Pourquoi Vivendi devrait choisir Numericable pour le rachat de SFR

Par Delphine Cuny  |   |  795  mots
Jean-René Fourtou, le président du conseil de surveillance de Vivendi, penchait depuis le début pour un accord avec Numericable.
Le conseil de surveillance se réunit en ce moment même pour sceller le sort de sa filiale télécoms, convoitée par le groupe Bouygues et la maison-mère du câblo-opérateur. Plus de cash et l’apparente simplicité administrative auraient fait pencher la balance en faveur de Numericable.

La décision du conseil de surveillance de Vivendi n'est pas encore officielle, il se réunit en ce moment même, à partir de 11 heures, au siège de l'avenue de Friedland, mais le camp de Bouygues s'est déjà fait une raison : le groupe de BTP a sans doute perdu sa bataille pour emporter SFR face à Numericable. Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, lui-même a indiqué qu'à sa connaissance « les dirigeants de Vivendi ont décidé coûte que coûte de vendre SFR à Numericable » ce vendredi matin sur Europe 1. Selon nos informations, le ministre a reçu hier soir à Bercy Jean-René Fourtou, le président du conseil de surveillance de Vivendi, et Alexandre de Juniac, le patron d'Air France KLM qui est aussi membre du conseil de Vivendi, et leur aurait exprimé sa désapprobation. « Le ministre est très remonté » glisse un proche du dossier. Mais la décision était semble-t-il sans appel et le conseil de Vivendi, entreprise privée, demeure souverain.

La somme en cash a primé la valeur future

Le comité ad hoc, composé de trois administrateurs indépendants, Henri Lachmann (Schneider), Alexandre de Juniac et Daniel Camus (The Global Fund), ainsi que de la représentante des actionnaires salariés, aurait pris parti pour Numericable hier, selon une source bien informée. Plusieurs motifs ont été avancés : primo, Altice, le premier actionnaire du câblo, a proposé « plus de cash », même si l'écart n'est pas très important, à savoir 11,75 milliards d'euros contre 11,3 milliards, ce qui en fait le mieux disant financier. « Le cash est un élément plus important que la valorisation totale car celle-ci dépendant tellement des synergies et de la valeur future de l'entité fusionnée » analyse un proche du dossier.

Financement et simplicité administrative

Secundo, le financement de l'offre d'Altice serait perçu comme « plus solide », car huit banques françaises et internationales sont prêtes à garantir la dette levée (8 milliards d'euros) dans le cadre de l'opération, contre une seule, HSBC, côté Bouygues. Un argument qui fait bondir dans le camp du groupe de BTP.

Tertio, la fusion de SFR et de Numericable poserait « moins de difficultés administratives », selon cette source bien informée, autrement dit obtiendrait plus facilement un feu vert de l'Autorité de la Concurrence. Pourtant, Bouygues avait frappé un grand coup en signant un accord avec son pire ennemi, Free, pour lui céder à prix bradé (1,8 milliard d'euros) le réseau mobile de Bouygues Telecom et une grande partie de ses fréquences, un « remède » de nature à « favoriser un examen peut-être plus rapide et en tout cas plus simple du dossier » selon Bruno Lasserre, le président du gendarme de la concurrence lui-même. Les déçus, à savoir Bouygues et Free, ne devraient cependant pas manquer de mettre des bâtons dans les roues du projet et demander au gendarme de nombreuses restrictions au projet de mariage SFR-Numericable, notamment sur les accords privilégiés du câblo avec les chaînes de Canal Plus (groupe Vivendi). Voire sur une régulation des tarifs de gros du réseau câblé pour les autres fournisseurs d'accès. 

Avantage Numericable depuis le début

« Depuis le début, Jean-René Fourtou est prêt à signer avec Patrick Drahi [le premier actionnaire d'Altice donc de Numericable NDLR] pare qu'il est convaincu qu'il n'y a aucun risque réglementaire » confie une source proche du conseil. « C'est une offre qui a peut-être moins de vertus mais pose moins de problème ! » résume-t-elle. Difficile pour les autres membres du conseil de s'opposer à celui qui les a fait nommer et est perçu comme le vrai président exécutif depuis le départ de Jean-Bernard Lévy de la présidence du directoire. «L'objectif de Fourtou est d'avoir soldé le plus de dossiers d'ici à l'assemblée générale de juin prochain » souligne cette source : or le président du conseil peut se targuer d'avoir déjà conclu la vente d'Activision Blizzard, pour 8,2 milliards de dollars (il lui reste 12%) en octobre et celle de Maroc Télécom, à Etisalat pour 4,2 milliards d'euros en novembre. Et sous peu le dossier SFR. Il aura en tout cas bien su faire monter les enchères. Petite consolation pour Bouygues, il semble que son offre ait reçu une meilleure note sur le plan du projet industriel…

« On n'est pas à l'abri d'un ultime rebondissement » observe un proche des discussions, sans trop y croire. Ce vendredi matin, les investisseurs ont déjà anticipé la décision du conseil : l'action Numericable rebondit de 3,8% en Bourse et celle de Bouygues recule de 3,2%. La plus forte baisse revient à Iliad la maison-mère de Free qui chute de 5,3%. Vivendi est quasi stable (-0.38%).