsolète en raison de la deuxième vague et il n'a pas de dimension territoriale alors qu'il y a bien un particularisme corse", souligne le patron de l'exécutif corse, le nationaliste Gilles Simeoni dont les relations avec Paris sont en dents de scie. Non sans noter que la Corse est la région métropolitaine la plus touchée pour les destructions d'emplois.

"Nous avons constitué une équipe de 70 agents et quatre groupes de travail pour définir le plan "Salvezza è rilanciu" (sauvegarde et relance) qui décline mesures à court, moyen et long terme en s'adossant au plan "France relance", détaille Gilles Simeoni.

L'élu revendique la "co-construction" de ce plan, notamment avec la CCI régionale qui avait avancé cet été un ensemble de mesures économiques en proposant au gouvernement un plan de relance d'un montant de 2,5 milliards d'euros étalé sur cinq ans. La copie avancée par le conseil exécutif corse entend programmer 400 millions, dont 300 millions seraient financés par l'Etat. "On s'adresse d'abord au gouvernement pour ensuite une validation au plus niveau", indique le président Simeoni, laissant augurer des négociations qui pourraient tourner à l'épreuve de force avec un gouvernement et un président qui l'ont souvent malmené.

Tout l'art de la négociation de l'enveloppe financière entre la Corse et Paris sera de ne pas tomber dans le principe des vases communicants de crédits retranchés aux équipements et infrastructures au profit de la relance.

Corse-Paris, les relations dangereuses

Alors que l'assemblée votait son plan Salvezza vendredi et que le président Simeoni en appelait à l'Etat, ce dernier a rétorqué à fleurets mouchetés hors hémicycle, en faisant les comptes dans la presse, par voie de communiqué.

"L'Etat a mobilisé 1,6 milliard d'euros dans l'île depuis le début de la crise pour soutenir les entreprises et l'emploi", a rappelé la préfecture de Corse.

La plus grande part de cette manne a financé les prêts garantis par l'Etat (883 millions d'euros pour 5.935 prêts accordés), l'activité partielle (317 millions d'euros, dont 118 millions déjà versés) ou encore le report de charges Urssaf (94 millions d'euros).

Les services de Pascal Lelarge, le plus haut représentant de l'Etat dans l'île, précisent aussi que l'Etat a déjà investi cette année "140 millions d'euros dans des projets structurants en Corse à travers différentes dotations". Tout en signalant qu'une enveloppe territoriale pilotée par le préfet "en concertation avec les acteurs locaux aurait vocation à être pilotée par un comité régional auquel sont associés les acteurs locaux au premier rang desquels la collectivité de Corse". "Enfin, le plan de relance prévoit également un deuxième volet de soutien à la compétitivité des entreprises par l'allègement des impôts de production, ainsi qu'un troisième relatif à l'emploi et la lutte contre la précarité", ajoutent ces mêmes services.

"Nous n'avons pas été associés par la collectivité de Corse (CdC). Ce plan ne nous a pas été présentés; on observe qu'il s'agit essentiellement d'une série de propositions d'exonérations fiscales er sociales", détaille à la Tribune la préfecture de Corse. "A contrario, la mise en œuvre du plan de relance initié par l'Etat qui repose sur un effort d'investissement est bien engagé aussi bien s'agissant des plans thématiques pilotés au plan national que de son volet territorial piloté localement par le préfet et auquel la CdC."

Le bras de fer entre les services de l'Etat et la CdC ne fait que commencer.

Manque de réactivité, selon l'opposition

Malmené à l'extérieur, la stratégie économique du président Simeoni a également subi les turbulences politiques d'une assemblée qui se prépare à entrer dans une période de campagne électorale, mais qui a fini par voter à l'unanimité le plan Salvezza avec l'adjonction d'une vingtaine d'amendements venant des groupes distincts de la majorité.

Le premier macronien de Corse, Jean-Charles Orsucci avait tiré le premier en réclamant que le préfet, premier financeur, soit aux côtés du président de l'exécutif dans la commission ad hoc qui a été gravée dans le marbre. "Nous avons été très  critiques quant à la méthode car les groupes de l'opposition n'ont pas été associés à la construction de ce plan trop libéral auquel il manquait une dimension sociale", constate l'élu d'opposition qui veut que tous les conseillers se retrouvent à la table parisienne des négociations.

Pour sa part, la droite, par la voix de Jean-Martin Mondoloni a gardé du plan Salvezza, un gout "d'incomplétude" et déploré l'oubli de la Cadec (caisse de développement de la Corse) : "Elle porte des outils très pertinents pour financer l'économie insulaire et défend des pistes intéressantes: le renforcement des fonds du crédit-bail immobilier, le principe du « lease back » (...) une mesure clef par ces temps de crise, la création d'une filiale foncière, l'émission d'obligation, la création d'un label relance, le renforcement des avances remboursables en les faisant passer de 200 000 à 500 000 euros..."

Mais la crainte avérée de la famille libérale insulaire  porte également  sur le calendrier de l'exécutif corse. "Les autres régions ont été plus réactives", a tranché la libérale Valérie Bozzi.  "Il faut être opérationnel dès demain matin. On ne peut plus espérer d'être inséré dans les quatre lois de finances rectificatives pour 2020 ni dans la loi de finances pour 2021, alors que d'autres régions l'ont pourtant fait. C'est bien dommage !", a taclé Jean-Martin Mondoloni. "

Il a obtenu in fine le consensus. Mais si le président Gilles Simeoni dit avoir entendu les voix de l'opposition et associera tous les groupes à la démarche pour l'élaboration d'une feuille de route amendée, la question de l'"opérationnalité" reste posée et de la "co-construction".Le volet rilanciu (relance) revient dans trois semaines dans l'hémicycle corse qui peine à poser les jalons d'une vision claire et pragmatique de son développement économique et social à long terme.




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Commentaires 2
à écrit le 04/12/2020 à 2:23
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Politique de posture tout simplement, comme c'est le cas depuis 6 ans. Les pseudo-nationalistes sont des gens qui servent les intérêts économique d'une minorité tout en se faisant passer pour les défenseurs du peuple corse. Des Trumps nustrali on p...

à écrit le 03/12/2020 à 18:02
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indépendance oui mais on veut bien que l etat donne de l argent !

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