Régionales : quelles sont les forces et faiblesses de l'économie des Pays de la Loire ?

ZOOM MACRO. Avec un afflux de 25.000 habitants par an, une indéniable dynamique démographique et l’un des taux de chômage les plus faibles de France, les Pays de la Loire cultivent une certaine qualité de vie. Avec le risque que les conséquences de la pandémie et les objectifs de développement durable n’obligent ce territoire atypique à rentrer dans le moule.
Du côté de la navale, les indicateurs sont plutôt dans le vert avec pour les Chantiers de l'Atlantique un carnet de commandes de dix paquebots et la construction du futur porte-avions français avec Naval Group, autre colosse régional qui investit et se structure pour absorber plus de dix millions d'heures de travail.
Du côté de la navale, les indicateurs sont plutôt dans le vert avec pour les Chantiers de l'Atlantique un carnet de commandes de dix paquebots et la construction du futur porte-avions français avec Naval Group, autre colosse régional qui investit et se structure pour absorber plus de dix millions d'heures de travail. (Crédits : Port de Nantes-Saint-Nazaire)

Consolidés autour de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire, de la Vendée, de la Mayenne et de la Sarthe, les Pays de la Loire sont l'une des rares régions françaises à ne pas à avoir fusionné à l'occasion de la réforme territoriale de 2015. Cela a-t-il constitué un avantage pour affronter la crise sanitaire ?

« En passant de la huitième région sur vingt-deux à la huitième sur treize, on est forcément dans le bas de la distribution en termes de taille. Est-ce pour autant un handicap ? Ce n'est pas sûr. Les acteurs économiques n'ont pas eu à polariser leurs énergies sur le regroupement et ont pu se concentrer sur le développement. Ce qui est important, c'est d'être performant dans les secteurs qui se portent bien et c'est plutôt le cas de l'économie des Pays de la Loire », observe Pascal Seguin, directeur régional de l'Insee Pays de la Loire où le taux de chômage, s'il a grimpé d'un point en raison de la crise sanitaire, reste l'un des plus bas de France 7,9%.

Si le nombre de licenciements économiques a bondi de +13,7% en 2020 (+0,7% en 2019), notamment au second semestre (+49,6%), les Pays de la Loire, première région française pour sa qualité de vie (sondage BVA Salesfore 2018), restent un territoire où il fait bon vivre. «Les querelles de chapelles n'existent pas entre les acteurs publics et économiques. Tous s'entendent bien et mettent leurs compétences au service du développement économique », s'accordent les différents acteurs. Un climat favorable aux affaires que la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) qualifie de « culture du partenariat exemplaire ».

Des ambitions démographiques revues à la baisse

« On a aussi moins de pauvres, moins de chômage qu'ailleurs... Une des forces de la région, c'est le bon niveau d'éducation des Ligériens. Les résultats au bac sont supérieurs à la moyenne nationale, la proportion des jeunes sans diplôme est plus faible qu'ailleurs. La région a su attirer de grandes écoles d'ingénieurs, et pas seulement à Nantes, et densifier son réseau et les interconnexions entre établissements », note Pascal Seguin. De fait, sur le volet social, outre un taux de pauvreté établi à 10,8% contre 14,6% au niveau national, l'écart entre les 10% les plus pauvres et 10% les plus riches, atteint 3,8% alors qu'il se situe à 4,5% au niveau national. « L'Ouest comprend plus de familles avec enfants que la moyenne nationale et moins de familles monoparentales, qui sont généralement les plus exposées», justifie-t-il.

En accueillant près de 25.000 personnes chaque année, le territoire est devenu la troisième région la plus jeune de France avec 25% de moins de vingt ans. Cela dit, les prévisions qui, en 2013, annonçaient l'arrivée de plus de 800.000 habitants à l'horizon 2050 vont devoir être sérieusement revues à la baisse. « On ne les aura pas ! Ce sera plutôt 400.000. On prévoyait d'atteindre, 4,5 millions d'habitants, ce sera plutôt 4 millions », tranche aujourd'hui le directeur régional de l'Insee. La faute à qui ?

Comme au niveau national, le taux de fécondité est orienté à la baisse. Il est tombé de 2% à 1,84%. Une tendance non négligeable d'autant que, dans le même temps, on assiste à une augmentation des décès dû au vieillissement de la population. Ce recul de l'espérance de vie serait directement imputable à la crise sanitaire. « A cela s'ajoutent des migrations résidentielles moins importantes même si les mouvements inter-régionaux sont encore difficilement mesurables. Dans un sens ou dans l'autre, la pandémie peut amener des changements de comportements, avec des citadins désireux de rejoindre le monde rural ou l'essor du télétravail dont il est un peu tôt pour en mesurer l'effet », observe-t-il. Si cette tendance se prolonge, les projections de populations seront tirées vers le bas. « Ce n'est pas une question d'attractivité. Jusqu'ici atypique en termes de démographie, la région rentre dans le moule, mais tous ces phénomènes auront un impact à moyen terme sur le développement économique de la région, sur l'habitat et la construction notamment», anticipe Pascal Seguin.

La question des transports

Avec près de 3,8 millions d'habitants recensés au 1er janvier 2018, la région représente 5,8% de la population métropolitaine. Avec d'importantes disparités d'un département à l'autre. « Non pas pour des questions d'équipements mais sur le dynamisme. Quand 20.000 nouveaux habitants arrivent, 16.000 s'installent en Loire-Atlantique, le reste en Vendée et Maine-et-Loire, très peu en Sarthe, voire pas du tout en Mayenne où c'est presque l'inverse. Les jeunes quittent le département pour aller étudier à Rennes, Angers ou Nantes et ne reviennent pas. Cela crée un déficit migratoire préjudiciable», constate Pascal Seguin, pour qui la question des transports est un des enjeux majeurs du développement économique de la région où 82% des déplacement (domicile-travail) ont lieu en voiture.

C'est d'ailleurs le premier poste de dépenses de la collectivité avec 390 millions alloués vers les mobilités, infrastructures et le transport en 2021 sur un total de 925 millions d'euros. « Si les territoires sont plutôt bien desservis par le réseau routier, il reste des axes structurants à développer, notamment pour poursuivre le désenclavement de la Mayenne. Si le TGV offre 20 allers-retours quotidiens entre Nantes et Paris, il a surtout bénéficié aux villes terminales Si l'on prend le cas de la Mayenne, au-delà de l'axe Le Mans-Laval-Rennes, il serait temps de finaliser l'axe vertical Laval-Château-Gontier-Angers pour mieux raccorder ce département à la région Pays de la Loire. »

Les impacts durables de la transition écologique

Mi-rurale mi-maritime, étendue sur 32.000 km² dont 400 km de littoral, la région des Pays de la Loire repose sur une économie diversifiée, dominée par l'agroalimentaire (avec 48.000 salariés et un chiffre d'affaires de 13,4 milliards), le tourisme (19 millions de visiteurs, 80 millions de nuitées), l'industrie aéronautique (23.400 emplois dont un quart chez Airbus), l'automobile, la navale, la plaisance et les services (l'intelligence artificielle, informatique, virtualisation...) qui ont notamment bénéficié de la digitalisation des métropoles, des labels French Tech et Tech in Fab dont la région a initié le lancement aux côtés de BPIFrance.

Du côté de la navale, les indicateurs sont plutôt dans le vert avec, pour les Chantiers de l'Atlantique, un carnet de commandes de dix paquebots et la construction du futur porte-avions français avec Naval Group, autre colosse régional qui investit et se structure pour absorber plus de dix millions d'heures de travail. Jusqu'ici sollicités à hauteur de 15% à 20%, les sous-traitants régionaux pourraient, à l'avenir, compter jusqu'à 30% à 35% de l'activité au moment du pic de production d'un programme considéré comme « le plus important des quinze ou vingt prochaines années » dans la région.

Mais la grande spécialité de ce territoire agricole, c'est l'agroalimentaire. « C'est un vrai point fort de la région et un secteur assez préservé de la concurrence internationale et des conséquences de de la pandémie. Il faut bien continuer à se nourrir...», relève Pascal Seguin. Reste que l'agroalimentaire, tout comme l'automobile et l'aéronautique, filière d'excellence régionale, ne sont pas à l'abri d'un retournement d'habitudes de consommation en pleine transition écologique.

circuits courts

« L'engouement pour les circuits courts, le consommer local, la consommation de produits végétaux au détriment de produits carnés peut avoir des conséquences si les industriels et les politiques ne les anticipent pas pour s'adapter à de nouveaux comportements. C'est vrai dans l'alimentaire, mais aussi dans l'aéronautique ou dans l'automobile. La conjugaison de la crise sanitaire et du développement durable risque d'avoir un impact durable sur ces filières », dit-il.

Et ce n'est sans doute pas un hasard, si le fabricant de produits traiteurs Sodebo annonçait récemment son intention de doubler la taille de son outil de production, et son voisin, Fleury Michon, veut investir 120 millions d'euros au cours des cinq prochaines années pour aller vers des recettes plus naturelles, moderniser ses process et innover en R&D pour trouver des alternatives aux plastiques pour ses contenants. Pour le directeur régional de l'Insee, l'un des enjeux de la région sera d'accompagner les entrepreneurs et les filières sur les voies du développement durable dans une région où la qualité de l'eau et l'artificialisation des terres sont préoccupantes. « Aujourd'hui, seules 13% des eaux apparaissent de qualité satisfaisante. Entre l'essor démographique, le développement des grandes surfaces commerciales et la croissance des logements, l'emprise agricole s'accélère, et progresse plus vite que l'augmentation de la population. Donc là, cela suppose aussi un ajustement dans les politiques publiques pour être en conformité avec les objectifs de développement durable», rappelle Pascal Seguin

Port et aéroport : des enjeux de destination

Côté tourisme, fortement touché par la crise sanitaire mais dépourvu de défaillances structurelles lourdes, le secteur devrait progressivement se relever. Parmi les autres points faibles relevés par l'Insee viennent la recherche, 0,9% du PIB contre 3% au niveau national, et l'insuffisance d'autonomie énergétique de la région. Un point en partie compensé par le développement des Energie Marines Renouvelables, « qui devra être conforté. On voit que l'énergie est appelée à avoir une part de plus en plus importante dans l'économie et il était temps que la région investisse sur ce sujet», estime Pascal Seguin, rappelant le rôle essentiel du Grand Port de Nantes-Saint-Nazaire, quatrième port maritime français, encore très dépendant des énergies fossiles. « Formidable outil pour le développement de l'import et de l'export, il devra s'ouvrir à d'autres destinations », juge l'expert. Et verdir ses activités. Si l'abandon de l'aéroport de Notre Dame des Landes a impacté les schémas de développement d'infrastructures régionales, le trafic aérien, si l'on fait exception de la crise sanitaire où le trafic a été divisé par trois en 2020, n'aurait subi aucune perturbation. Avec 7,2 millions de voyageurs, il affichait une croissance de 16,2% en 2019. « Même les scénarios les plus optimistes n'envisageaient pas une telle fréquentation portée par la multiplication des compagnies low-cost », souligne-t-il.

Cela a profité au tourisme, certes, mais surtout aux entreprises qui ont pu multiplier les contacts avec les capitales européennes. « Maintenant, il faudra voir, dans la durée, l'acceptabilité des nuisances par les riverains de Nantes-Atlantique », observe Pascal Seguin. Et pas seulement les riverains, car les Nantais risquent d'être bientôt survolés par des avions « dont les couloirs aériens ont été déviés au-dessus du centre-ville », dénonce le Coceta, le collectif de citoyens exposés au trafic aérien, qui vient, en ce sens, de tracer une ligne rouge sur les trottoirs nantais. Un autre enjeu.

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