Pollution autour des écoles : haro sur le diesel

Par Dominique Pialot  |   |  1302  mots
Les petits franciliens et marseillais victimes de la pollution autour de leurs écoles.
Plusieurs ONG publient des résultats inquiétants portant sur l’exposition des écoles à la pollution, en Ile-de-France et à Marseille, et préconisent des mesures portant en priorité sur la circulation automobile.

C'est une coïncidence qui ne doit probablement rien au hasard. Ce jeudi 28 mars, les ONG Respire, à Paris, et Greenpeace France, à Marseille, frappent un grand coup pour dénoncer les ravages de la circulation automobile sur les petits Français. En effet, les cartes interactives qu'ils publient, en partenariat avec les établissements chargés de la qualité de l'air, ont vocation à faire froid dans le dos de nombreux parents.

La première, qui résulte d'une démarche en open data analysant plus de 100 millions de données fournies par Airparif de 2012 jusqu'à 2017, porte sur l'exposition de tous les établissements scolaires d'Ile-de-France (crèches, écoles, collèges et lycées) aux principaux polluants de l'air.

26% des écoles parisiennes au-dessus des normes légales

Bilan : Sur les 12.520 établissements scolaires d'Ile-de-France, 682 sont exposés à des concentrations de dioxyde d'azote (NO2) dépassant les normes légales (soit 40µg/m3), dont 548 à Paris (soit 26% des établissements étudiés), 125 en petite couronne et 9 en grande couronne. Suivant les normes européennes, aucun établissement ne dépasse les normes légales pour les PM2.5 (25 µg/m3) et seulement un établissement pour les PM10 (40 µg/m3).

Mais ces résultats sont nettement moins rassurants au regard des normes OMS : 10.620 établissements dépassent alors les seuils PM2.5 (10 µg/m3) et 4.093 établissements les seuils PM10 (20µ/m3). C'est pourquoi les organisations à l'origine de ces publications plaident pour l'utilisation des normes OMS. Selon Santé Publique France, la pollution de l'air cause 6.500 décès prématurés par an à l'échelle du Grand Paris.

Un quart des établissements marseillais pollués au dioxyde d'azote

Autre carte interactive, publiée cette fois par Greenpeace France et AtmoSud, (l'association agréée par le ministère en charge de l'Environnement pour la Surveillance de la Qualité de l'Air de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur) sur Marseille et ses communes périphériques. Leur analyse cartographique montre que 58 % des écoles et crèches se situent à moins de 200 mètres d'une zone où la pollution de l'air au dioxyde d'azote dépasse le niveau légal.

Cette proportion concerne 22 % des établissements où ce niveau est dépassé à moins de 50 mètres. Au niveau du territoire de Marseille Provence, le trafic routier, notamment les véhicules roulant au diesel, est le premier secteur émetteur d'oxydes d'azote. Si ces études ont des chances de particulièrement marquer les esprits, car il s'agit d'enfants, l'impact de la pollution est bien sûr plus large. Ainsi, selon Airparif, 1,3 million de Franciliens étaient exposés en 2017 à des dépassements des seuils réglementaires de NO2, soit environ 10 % de la population de la Région.

Toujours selon Airparif, en 2017, ce sont 10 millions de personnes (85 % des Franciliens) qui sont concernés par un dépassement de la recommandation OMS en PM 2.5. Selon une étude de Santé Publique France publiée en 2016, le respect de ces seuils OMS permettrait d'éviter 17.700 décès prématurés par an en France.

Déjà des progrès à Paris, d'autres restrictions à venir

Tout en se réjouissant d'une part des établissements exposés à des dépassements des seuils de pollution dans Paris intra-muros, passée de 66 % à 26 % depuis 2014 (entrée en piste de l'équipe municipale actuelle), et donc de l'efficacité des mesures prises ces dernières années, la maire de Paris reconnaît que beaucoup reste à faire.

« Cette étude est salutaire : nous devons une information transparente aux citoyens sur la pollution de l'air. Nous adhérons à l'ensemble des recommandations de l'association Respire, dont plusieurs sont déjà en vigueur à Paris, comme la création de zones 30km/h ou l'interdiction de stationnement près des écoles », a ainsi souligné Anne Hidalgo.

Le Conseil de la métropole Aix-Marseille-Provence a annoncé le report du vote de son Plan climat énergie territorial, initialement prévu ce 28 mars. Greenpeace France estime que « cela laisse donc un peu plus de temps aux élus métropolitains pour revoir leur copie en incluant des mesures efficaces de lutte contre la pollution de l'air. »

Les émissions de NO2 sont essentiellement produites par les transports et plus particulièrement par les véhicules diesel, dont les chercheurs de l'ICCT (ONG à l'origine des révélations sur le dieselgate), ont montré en février dernier qu'il était responsable de 71% de l'impact sanitaire lié aux transports en région parisienne (soit 1 100 décès prématurés) en 2015.

Extension des zones à faibles émissions

Devant ce constat, Respire et ses partenaires (la Fédération des parents d'élèves de Paris, WWF France et le Réseau Action Climat) élaborent les recommandations à mettre en place par les élus locaux et nationaux pour diminuer à la source la pollution de l'air causée par les transports. Ils incitent en particulier les mairies de la proche couronne à intensifier leur action en faveur des mobilités douces.

Ils prônent l'instauration d'une ZBE (zone à faibles émissions) ambitieuse à l'intérieur de l'A86, susceptible (selon une étude d'Airparif datant de mars 2018), de diviser par dix le nombre d'habitants de l'Ile-de-France exposés à des niveaux de pollution supérieurs aux seuils légaux et de réduire de 95% la part d'établissements recevant du public dit « sensible » (crèches, écoles ou hôpitaux) soumis à des dépassements de NO2. Il faudrait pour cela exclure jusqu'aux véhicules Crit'Air 3 (diesels en circulation avant 2010 et essences immatriculés avant 2006)

Pour l'heure, les restrictions de circulation dans Paris doivent à partir du 1er juillet 2019 être étendues aux véhicules portant une vignettes Crit'air 4 (deux-roues à moteur en circulation avant le 1er juillet 2004, voitures diesel en circulation avant le 1er janvier 2006, véhicules utilitaires légers diesel en circulation avant le 1er janvier 2006 et poids lourds diesel en circulation avant le 1er octobre 2009).

A cette même date, la Métropole du Grand Paris instaurera une « zone à faibles émissions » à l'échelle de toute l'agglomération parisienne où sera interdite la circulation des véhicules Crit'air 5 (diesels immatriculés avant 2001 et interdits dans la capitale depuis 2017). Parmi les autres pistes : la création sur les autoroutes urbaines (périphérique, A1, A3, A6...) d'une « voie verte » réservée au covoiturage, transports en commun et véhicules électriques et hybrides.

Bientôt des mesures dans les cours et dans les salles de classes

Plus localement, les ONG préconisent des actions spécifiques aux différents enjeux des communes franciliennes, telles que la restriction de la circulation automobile autour des établissements scolaires, des méthodes alternatives de dépose des enfants (type Pedibus), une modernisation de la flotte d'autobus circulant à proximité des écoles, etc. A Paris, Anne Hidalgo s'engage à lancer une campagne de mesures dans les crèches, les écoles et les collèges parisiens à partir de la rentrée 2019.

« Il s'agira de compléter les données de l'association Respire, qui portent sur le devant des établissements, par des données directement collectées dans les cours. Nous les communiquerons chaque année aux parents et, si les seuils sont dépassés, nous déciderons tous ensemble des mesures locales à mettre en oeuvre », explique la Maire de Paris. Les ONG plaident par ailleurs pour des mesures de la pollution à l'intérieur même des salles de classe, comme le prévoit la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II), modifiée depuis, portant sur certains établissements recevant du public (ERP), dont les crèches et les écoles.

D'autres recommandations émises par les ONG enfin concernent la loi LOM (Loi d'orientation des Mobilités) : soutien à la mise en place de ZFE ambitieuses ; prime à la conversion de véhicules vers des véhicules plus propres et d'autres formes de mobilité, et destinée aux ménages les plus vulnérables ; forfait mobilité durable pour encourager le covoiturage et le vélo et inscription dans la loi de la fin de vente de voitures neuves diesel et essence.