Comment l’intelligence artificielle va révolutionner les télécoms

Par Pierre Manière  |   |  906  mots
Pour Stéphane Richard, le PDG d'Orange, l'IA pourrait notamment bientôt permettre de délester ses troupes des travaux les plus répétitifs.
A travers le monde, des grands opérateurs comme Orange, Softbank ou Telefonica misent sur les dernières avancées en matière d’intelligence artificielle pour mieux gérer leurs relations avec les clients ou déployer de nouveaux services à forte valeur ajoutée.

Rares sont les industriels, aujourd'hui, à ne pas se demander comment l'intelligence artificielle (IA) est susceptible de bouleverser leur modèle économique. Il faut dire que les dernières avancées en matière de « deep learning » (méthode d'apprentissage automatique permettant par exemple à un programme de reconnaître des mots à l'oral ou des objets sur une image) s'avèrent prometteuses. Elles ouvrent le champ des possibles en matière d'applications et de services nouveaux. Ces avancées, l'industrie des télécoms compte bien en profiter. Partout dans le monde, de grands opérateurs investissent beaucoup d'argent et mobilisent leurs chercheurs pour bénéficier des progrès de l'IA. Parmi eux, on trouve des poids lourds, à l'instar d'Orange, du nippon Softbank, ou encore de l'espagnol Telefonica.

En France, l'opérateur historique a fait des technologies de l'IA une priorité stratégique. Ce jeudi, au salon dédié aux startups et à l'innovation VivaTech, Stéphane Richard, le PDG d'Orange a dressé un vaste catalogue des domaines susceptibles d'être révolutionnés ces prochaines années. En premier lieu, l'opérateur historique veut faire son nid dans le monde des assistants personnels. A l'instar des géants américains Microsoft, Apple, Amazon ou Google, Orange a dévoilé au printemps dernier Djingo, son propre assistant vocal pour la maison. Celui-ci prend la forme d'une petite enceinte, avec laquelle on peut converser pour piloter ses objets connectés ou accéder à des conseils personnalisés. Développé avec Deutsche Telekom, Djingo est censé apprendre des interactions avec son interlocuteur. Ce qui lui permettrait, au fil de l'eau, de cerner sa personnalité et donc de mieux saisir ses desiderata.

Les promesses de l'IA dans la santé

L'autre domaine où l'IA constitue un sacré atout pour Orange, c'est la relation client. C'est la raison pour laquelle l'opérateur s'est associé avec Watson, l'intelligence artificielle d'IBM, pour proposer un conseiller virtuel aux futurs clients d'Orange Bank. Parmi les avantages, celui-ci sera joignable via un « chat » à n'importe quel moment de la journée. Et si Orange garde des conseillers classiques pour les clients les moins technophiles ou qui n'apprécient guère converser avec des machines, cette IA lui permettra aussi de faire des économies en matière de ressources humaines.

Dans la même idée de faire évoluer la relation client, Stéphane Richard a fait référence à la possibilité, à terme, de remplacer des employés de call centers par des « bots » - c'est-à-dire des assistants virtuels -, pour les demandes et requêtes les plus classiques. A l'en croire, déléguer de la sorte ces tâches répétitives permettrait à Orange de conserver ses troupes pour les travaux à plus forte valeur ajoutée. Mais on peut se dire, une fois encore, que ce levier pourrait aussi constituer un moyen de diminuer substantiellement ses effectifs, et donc de faire des économies. Enfin, Stéphane Richard estime que l'IA permettra de résoudre bien des problèmes dans la santé. En Afrique, où l'opérateur est très présent, trouver un médecin hors des grandes villes relève parfois de l'impossible, explique-t-il. Ainsi, poursuit le PDG, des « outils intelligents de diagnostic médical à distance » pourraient changer la donne.

Softbank, un acteur de premier plan

Sur le Vieux Continent, Telefonica capitalise aussi sur l'IA pour trouver de nouveaux relais de croissance. Au dernier salon international du mobile de Barcelone, au début de l'année, l'opérateur historique espagnol a ainsi présenté Aura, un nouvel assistant personnel. Dopé à l'intelligence artificielle, celui-ci doit permettre à ses clients de faire l'inventaire des données qu'ils génèrent sur le Net. Et surtout, de choisir s'ils souhaitent les partager avec d'autres acteurs (comme les très gourmands géants américains Google, Amazon, Apple et Facebook), moyennant une rémunération ou un service spécifique. Ce faisant, Telefonica espère que ces monceaux d'informations permettront de générer beaucoup de nouveaux services. Ce qui lui permettrait de se positionner comme un partenaire privilégié pour quiconque a besoin des données de ses dizaines de millions de clients. Si Telefonica arrive à ses fins, il pourrait devenir un acteur de premier plan dans le domaine de l'intelligence artificielle. Car dans ce domaine, les données sont un carburant indispensable. Sans elles, aucune IA, aussi perfectionnée soit-elle, n'est en mesure d'apprendre quoi que ce soit, et donc de fonctionner correctement.

Au Japon, l'IA émoustille particulièrement Softbank, l'opérateur du bouillonnant homme d'affaires Masayoshi Son. Ce dernier s'est mis en tête de préparer son groupe à l'ère de la « singularité » - un concept qui fait débat et caractérise le moment où les machines seront plus intelligentes que les hommes. Des robots aux puces pour smartphones, Masayoshi Son investit des dizaines de milliards de dollars dans des technologies de pointe. Celles qui, à l'en croire, seront bientôt indispensables pour intégrer cette intelligence nouvelle dans les processus, applications et services de demain. C'est la raison pour laquelle Softbank a investi, en mai dernier, quelque 4 milliards de dollars dans Nvidia, le spécialiste américain des processeurs graphiques. De fait, ces derniers sont aujourd'hui très demandés en matière de « deep learning », notamment pour tout ce qui relève de l'analyse des images et vidéos. Un créneau qui s'avère par exemple essentiel pour le développement des voitures autonomes.