Altice continue de fondre en Bourse

Par Pierre Manière  |   |  689  mots
Aujourd'hui, la capitalisation boursière du groupe de Patrick Drahi ne s'élève plus qu'à 10,2 milliards d'euros.
Le groupe de télécoms et de médias de Patrick Drahi continue sa folle dégringolade boursière. Alors que des actionnaires vont porter plainte contre Altice, accusé de « diffusion d’informations fausses ou trompeuses », le titre s’est de nouveau effondré de 8,82%, à 7,56 euros ce mercredi.

La chute est aussi longue que vertigineuse. Ce mercredi, Altice a encore été fortement bousculé en Bourse. A la clôture des marchés, le titre a une énième fois chuté de 8,82% à 7,56 euros. Depuis le 2 novembre et la publication de résultats trimestriels décevants, il a ainsi perdu plus de la moitié de sa valeur. Désormais, la valorisation boursière du groupe ne s'élève plus qu'à 10,2 milliards d'euros, alors qu'elle avoisinait encore les 22 milliards il y a près de trois semaines. Les investisseurs ne sont vraisemblablement toujours pas rassurés par la reprise en main du géant des télécoms par Patrick Drahi, son fondateur et propriétaire. Après avoir remercié Michel Combes, ex-DG d'Altice et PDG de sa filiale SFR, et remis ses hommes de confiance à la tête de la société, sa nouvelle ligne, basée sur le désendettement et la relance d'un opérateur au carré rouge en difficulté n'a, pour l'heure, pas convaincu les marchés.

Surtout, les ennuis et mauvaises nouvelles s'accumulent. Ce mercredi, des investisseurs ont, selon l'AFP, décidé de porter plainte contre Altice. Furieux de voir le titre au plus bas, ils attaquent le groupe de Patrick Drahi pour « diffusion d'informations fausses ou trompeuses ». Selon l'agence de presse, qui cite une source proche du dossier, les actionnaires jugent que « sur la période 2015 à 2017 », Altice a « minoré sa dette », qui dépasse aujourd'hui les 50 milliards d'euros. En outre, ils reprochent au groupe d'avoir vanté son « contrôle absolu sur cette dernière ». Suite à cette annonce, la réaction d'Altice a été cinglante : dans un mail à la presse, un porte-parole du groupe a qualifié cette manœuvre de « manipulation » et de « tentative de déstabilisation ».

Quoi qu'il en soit, Altice s'est montré particulièrement serein et optimiste, ces dernières années, concernant la gestion de son énorme dette, accumulée au fil de ses grosses acquisitions en Europe et aux Etats-Unis. Il y a tout juste un an, dans nos colonnes, Michel Combes n'y était pas allé de main morte. Interrogé sur la capacité d'Altice à honorer ses remboursements, il avait bombé le torse : « Concernant le niveau d'endettement du groupe, notre situation est d'un confort absolu », avait-il claironné.

Et en mars 2016, lors de l'inauguration d'un centre dédié à l'entrepreneuriat à Polytechnique, dont il est issu, Patrick Drahi s'était livré à un plaidoyer, devant les étudiants, en faveur du recours à l'endettement. Sans cela, arguait-t-il, il n'aurait pas pu garder la main sur le capital d'Altice. Balayant alors la crainte de ne pas pouvoir rembourser, il avait distillé une anecdote sur l'achat de sa première maison :

« J'avais 27 ans et pas un franc. J'ai acheté [ma maison] 100% à crédit. Mes copains me disaient : 'Mais t'es fou ou quoi ?' Moi j'ai dit que de toute façon, j'ai pas pris beaucoup de risque, c'est la banque qui a tout prêté. Et puis quel est mon risque si, dans quatre ou cinq ans, je ne peux plus rembourser mon crédit ? Bah la banque, elle va reprendre la maison. Mais ça, c'est matériel, c'est pas important. C'est comme l'argent, c'est pas important. Ce qui est important, c'est qu'elle va jamais me prendre les cinq ans de bonheur que j'aurai passé avec ma famille dans cette maison. »

La dégringolade boursière d'Altice risque, dans tous les cas, de peser sur le moral des troupes chez SFR, dont le retour à la croissance est jugé vital par les observateurs et analystes pour remettre le groupe sur les rails. L'opérateur, confronté à une hémorragie de clients et à l'image écornée, vient en plus d'essuyer un plan de départs volontaires de 5.000 collaborateurs, soit un tiers de ses effectifs. En fin de semaine dernière, Patrick Drahi avait tenté de remobiliser ses troupes, leur demandant notamment de se recentrer sur un service client dégradé. Mais comme l'indiquait au même moment Xavier Courtillat, délégué syndical central CFDT de SFR, à Europe 1, « les salariés commencent à perdre confiance ».