Lhyfe amorce le printemps de l’hydrogène dans les Pays de la Loire

ENQUÊTE SUR L'HYDROGÈNE (2/3). A Bouin, en Vendée, Lhyfe vient de poser la première pierre de son centre R&D et de production d’hydrogène vert. La start-up entend produire 300 kilos par jour dès le printemps prochain. Première concrétisation de la « Pays de La Loire Hydrogène Vallée » que la région tend à faire émerger.
Un tiers de l’équipe de R&D de Lhyfe est issu du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA)
Un tiers de l’équipe de R&D de Lhyfe est issu du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) (Crédits : DR)

Jusque-là plus connu pour ses parcs à huitres que pour sa production d'hydrogène, le polder de Bouin pourrait demain devenir l'épicentre de l'hydrogène vert français. Elus départementaux et régionaux et acteurs de la transition énergétique se sont pressés samedi 26 septembre à Bouin, sur le littoral vendéen, pour assister à la pose de la première pierre du futur centre de R&D production d'hydrogène vert imaginée par la jeune startup Lhyfe. Un geste symbolique qui matérialise, du même coup, le lancement de «La Pays de la Loire hydrogène Vallée » voulue par le conseil régional. Dans six mois, les 4.000 m² de Lhyfe produiront quelques 300 kilos d'hydrogène vert par jour. Une première en Europe.

« C'est vraiment la première fois en France et en Europe que des électrolyseurs vont être connectés aux productions d'énergie renouvelables intermittentes. C'est la particularité du site. On a conçu un process industriel où l'énergie peut être intermittente. On sait la prédire, gérer la fluctuation et le stock. Ce n'est pas sans poser de difficultés techniques, et c'est d'ailleurs pourquoi un tiers de l'équipe de R&D vient du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) », explique Matthieu Guesné, ex-directeur régional du CEA Tech Pays de la Loire, fondateur et Pdg de Lhyfe. Pour mener à bien ce process, la start-up a bouclé l'une des plus grosses levées de fonds (8,3 millions d'euros) en amorçage dans l'industrie en 2019 auprès de Noria, le Syndicat d'énergie de Vendée (SyDEV) et sa Sem Vendée Energie, Ovive (Groupe Les Saules) et les fonds Ouest Croissance et Océan Participations : 2,3 millions sont utilisés pour la construction du centre de R&D et de production. Plus de 5 millions d'euros seront consacrés à la recherche et au développement au cours des trois prochaines années, dont 50% est financé par BPIFrance dans la cadre du programme génération Deeptech.

Optimiser les rendements

« Ce qu'on doit faire maintenant, c'est améliorer l'efficacité et le rendement du système. Ou comment optimiser la quantité d'énergie pour produire non plus 300 kg mais une tonne jour », explique Matthieu Guesné, qui promet de produire un hydrogène vert, propre de A à Z, à 10 ou 12 euros le kilo, soit un tarif compétitif comparé à l'hydrogène, dit vert, sensiblement proposé au même tarif, mais produit avec de l'électricité issue du nucléaire. Le prix de l'hydrogène « gris », issu d'une production fossile, se situant, lui, plutôt autour de 18 euros le kilo dans la région nantaise. « Notre outil est calibré pour répondre à la demande du marché du grand Ouest, notamment pour approvisionner le bus à hydrogène mis en service au Mans, les stations-services en cours de déploiement dans la région, et des flottes d'utilitaires comme les bennes à ordures. Si besoin, il nous suffira d'ajouter des tranches à l'outil de production. Nous avons la possibilité de tripler notre capacité », précise Matthieu Guesné, qui compte produire 300 kilos d'hydrogène par jour dès mai 2021. Chaque station-service pourra servir de 700 à 1.000 voitures. Le plein d'un véhicule Toyota ou Hyundaï, c'est 5 ou 6,6 kilos, qui permettent de parcourir 700 kilomètres. « A titre de comparaison, le plus gros consommateur d'hydrogène serait Ariane Espace avec 150 tonnes par an », précise Matthieu Guesné. Reste à trouver des véhicules aujourd'hui commercialisés autour de 70.000 euros ! « Notre plus gros problème, c'est de trouver des consommateurs », admet Alain Leboeuf, actionnaire du projet, convaincu que rouler à électrique ou à l'hydrogène a du sens, notamment en milieu rural. C'est d'ailleurs, lui, persuadé que l'hydrogène, entièrement décarboné, sera l'énergie de l'avenir, qui met le pied à l'étrier de Lhyfe en 2016.

Des électrons d'origine et de l'oxygène pour respirer

A l'époque, lors de la présentation du premier plan de déploiement de l'hydrogène en France par Nicolas Hulot et Elisabeth Borne, Alain Leboeuf, député LR, ambassadeur de l'hydrogène au sein de l'association française pour l'hydrogène et la pile à combustible (Afhypac), qui cherchait à amortir son parc éolien autour d'un projet hydrogène, rencontre Matthieu Guesné. L'ingénieur cherchait les moyens de développer son projet. « Nous avons un parc éolien à Bouin, ce sera nulle part ailleurs !», acquiesce le député vendéen qui, sur ce territoire rural, milite pour les énergies vertes en local, l'électro-mobilité, les mobilités lourdes et l'économie circulaire. « Vendée Energie - la Sem du Sydev- a développé un parc éolien, a investi dans la méthanisation et mis à disposition de transporteurs du bio GNV. Et l'on vient d'inaugurer une quatrième station-service à Fontenay le Comte. L'objectif est de mailler le département avec huit stations. L'hydrogène s'inscrit dans cette logique », égrène Alain Lebœuf, président du Syndicat d'énergie de Vendée (Sydev), pionnier de la transition énergétique sur le territoire ligérien et président du consortium H2Ouest, l'un des deux projets phares dans la région.

Porté par le Sydev, le producteur local d'énergie renouvelable Vendée Energie et sa filiale Vendée Hydrogène, Le Mans Métropole, l'Automobile Club de l'Ouest (ACO) et Lhyfe, H2Ouest est l'un des dix projets retenus en janvier 2020 par l'Ademe dans le cadre de son appel à projets H2 - Mobilité /Ecosystème de mobilité hydrogène, et pouvant prétendre à une contractualisation dont les montants seront annoncés fin octobre. Un soutien conséquent... laisse d'ores et déjà entendre l'Agence de la transition écologique. « On va produire de l'hydrogène vert, non pas doté d'un certificat d'origine (NDLR : qui n'intègre pas le transport par des véhicules thermiques) mais directement connecté à l'électrolyseur. C'est complètement disruptif. Hier, on dégageait du CO2, néfaste pour la santé et la planète, cette fois, on va dégager des molécules d'oxygène dont on a besoin pour respirer !», s'enthousiasme Alain Leboeuf, qui met à disposition de Lhyfe trois des huit éoliennes du parc de Vendée Energie, libérées, depuis 2018, de l'obligation de revente de l'électricité sur le réseau public.

Une production reproductible à l'export

Avec un process plébiscité et une forte demande internationale, Lhyfe a conclu en avril dernier des accords-cadres avec le norvégien Nel, premier fournisseur mondial d'électrolyseurs Nel, pour déployer vingt électrolyseurs en France, et l'international, et le suisse ABB, numéro 1 des automatismes. «Le marché de l'hydrogène connait une telle accélération en Europe, que nous avons aujourd'hui 40 projets de développement en cours dont les deux tiers à l'export. Ce sera vraiment un copier/coller de ce que l'on fait en Vendée, avec des éoliennes terrestres. Mais on ne va pas planter des éoliennes terrestres partout... », souligne Matthieu Guesné qui réfléchit à la création de plateformes off-shore, situées à 50 km des côtes où les conditions de vent seront bien meilleures qu'à terre. Les prototypes sont en cours de réalisation. Pour le fondateur de Lhyfe, les premiers projets pourraient aboutir en 2024, probablement en Allemagne, où la start-up envisage la création d'une filiale, en Ecosse et au Pays-Bas. « Notre business modèle n'est pas de vendre de la technologie, mais de vendre de l'hydrogène. On investira demain comme co-exploitant dans des sites de productions en mer. Et nous sommes en train de nous gréer avec des partenaires financiers pour faire face à cette vague d'investissements, de l'ordre de quelques dizaines de millions d'euros. Il n'y a pas besoin d'être Total pour faire ça », assure Matthieu Guesné, satisfait que progressivement les planètes s'alignent. Jusqu'à ce qu'en mai prochain un véhicule propulsé par une pile à combustible transporte l'hydrogène vert de Lhyfe dans des stations-services siglés H2 dans les Pays de la Loire.

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Commentaires 3
à écrit le 06/10/2020 à 10:34
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CEA : Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, depuis Mr Fillon 1er ministre, c'est paru au JO. Souvenir, souvenir. :-)

à écrit le 06/10/2020 à 9:49
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whaou ils sont 15 sur la photo, ca fait 20 kgs/personne/jour c'est vendu combien hors taxes le kg? pour savoir si ca permet au moins de payer les salaires et les charges sociales......

le 06/10/2020 à 10:40
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ça se vend à la tonne (une mole H2 = 2grammes). :-) Si vous prenez le prix de l'éolienne, au large, les gros câbles qui transportent l'énergie électrique, hors de prix. Des gens ont calculé que remplacer tout le pétrole par H2 obligeait à doubler l...

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