Locomotive de la French Tech, Paris cherche sa voie

Par Perrine Créquy  |   |  973  mots
Ce n'est pas avant la fin 2016 qu'ouvrira le futur lieu totem parisien et national de la French Tech, la Halle Freyssinet, ancien bâtiment ferroviaire en cours de rénovation situé dans le 13e arrondissement de Paris.
L'écosystème francilien est chargé d'animer le réseau national. Une mission périlleuse qui doit démarrer sans attendre l'ouverture de la Halle Freyssinet, prévue pour 2016.

Pour Paris, le label « French Tech » était considéré comme acquis d'avance. Au point que la capitale, réticente au départ face à cette initiative régionale, n'a pas fait acte de candidature. Et pour cause. Paris et sa couronne voient fleurir les initiatives pour accompagner la création de start-up depuis quinze ans. Publiques ou privées, elles ont fait émerger des incubateurs, des accélérateurs, des espaces de travail collaboratif, des pépinières d'entreprises, et une kyrielle d'événements pour rassembler les entrepreneurs et favoriser l'échange d'expériences.

Parmi ces rendez-vous, LeWeb, fondé par Loïc Le Meur, a acquis une stature internationale, à tel point que, depuis deux ans, une seconde édition annuelle est organisée à Londres. C'est aussi dans la capitale qu'est né en 1998 le premier réseau français de business angels, Investessor, et que se concentrent la plupart des investisseurs en capital-risque. Ainsi, l'Île-de-France est le berceau d'une start-up française sur deux. Paris a donc accompagné, non sans une certaine arrogance, l'initiative French Tech, lancée fin novembre 2013, par Fleur Pellerin, alors ministre de l'Innovation et de l'Économie numérique.

Mais cette reconnaissance d'un rôle prééminent fait courir à l'écosystème francilien un risque : il doit devenir « une locomotive » pour les autres métropoles qui se verront décerner le label en octobre. Il s'agira de « développer ses propres projets d'accélération et d'attractivité internationale, en co-construction avec la Mission French Tech », tout en mettant en oeuvre son « potentiel considérable de dynamisation du secteur numérique français ».

« La force, ce sera le jeu collectif des territoires »

Concrètement, comment faire ? « C'est le chantier que nous ouvrons désormais », indique David Monteau, le directeur de la Mission French Tech au ministère, mobilisé jusqu'alors par « l'engouement inattendu » des métropoles candidates au label.

« Le rôle de l'Île-de-France peut prendre plusieurs formes. Nous devons en discuter avec tous les acteurs : les collectivités, les pôles de compétitivité, les accélérateurs... »

Les consultations s'accélèrent pour que de premières pistes soient explorées en pratique « dès la fin de l'année ou début 2015 ».

Pas question en effet d'attendre l'ouverture des portes de la Halle Freyssinet : annoncée comme le point de rassemblement à Paris pour tous les acteurs régionaux de la « French Tech », le lieu - voulu et financé par Xavier Niel, le fondateur de Free et l'un des principaux business angels français -, ne devrait être opérationnel que fin 2016. Heureusement, les premiers coups de pioche ont été donnés cet été.

La Mission French Tech va étudier comment, d'ici là, Paris pourrait servir de base avancée à l'ensemble des métropoles « French Tech » dans leurs prises de contacts avec des investisseurs ou clients internationaux.

« Les modèles de New York et de Londres sont difficilement transposables. Et, contrairement aux Britanniques, nous ne voulons rien imposer. Les initiatives doivent être portées par le tissu entrepreneurial, notre rôle consistant à les soutenir »,

précise David Monteau, convaincu que « le jeu collectif des territoires fera la force de la France ».

Dans cet esprit d'équipe, l'écosystème francilien devra partager son expérience sans donner de leçons.

« Cette mission de locomotive au niveau national est très sensible », avertit Jean-François Galloüin, le directeur de Paris Région Lab.

Ce centre d'expérimentation et d'incubation dédié à l'innovation en Île-de-France, soutenu par la mairie de Paris et la Région, a lancé dès 2011 un Club Open Innovation, pour nouer le dialogue entre les start-up et 60 grands groupes. Lyon, Toulouse, Bordeaux, Caen et Lille envisagent de répliquer l'idée.

Les bonnes pratiques émergent aussi hors Paris

« La concentration de grandes entreprises, de start-up et d'incubateurs à Paris génère statistiquement plus de chances d'y voir émerger des modèles intéressants, note Jean-François Galloüin.

Mais sur certains points, la capitale gagnerait à s'inspirer des métropoles régionales. En matière de promotion du territoire, la stratégie d'Invest In Lyon est remarquable. Et grâce à l'action du pôle de compétitivité Euratechnologies, c'est avec l'Edhec à Lille que la prestigieuse université américaine de Stanford a conclu un partenariat, et non avec une grande école parisienne. Savez-vous que les Lillois ont fait venir quatre pontes de Stanford dans le cadre d'un "start-up week-end", un concours de création de start-up ? »

Surtout, la mission de « locomotive » nationale ne doit pas faire dérailler les différents wagons de l'écosystème francilien.

« Une hiérarchie plate s'est instaurée dans notre écosystème. Sous l'impulsion d'Alice Zagury, ancienne directrice du Camping et cofondatrice de l'accélérateur The Family, les directeurs d'incubateurs discutent de leurs pratiques chaque mois lors d'un déjeuner informel. Désigner une tête de file pour animer le réseau national risquerait de déstabiliser notre écosystème. »

Reste donc à trouver les bons aiguillages pour faire circuler l'information sur le réseau French Tech.

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>>> Pour en savoir plus sur la French Tech en métropoles