La taxe Gafa adoptée par l'Assemblée nationale

Censée "rétablir la justice fiscale" face aux géants du numérique qui profitent des faiblesses du système fiscal international, la taxe imposera à hauteur de 3% (du chiffre d'affaires réalisé dans l'Hexagone) toute entreprise du numérique réalisant au moins 25 millions d'euros de chiffres d'affaires en France, et 750 millions d'euros au niveau mondial. Son principe même est contesté par la plupart des économistes et des autres pays européens et mondiaux.
Sylvain Rolland
La taxe vise les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de plus de 750 millions d'euros dans le monde, dont 25 millions d'euros en France.
La taxe vise les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de plus de 750 millions d'euros dans le monde, dont 25 millions d'euros en France. (Crédits : DR)

Ultime feu vert pour la "taxe Gafa". L'Assemblée nationale a adopté jeudi 4 juillet, par 34 voix pour et 13 abstentions, sans aucun vote contre, le projet de loi visant à instaurer une taxe sur les géants du numérique. Voté en première lecture au Palais Bourbon, puis au Sénat au printemps dans des versions différentes, le texte a fait l'objet, fin juin, d'un compromis en commission mixte paritaire. Avant d'être appliqué, il devra passer une dernière fois au Sénat le 11 juillet. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a également souhaité une validation par le Conseil constitutionnel.

Lire aussi : "La taxe Gafa est démagogique et une aberration économique"

La France à contre-courant du monde entier

Concrètement, la taxe vise les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de plus de 750 millions d'euros dans le monde, dont 25 millions d'euros en France.

L'idée est de les imposer à hauteur de 3% du chiffre d'affaires réalisé dans l'Hexagone, notamment sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plateformes. Sont ainsi concernés une trentaine de groupes, dont Meetic, Amazon, Airbnb, Instagram, mais aussi des sociétés françaises comme Criteo. Le gain estimé pour les finances publiques s'élève à 400 millions d'euros en 2019, puis 650 millions d'euros en 2020. Des chiffres contestés par les organisations professionnelles du numérique.

Lire aussi : La "taxe Gafa" de Bruno Le Maire, coup d'épée dans l'eau ou coup de poker?

Avec ce vote, la France devient le premier pays du monde à adopter une taxe numérique basée sur le chiffre d'affaires, et non plus sur les profits ou les actifs immatériels. Mais le gouvernement est bien seul. Bruno Le Maire voulait à l'origine monter une taxe à l'échelle européenne, mais il s'est heurté à l'opposition non seulement des pays à faible fiscalité qui profitent de la situation actuelle (Irlande, Luxembourg, Malte), mais aussi de ceux qui contestent la légitimité et l'efficacité d'une taxe sur le chiffre d'affaires (la Suède, l'Espagne), sans oublier ceux qui craignent des mesures de rétorsion de la part des États-Unis (l'Allemagne) car la taxe est façonnée pour toucher surtout les géants du Net américains.

Lire aussi : Taxe Gafa, RGPD : "Se précipiter pour réguler risque de casser Internet !"

Une taxe forcément temporaire, et un "levier" dans les négociations mondiales

Pour le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, il s'agit de "rétablir la justice fiscale face aux géants du numérique". Cette solution unilatérale doit servir de "levier" dans les négociations internationales, notamment au G7 et au G20, et dans l'attente d'un aboutissement des travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Si le caractère "temporaire" à la taxe jusqu'à 2022, introduit par le Sénat, a été supprimé lors du retour du texte à l'Assemblée nationale en dernière lecture, le ministre de l'Économie a indiqué que la taxe a bien vocation a être retirée dès qu'il y aura un accord mondial. Un rapport annuel est prévu sur l'évolution des négociations internationales.

Sylvain Rolland

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Commentaires 18
à écrit le 06/07/2019 à 9:54
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Que d'illusion de croire que nous ne serons pas sollicité pour payer a leur place!

à écrit le 05/07/2019 à 12:30
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Une très bonne chose pour diminuer un peu la distorsion de concurrence énorme et l’équité fiscale entre les GAFAM qui accumulent les milliards et les petits commerces qui ne peuvent pas s'aligner en terme de pris et de qualité de service...ce n'est q...

le 05/07/2019 à 21:32
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Croyez-vous à ce ce vous dites ou bien est-ce une simple posture? A la loupe, la fiscalité n'a jamais rééquilibré les distorsions (disruptions) de la concurrence qu'au profit de l'Etat. Ceux qui perdent et ne s'adaptent pas finissent toujours par mo...

à écrit le 05/07/2019 à 9:22
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Si seulement ce Parlement croupion mettait autant d'enthousiasme à s'attaquer aux dépenses!

à écrit le 05/07/2019 à 9:07
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Ça rappelle la révolution française qui a ruiné le pays et fait passer la France en 2ème division. On fait les malins, mais ce n'est pas 750 millions que va rapporter cette taxe Gafa. Bien au contraire, nous allons payer très cher cette obsession de...

à écrit le 04/07/2019 à 21:22
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hormis coller une claque derriere les oreilles a des entreprises francaises qui beneficient deja des idees ""bizness"" friendly a la francaise, sauce dailymotion,, on ne voit pas ce que ca va donner....... suffit d'ouvrir les yeux pour voir que les ...

à écrit le 04/07/2019 à 20:28
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Une décision détestable. Espérons que le CC retoquera cette loi scélérate.

le 04/07/2019 à 20:43
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Quand les emplois sont supprimés en masse , et la précarité augmente ... c’est «  normal » ? Tout le monde a «  le droit » de «  vivre » une vie économique «  normale » Le partage des richesses est «  normal » et cette taxe est un minimum pour «  r...

le 05/07/2019 à 9:49
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@citoyen ordinaire : la destruction créative ça vous dit quelque chose ? Une taxe sur l'électricité n'aurait pas sauvé les emplois des allumeurs de becs de gaz. Et ce n'est pas avec cette loi d'exception (taxer le CA et pas les bénéfs, faut oser...)...

le 05/07/2019 à 22:06
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@Bruno, La règle est la suivante : Tout CA en France est imposable , hors les Gafa ont trouvé une tactique , ils sont immatriculés ds un pays UE avec une fiscalité «  passoire » , et font des chiffres d’affaires en France en prenant un marché imp...

le 05/07/2019 à 23:20
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Amazon paie les charges de ses salariés en France, et la TVA sur ses ventes. Et non ce n'est pas le CA mais les bénéfs des entreprises qui sont taxables. On est donc bien face à une législation d'exception.

le 06/07/2019 à 4:59
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Je ne vois pas en quoi c'est une loi scélérate.3% du chiffre d'affaires réalisé en France,c'est minime,ça devrait être au moins 10%.Le coût de fonctionnement des entreprises du numérique est minime si l'on compare à une entreprise industrielle,par ex...

le 06/07/2019 à 23:27
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3% du CA (pas du bénéfice) c'est considérable.

à écrit le 04/07/2019 à 19:56
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Pour les gafa c’est «  une nano- goutte dans tous les océans »( ils s’en tapent tous de cette taxe, tellement ils croulent dans l’argent : Exemple : le patron d’Amazon) A quand la taxe pour les ventes commerciales en ligne par rapport aux commerce...

à écrit le 04/07/2019 à 18:36
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Ce n'est pas en créant des régimes fiscaux d'exception que l'on améliore la justice fiscale. Bien au contraire, ces régimes spéciaux favorisent l'optimisation fiscale et le "blanchiment" collatéral dit abus de droit. La France accroît son propre enfe...

à écrit le 04/07/2019 à 16:27
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Et après on dit que Macron est ULTRAliberal ???? LOL

le 05/07/2019 à 13:43
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Il n'est pas marxiste donc en France dans la case ultra liberal.

le 07/07/2019 à 11:00
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Le seul politique français à avoir été (vaguement) libéral était Madelin, ça fait un bon bout de temps qu'il est retiré de la vie politique. Résignons-nous, la France est un pays socialiste indécrottable, il n'y a guère que la faillite (inéluctable) ...

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