Le quotidien Paris Normandie est à vendre

Rouen (76). Jamais la presse n’a été aussi consultée sur écran que pendant la crise du Covid. Dans le même temps, les recettes traditionnelles des journaux -la publicité en tête- s’effondrent tandis que la diffusion « papier » est à la peine. Le quotidien Paris Normandie est la première victime de ce paradoxal mais redoutable effet de ciseaux. Liquidé, il se cherche un repreneur. Qui s’alignera au départ ? Passage en revue des candidats putatifs.
(Crédits : DR)

Retour à la case tribunal pour l'un des plus anciens quotidiens régionaux de France. Encore convalescent au terme de deux redressements, en 2012 et 2017, Paris Normandie a été placé en liquidation, le 21 avril, par le tribunal de commerce de Rouen à la demande de son principal actionnaire, l'entrepreneur Jean-Louis Louvel, leader français de la palette bois. Egalement candidat à la mairie de Rouen où sa liste est arrivée en troisième position, le self made man explique n'avoir eu d'autre choix que de jeter l'éponge face à la flambée des pertes.

Le quotidien, en situation de monopole dans l'ex-Haute Normandie (Eure et Seine-Maritime) où il opère, devrait intéresser des acheteurs. « Maintenant que le journal est délesté de sa dette de 7 millions (héritage du précédent redressement ndlr) du fait de la liquidation, la mariée n'est pas si laide. Avec un projet éditorial robuste, cela pourrait même constituer une bonne affaire », plaide Thierry Delacourt, délégué SNJ et représentant du collège des journalistes devant le tribunal de commerce.

L'hypothèse des voisins

Au premier rang des repreneurs possibles, on trouve le belge Rossel. Propriétaire du Soir de Bruxelles et, en France, de la Voix du Nord et du Courrier Picard, il avait tenté, sans succès, de mettre la main sur le voisin normand en 2017. « Rossel n'a toujours pas digéré le fait que le tribunal lui ait préféré le projet d'un ancien lieutenant d'Hersant (Xavier Ellie ndlr) alors qu'il partait favori avec le soutien de la rédaction », relate un proche du groupe. Du côté du couchant, Ouest France, présent sur les deux versants du Mont Saint-Michel, pourrait aussi être tenté par l'aventure.

Problème, ces deux groupes de presse ne sont, eux-mêmes pas très vaillants, victimes comme Paris Normandie, de la chute de leurs ressources publicitaires. « Pour sécuriser l'opération, ils pourraient choisir de s'allier, ce qui ne serait pas incohérent. Depuis qu'ils sont partenaires au sein de 20 Minutes, il y a une grande porosité entre leurs directions », conjecture le sociologue des médias, Jean-Marie Charon.

L'universitaire avance une autre hypothèse, celle d'une reprise par Le Parisien détenu par LVMH : « Si j'était le locataire de la rue de Valois, je regarderais de ce côté là dans l'esprit du grand Paris jusqu'au Havre dont rêvait Nicolas Sarkozy».

Capton, le retour ?

Originaire de Trouville, le producteur Pierre Antoine Capton pourrait aussi faire son retour dans le jeu. Associé de Xavier Niel et de Mathieu Pigasse au sein du groupe Mediawan, le producteur, sollicité par Hervé Morin, avait fait une première proposition de rachat à Jean-Louis Louvel au moment où celui-ci cherchait à sortir du capital du journal pour ne pas plomber sa candidature aux municipales. L'entrepreneur avait finalement décliné l'offre moins généreuse qu'espérée mais il y a fort à parier que Pierre Antoine Capton opérera un come back à la faveur de cette nouvelle fenêtre de tir. « Son conseiller financier a repris contact, il y a peu », croit savoir Thierry Delacourt.

Un quatrième homme regarde le dossier avec attention : l'inventif Jacques Rosselin, co-fondateur de Courrier International. L'intéressé qui se présente comme « un ingénieur des médias » a réuni une petite équipe pour « tenter de monter un projet de reprise ». « Ce quotidien est chargé de symboles, il serait dommage qu'il disparaisse », explique t-il.

La crainte d'une casse sociale

Reste à voir quel périmètre d'activités, ces différents projets (s'ils se confirment) prendront en compte. Avec ou sans l'imprimerie ? Avec ou sans la régie publicitaire liquidée comme sa maison-mère ? Avec tout ou partie de la rédaction ? Autant de questions qui taraudent  les 250 salariés du groupe. A juste titre, souligne Jean-Marie Charon : « Reprendre un journal sans casse est hypothétique dans la situation économique actuelle qui laisse craindre une grande frilosité des annonceurs ».

Dans un courrier envoyé aux élus locaux et aux ministres ayant des attaches avec la Normandie (Edouard Philippe, Bruno Le Maire et Sébastien Lecornu), les représentants du personnel en appellent à la mobilisation des pouvoirs publics et réclament un soutien financier de l'Etat pour accompagner le futur repreneur. Ils devraient être fixés rapidement sur leur sort. Le tribunal, qui a accordé un sursis de trois mois au journal, a fixé au 22 mai la date limite pour le dépôt des offres de reprise. Un délai très court.

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