« Approcher la “smart city” sous le seul angle de la techno est un leurre »

Aadel Benyoussef, patron de la filiale française établie à Bordeaux du groupe américain spécialiste de l’innovation technologique informatique à destination des entreprises et des collectivités, expose sa vision de la ville intelligente.
Aadel Benyoussef, directeur d’Excelerate Systems France

LA TRIBUNE - Selon vous, le concept de ville intelligente est trop souvent préempté par les technophiles...

Aadel Benyoussef - Ce que je constate effectivement dans beaucoup de discours, c'est que la réponse aux problématiques qui est avancée est quasiment toujours de nature technologique. On pense qu'en multipliant les capteurs, les réseaux intelligents ou smartgrids, nos problèmes se régleront. En oubliant au passage d'écouter le besoin exprimé par l'usager ou le citoyen. Excelerate Systems dispose d'une très forte expertise en matière de traitement de données. Nous vivons l'émergence des mégadonnées, un phénomène majeur, et portons donc un regard différent sur la smart city.

Un exemple ?

Il concerne la problématique des transports. Aujourd'hui, les mesures de trafic entre un point A et un point B se font grâce à des capteurs qui mesurent le nombre de voitures parcourant ce tronçon. En y ajoutant des applications de mégadonnées, nous pourrions mesurer le nombre de personnes se trouvant à bord des véhicules en suivant le déplacement de leur smartphone, ce qui est une donnée très pertinente quand on cherche à déterminer des flux de transport.

Comment imaginez-vous alors cette ville intelligente ?

Commençons par rappeler que ce terme est en lui-même idiot. Une ville n'est pas intelligente : la seule intelligence qui vaille, c'est celle des individus qui l'habitent. C'est justement ce qui nous intéresse : placer l'humain, le citoyen, au cœur de la ville intelligente. Depuis Bordeaux, Excelerate Sytems France travaille sur plusieurs projets en cours. Le premier s'appelle Green Line et consiste en une plateforme multimodale. Le deuxième vise au développement de mécanismes d'écoute des réseaux sociaux, des blogs, des commentaires sur les sites d'information en ligne, afin de faire émerger des problématiques utiles aux collectivités territoriales.

Ces dernières, en disposant de tableaux de bord « d'analyse de sentiments », disposeront d'éléments pour adapter les services qu'elles apportent aux citoyens. En sachant par exemple où les étudiants comptent sortir massivement le jeudi soir, une municipalité peut ainsi organiser un dispositif de sécurité pour protéger les fêtards, rassurer les riverains, prévoir le ramassage des détritus en fin de nuit...

Au-delà de ces mécanismes passifs d'écoute, ne faut-il pas encourager la participation active des habitants ?

C'est effectivement un enjeu majeur. On le voit avec les applications qui permettent de faire remonter les informations aux mairies. Malgré le déluge de messages demandant de réparer ceci ou cela, il convient d'apporter systématiquement une réponse personnalisée afin que le citoyen se sente impliqué dans la ville. En somme, il faut le considérer comme un client, avec un premier message le remerciant de son signalement et lui précisant à quelle date l'intervention municipale est programmée ; et un second message quand elle est achevée, etc.

La gestion de l'énergie fait, elle aussi, partie de vos défis ?

En réponse à un appel d'offres du conseil régional d'Aquitaine, nous avons travaillé sur l'efficacité énergétique du bâti. Nous nous inspirons de certains dispositifs simples impliquant les citoyens qui ont permis à des villes de la taille de Bordeaux d'économiser environ 340 millions de dollars par an sur leur facture énergétique. Nous savons tous très bien que personne ne touche jamais à son thermostat, même quand nous quittons notre habitation ou notre bureau.

Il s'agit simplement d'envoyer un message aux personnes qui ont adhéré au dispositif, par SMS ou par email, les incitant à diminuer la température d'un, deux ou trois degrés en cas de pic de chaleur. En fin de semaine, donc très rapidement après ce geste, l'utilisateur reçoit un second message lui notifiant l'économie réalisée sur sa facture. La smart city ne fonctionnera qu'à deux conditions. D'une part, l'économie devra être le maître mot, les solutions devront prouver qu'elles font économiser de l'argent. D'autre part, les citoyens, les fournisseurs de service et les régulateurs devront collaborer de manière active. Sinon, la relation se fera toujours au détriment de l'une de ces trois parties.

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smart city bdx
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Commentaires 2
à écrit le 07/04/2015 à 22:46
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l'innovation dans la multitude de connections que nous pouvons entrevoir , peut également se produire sous forme du paradigme de l'éducation citoyenne, et civique. Elle peut ainsi contribuer à faire prendre conscience de la notion de collectivisme et...

à écrit le 03/04/2015 à 20:59
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Cette "tribune" ressemble à un commentaire de blog. Allez voir celui du RER A et vous en aurez mille des propositions comme celles-là avec justement le cas évoqué ci-dessus traité par la SNCF et ses clients... http://malignea.transilien.com/2014/1...

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