Lâché par l'Etat, le Versailles du cheval cherche à se remettre en selle

Qui sait combien de lignées d’étalons sont nés dans ses écuries en trois siècles. Totem pour le milieu du cheval, le plus ancien des haras nationaux n’en a pas moins perdu de son lustre. En passe de perdre aussi son statut d’établissement public national, le Pin comme l’appelle les initiés veut se réinventer en « resort » à thème pour marier tourisme nature et sports équestres.
(Crédits : Région Normandie)

C'est Louis XIV qui, sous l'influence de Colbert, décide de fonder l'administration des haras nationaux pour reconstituer la cavalerie royale décimée par les guerres mais surtout pour rapatrier en France -on dirait relocaliser de nos jours- la discipline de l'étalonnage dans laquelle excellent italiens et allemands. Le Pin sera le premier haras à incarner cette volonté de reconquête.

 La royauté voit les choses en grand. Construit sur les généreux pâturages de l'Orne au milieu d'un parc de plus de mille hectares, le château somptueux s'ouvre sur une immense cour d'honneur cernée d'écuries disposées en fer à cheval. L'esprit de Mansart et de Le Nôtre souffle sur le domaine à qui Jean de la Varende donnera le nom de « Versailles du cheval ». Pendant 300 ans, sous la tutelle de l'Etat, les étalons qui habitent les lieux donnent naissance à des dizaines de lignées de chevaux d'armes puis de sport dont certains furent des cracks.

 Saillies, c'est fini...

La décennie 80 marque le début du déclin avec la dissolution de l'administration du corps des officiers des Haras puis, trente ans plus tard, la vente de ses derniers chevaux par le ministère de l'agriculture qui abandonne définitivement l'étalonnage au profit des élevages privés. Entretemps, le Pin s'est diversifié dans l'accueil de compétitions, de spectacles équestres et le tourisme.... avec un certain succès puisqu'il revendique quelque 50 000 visiteurs par an. N'empêche, les investissements s'y font de plus en plus rares. Si le domaine a encore belle allure, il ne faut pas y regarder de trop près. Insuffisamment entretenu, il accuse le poids des ans.

En 2013, sous la pression des collectivités qui veulent en faire une vitrine des Jeux Equestres Mondiaux organisés en Normandie un an plus tard, le site sort du périmètre de l'Institut Français du cheval et de l'Equitation pour accéder au rang d'Etablissement public national.  Un statut de façade puisqu'il n'abrite, plus en réalité, que quelques activités de recherche et de sélection menées pour le compte de l'Etat. Pour autant, le ministère de l'agriculture n'en affirme pas moins vouloir chercher les moyens du rebond.

Début 2019, nouveau revers. Le Normand Stéphane Travert vient de quitter la rue Varenne. A la surprise générale, son successeur annonce vouloir se désengager complètement du haras du Pin et confie aux collectivités le soin de prendre la relève. Le coup de pied de l'âne pour les élus locaux qui hurlent au lâchage. « C'est scandaleux ! L'Etat avait promis de nous donner un coup de de main, et trois ans après, nous dit débrouillez vous » tonnera Hervé Morin, le président de la Région.

 Haras qui rit

Placés au pied du mur, Région et le Département se résolvent à échafauder, seuls, un projet de développement public/privé à double entrée -sportive et touristique- dont ils viennent de dévoiler les contours. Première ambition : faire du Pin un pôle international du cheval susceptible de recevoir des concours et compétitions de haut vol. Objectif : augmenter de 30 % le taux d'occupation des infrastructures sportives actuellement d'un peu plus de 150 jours par an.

Dans la région du cheval roi, pas question de jouer petit bras, expliquent les collectivités. Plus de quinze millions d'euros vont ainsi être injectés dans la création de 300 boxes « en dur », l'aménagement de quatre nouvelles carrières et la construction d'un bâtiment d'accueil pour les professionnels et les sponsors. En ligne de mire notamment, les JO de 2024 dont le haras pourrait devenir une base arrière.
« C'est la première fois, depuis très longtemps, que le site bénéficiera d'un tel volume d'investissement public» commente Sébastien Leroux, chef de projet, pour qui, c'est certain :  « les équipements sportifs conforteront la destination grâce au flux de visiteurs qu'ils vont susciter. Ils produiront un effet levier sur les autres équipements voués au tourisme».

 La conception des dits équipements a été confiée au cabinet Horwath HTL, une référence internationale dans le domaine de l'hôtellerie et du loisir. Le groupe a imaginé un vaste complexe de type resort à thème « où le cheval sera omniprésent » avec hôtel haut de gamme, piscine, hébergements nature (lodges, cabanes dans les arbres...), salles de congrès, de spectacles et d'exposition et bien entendu activités sportives et équestres. « C'est un magnifique projet à la hauteur du patrimoine incroyable que nous a laissé l'Histoire de France » vante Hervé Morin. Un message aux opérateurs et investisseurs qui seront approchés d'ici quelques mois, une fois le business plan consolidé.

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Commentaire 1
à écrit le 22/09/2020 à 13:15
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Nos dirigeants ne voient pas tout ce que ce type d'économie traditionnelle nous rapporte à long terme, non ils sont tous paramétrés par les marchés financiers, leurs pensées si on peut appeler ça comme ça ne peuvent pas voir plus loin que le bout de ...

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