La start-up nantaise Neosylva au chevet des arbres et des patrimoines des forestiers

SÉRIE D'ÉTÉ. ENQUÊTE SUR LA FILIÈRE BOIS DANS LES PAYS DE LA LOIRE (2/4) - Lancée en 2018 à Nantes, autour d’un modèle économique innovant pour aider les propriétaires forestiers à gérer un patrimoine souvent laissé à l’abandon et une planète malmenée par les émissions de carbone, la start-up Neosylva s’apprête à « exporter » son savoir-faire dans l’Est de la France. Une antenne ouvrira en septembre prochain à Epinal.
La start-up Neosylva développe un concept qui permet de dissocier le foncier et l’investissement dans la forêt, de manière à trouver des financiers qui investissent dans la forêt.
La start-up Neosylva développe un concept qui permet de dissocier le foncier et l’investissement dans la forêt, de manière à trouver des financiers qui investissent dans la forêt. (Crédits : Atlanbois)

« Notre raison d'être, c'est d'offrir un moyen nouveau pour mobiliser les familles propriétaires à réinvestir et à renouveler les parcelles en impasse de gestion », explique Jean-Guénolé Cornet, ingénieur forestier et économiste de formation, ex-directeur général de l'ONF International et, depuis 2017, fondateur et président de Neosylva, à Nantes. En impasse de gestion, c'est-à-dire « dans un tel état de mortalité, de vieillissement, de dégénérescence suite à des tempêtes, des maladies ... que vous ne pouvez pas espérer repartir de l'existant pour envisager un peuplement qui ait du sens », résume-t-il. « La France compte 16 millions d'hectares de forêt contre 11 millions d'hectares en Allemagne. Or, ils génèrent 1,5 million d'emplois contre 450.000 en France », constate Jean-Guénolé Cornet, pour qui cette situation est en grande partie due à la complexité du massif forestier français, très divers et morcelé entre plus de 3 millions de propriétaires privés, « mais aussi au manque d'investissement en forêt ».

Un territoire morcelé aux mains de propriétaires forestiers privés

Dans la seule région des Pays de la Loire, les propriétaires privés détiennent 92% de la forêt ligérienne contre 75% au plan national. Parmi eux, 1% (1.700 propriétaires) détiennent 44%, 2% disposent de parcelles de 10 à 25 hectares, 5% de 4 à10 hectares, tandis qu'un bataillon de 132.000 propriétaires forestiers (92%) se partagent 28% des surfaces, souvent héritées de génération en génération, et peu souvent entretenues. « Or, le déficit d'investissement et de gestion limite la capacité des forêts à stocker du carbone atmosphérique et à lutter contre le changement climatique, et il met en péril notre patrimoine forestier qui ne sera plus adapté au climat dès 2050 », prévient le président de Neosylva, dont le modèle économique vise les petites forêts de 15 à 20 hectares. « On intervient en général sur 7 à 8 hectares. Il arrive que des parcelles nécessitent des travaux de reboisement importants , d'autres, en revanche, souvent adjacentes, peuvent être améliorables « à couvert continu », autrement dit, gérées sans coupe et sans reboisement...», explique-t-il. Seules des coupes d'éclaircies ou sanitaires seront réalisées pour « remettre en œuvre une dynamique naturelle, accompagnée par la main de l'homme, sans passer par la case investissement », précise l'expert.

Un investissement à très long terme

Dès lors que des travaux plus importants sont nécessaires, Neosylva mobilise des experts forestiers pour réaliser un devis, avant signature d'un contrat de 50 ans ou plus entre le propriétaire, qui conserve le foncier, les éventuels droits de chasse, etc. et Neoslyva. Celui-ci détaille la définition du projet, la récolte du peuplement existant (dont la vente revient à 100% au propriétaire), l'établissement d'un plan de plantation, d'entretien et de gestion, le contrat s'achève par la coupe des bois mûrs dont les recettes sont partagées à 50/50 entre le propriétaire et Neosylva. « Un peuplier, c'est une vingtaine d'années, un résineux 40 à 70 ans, un chêne 150 ans voire plus... », rappelle Jean-Guenolé Cornet. A l'exception de quelques coupes intermédiaires qui permettront d'autofinancer des travaux d'entretien, le retour sur l'investissement est à prévoir pour les génération futures... « Ce qui est intéressant chez Neosylva, c'est la dissociation du foncier et de l'investissement dans la forêt, de manière à trouver des financiers qui investissent dans la forêt », observe Nicolas Visier, délégué général de Fibois pays de la Loire.

Un modèle économique complexe

«C'est un modèle économique compliqué à mettre en œuvre où l'on demande à l'investisseur d'attendre cinquante ans avant d'espérer un retour sur investissement. Notre métier, c'est de mobiliser les acteurs de la filière et de générer des économies d'échelle que le propriétaire lambda ne pourra pas avoir », reconnait le fondateur de Neosylva. Les négociations peuvent durer un à deux ans. «On garantit l'investissement et l'assurance d'une gestion programmée dans le temps », assure le président de Neosylva qui, en octobre 2020, a réussi à lever deux millions d'euros auprès de la Banque des Territoires et du fonds d'investissements Everwood, spécialisé dans les actions liées à la transition énergétique.

Financés par Neosylva, les travaux de reboisement ou d'enrichissement représentent en moyenne 4.000 à 6.000 euros l'hectare. Pour le propriétaire forestier, la facture s'élève, elle, une fois pour toutes, à un unique forfait de 0 à 3.000 euros. En général, la moitié du montant du reboisement.

D'Ouest en Est

Depuis 2018, Neosylva a ainsi convaincu une vingtaine de propriétaires de l'Ouest. Dont un sur trois serait venu par le bouche à oreille. « Nous atteindrons 200 hectares cette année, 300 l'an prochain et 1.000 hectares d'ici trois ans », prévoit son président. Deux tiers des surfaces ont été reboisés et un tiers enrichi. L'ambition de Neosylva est de mailler tout le territoire français dont le potentiel est estimé à plus de 100.000 hectares. Avant d'en arriver là, la start-up va ouvrir une première antenne en septembre dans le Grand Est à Epinal. Et devrait signer son premier contrat dans le courant de l'été avec une coopérative locale. Ce qui devrait lui permettre de changer d'échelle, d'augmenter ses volumes et d'élargir ses zones d'intervention. En 2020, les interventions de Neosylva ont permis de créer six emplois, de remettre en gestion 330 hectares, de reboiser avec près de 125.000 plants... De quoi stocker 26.500 tonnes de C02, soit l'équivalent des émissions moyennes produites, chaque année, par plus de 2.200 Français!

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Commentaire 1
à écrit le 10/08/2021 à 13:37
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Impressionnant ! Maintenant que la forêt soit un bien immobilier comme un autre fait qu'il est impossible de génerer une gestion cohérente et pérenne de nos forêts avec tout ces héritages oubliés ou délaissés qui font le plaisir des cueilleurs de cha...

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