« Quel sera l’avenir de Free et Bouygues s’ils ne fusionnent pas ? » (Montebourg)

Par Delphine Cuny  |   |  926  mots
« Notre politique de retour à trois opérateurs reste d'autant plus d'actualité. Nous allons y travailler activement » a déclaré Arnaud Montebourg.
Auditionné devant la commission des finances de l’Assemblée, le ministre de l’Economie a prévenu qu’il travaillerait activement à sa « politique de retour à trois opérateurs » après le rachat de SFR par Numericable. Il a justifié son intervention en faveur de Bouygues qui a permis des avancées dans l'offre de Numericable selon lui.

Convoqué par les députés qui réclamaient des explications sur ses prises de position très marquées en faveur de Bouygues dans la bataille pour emporter SFR, gagnée par Numericable, Arnaud Montebourg, le ministre de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique, s'est longuement justifié mercredi soir lors d'une audition devant la commission des affaires économiques et celle des finances. Moins virulent qu'auparavant contre Numericable et Patrick Drahi, son principal actionnaire, plus mesuré contre Xavier Niel, le fondateur de Free, mais toujours aussi critique contre le régulateur des télécoms, l'Arcep, il a défendu la légitimité de ses propos par le contexte : « une situation de guerre excessive des prix qui engageait une sorte de spirale déflationniste dans le secteur, qui fragilisait les trois opérateurs « historiques » importants et nous empêchait d'imaginer que le pays pouvait s'appuyer sur la force de ces opérateurs pour équiper le pays » dans le cadre du plan France Très haut débit.

 

« Interrogez M. Bouygues, SFR ou même France Telecom, ils ont du mal à suivre, ils tirent la langue pour commencer à équiper le pays » en fibre optique et « si ce ne sont pas les opérateurs, ce sont les contribuables qui paieront la fin de la fracture numérique » a-t-il prévenu.

 

« Il faut reconcentrer le secteur mobile »

Evoquant le paysage « balkanisé » des télécoms en Europe et le risque de devenir « une colonie numérique des Etats-Unis », il a plaidé « voilà pourquoi le gouvernement a dit, de façon décomplexée, il faut consolider, reconcentrer le secteur » Fin janvier, le ministre n'avait pas hésité à déclarer, aux vœux de la Fédération française des télécoms, que son rôle était d'« organiser les ententes », prenant l'exemple de l'accord de partage de réseaux mobiles signé entre SFR et Bouygues Telecom. « Or dans cette affaire [SFR Numericable], ce n'est pas ce à quoi on aboutit » a déploré hier le ministre.

 

« Il reste deux petits opérateurs, Free et Bouygues, dont on peut se demander, pour l'un et pour l'autre, ce que sera leur avenir s'ils ne fusionnent pas, ce qui ne semble pas pour l'instant d'actualité, même si cela peut peut-être évoluer » a-t-il ajouté. « Notre politique de retour à trois opérateurs reste d'autant plus d'actualité », après la décision de Vivendi de vendre SFR au câblo-opérateur, et « nous allons y travailler activement » a-t-il prévenu.

 

Renforcer les opérateurs, y compris Free, pour déployer la fibre

Arnaud Montebourg a d'ailleurs pris soin de ne pas accabler Free, ouvrant son discours sur « l'arrivée d'un quatrième opérateur qui, il faut le saluer, a eu le mérite de mettre fin à des situations de rente qui se prolongeaient après une condamnation pour des faits d'entente qui remontaient à dix ans. » Il a répété que « Free n'est pas responsable » notamment du « désordre » subi par les sous-traitants, « mais plutôt ceux qui ont permis que Free arrivât », comprendre le gouvernement Fillon et l'Arcep. « Nous avons défini nos priorités : renforcer les opérateurs plutôt que les affaiblir, y compris les nouveaux arrivants » et ce pour leur demander d'investir dans la fibre. Or « nous souhaitons la fibre. Le câble, c'était il y a quinze ans mais la fibre c'est pour quarante ou cinquante ans maintenant ! »

Martin Bouygues s'était engagé à investir, dans un courrier, 400 millions d'euros par an dans la fibre optique, a fait valoir le ministre. Des engagements récents puisque jusqu'ici Bouygues Telecom n'avait guère investi dans le domaine, sinon en co-investissement avec SFR dans certaines grandes villes. Et l'engagement de Numericable d'investir 50 millions d'euros par an dans les réseaux d'initiative publique des collectivités « ne correspondent pas tout à fait aux engagements initiaux  de SFR » a regretté le ministre qui exercera « une amicale vigilance » pour les améliorer.

 

Fiscalité et siège social

Car Arnaud Montebourg a défendu l'utilité de sa démarche dans le dossier. « S'il n'y avait pas eu d'intervention du gouvernement, on n'aurait parlé que de gros sous et pas de fibre ou d'emploi, qui est souvent la variable d'ajustement » a relevé le ministre, qui sera attentif au maintien des effectifs promis par le repreneur. « Gouverner c'est choisir. Bien sûr ce n'est pas nous qui décidons », dans une affaire privée, mais le conseil de surveillance de Vivendi. Ceci dit, « un gouvernement qui a charge d'âmes, d'avenir, d'investissement, de protection de l'emploi industriel est parfaitement légitime à exprimer sa préférence. » Convaincu que « l'intérêt public allait plutôt vers Bouygues », il a cependant souligné qu'il n'avait « pas d'actions Bouygues ! Mon patrimoine est transparent ! »

Sur le fond, il a répété que « l'offre de Bouygues était plus solide financièrement. Dans les sinistres industriels j'ai ramassé beaucoup de LBO qui ont mal tourné » a-t-il fait valoir pour expliquer sa réticence sur la candidature d'Altice. En outre, « Bouygues avait pris des engagements d'investissement et d'emploi. Nous allons faire en sorte que la proposition de Numericable s'approche de celle de Bouygues » en la matière. Il estime avoir obtenu des avancées, notamment l'engagement de double cotation d'Altice à Paris en plus d'Amsterdam ainsi que l'absence de contrat de « management fees » à la charge de SFR qui entraînerait « un transfert de profit taxable, une fuite de valeur vers des centres de basse pression fiscale », Altice étant une société de droit luxembourgeois.

> revoir l'audition d'Arnaud Montebourg