Quand Paris défendait mordicus les "chaînes bonus" auprès de Bruxelles

Bruxelles doit envoyer jeudi son "avis motivé" jugeant illégales les "chaînes bonus" de TF1, M6 et Canal Plus. Initialement, Paris avait défendu ces chaînes, notamment dans une lettre détaillé de 23 pages que La Tribune publie. Mais la position des pouvoirs publics a évolué quand Canal Plus a dit vouloir utiliser son canal bonus pour faire une chaîne en clair.
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C'est finalement jeudi que Bruxelles devrait enfin annoncer son "avis motivé" contre Paris jugeant illégales les chaînes bonus, ces trois canaux sur la TNT réservés à TF1, M6 et Canal Plus. Cet avis était attendu initialement au printemps, et il est prêt depuis cette date. Mais, à deux reprises, le commissaire européen chargé de la concurrence Joaquin Almunia a repoussé cette annonce, car des dirigeants français (d'abord Frédéric Mitterrand, puis Xavier Musca) lui ont indiqué qu'une solution allait être trouvée à Paris. Une solution qui arrangerait bien la Commission, car cela mettrait fin, de facto, à la procédure engagée contre Paris.

A chaque fois, Joaquin Almunia a donc suspendu l'annonce de l'avis motivé. Ce qui finalement a bien embarrassé bien Paris, qui comptait s'appuyer sur le veto de Bruxelles pour enterrer les chaînes bonus. Cet été, les pouvoirs publics français ont même tenté de convaincre Bruxelles d'avancer l'annonce de l'avis motivé... Mais en vain, car ce type d'annonce se fait uniquement lors des réunions de la Commission consacrées aux procédures d'infractions, réunions qui se tiennent une fois par mois.

Deuxième étape

L'avis motivé est la deuxième étape de la procédure d'infraction. La première étape est la mise en demeure, qui avait été envoyée fin novembre 2010. A ce moment là, la réaction initiale de Paris est d'assurer que les chaînes bonus sont bien légales. Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand le martèle lors d'un colloque du cabinet NPA le 14 décembre 2010 : les chaînes bonus "seront prochainement accordés aux opérateurs historiques, en contrepartie du préjudice qu'ils ont subi du fait de l'arrêt anticipé de leur diffusion en analogique. Ce dispositif ne fait pas que réparer un préjudice, il favorise également la création, dans la mesure où leurs éditeurs devront prendre des engagements renforcés en faveur de la création cinématographique et audiovisuelle. Nous jugeons cette mesure pleinement compatible avec le droit communautaire, et elle poursuit des objectifs d'intérêt général. Parmi ces objectifs figure au premier plan le soutien à la création cinématographique et audiovisuelle".

Le 24 février, les autorités françaises envoient à Bruxelles une réponse détaillée de 23 pages, défendant mordicus les "chaînes bonus". Paris y assure très sérieusement que l'octroi de chaînes bonus aux seuls TF1, M6 et Canal Plus "contribue pleinement à la défense du pluralisme d'expression"... Paris promet aussi d'imposer aux chaînes bonus "une obligation plus forte" d'investissement dans des fictions et des films français. Et la montée en charge de ces quotas sur sept ans sera "supprimée, ou en toute hypothèse fortement réduite". Paris promet que tout ceci figurera dans un décret "en cours d'adoption"... qui n'est toujours pas paru sept mois plus tard.

Dernière promesse : deux chaînes de TNT gratuites en haute définition seront "choisies en 2011" et attribuées à de nouveaux entrants, "leur permettant d'émettre en même temps" que les chaînes bonus. Résultat : "la TNT devrait compter des chaînes supplémentaires à la date du 30 novembre 2011." Une promesse qui ne sera pas tenue, l'appel à candidatures pour ces deux chaînes HD n'ayant toujours pas été lancé...

Paris change d'avis

Mais patatras ! Un mois après l'envoi de ce vibrant plaidoyer, Canal déclare vouloir faire une chaîne gratuite sur son canal bonus. Dès lors, TF1 et M6 deviennent des opposants farouches aux chaînes bonus, et convainquent les pouvoirs publics.

Résultat: un mois plus tard, au Mip TV, le même ministre de la Culture n'a plus un mot pour défendre les chaînes bonus . Au contraire, il déclare que la décision sera prise à "en fonction des équilibres du paysage, et à l'aune des questions qui se posent à long terme", à savoir "le nombre de chaînes qui pourraient être financées par le marché publicitaire, mais également les meilleures options technologiques à retenir afin d'utiliser au mieux les fréquences".

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Commentaire 1
à écrit le 28/09/2011 à 10:55
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Superbe exemple de l'hypocrisie de Frederic Mitterand et des liens tres tres forts entre les gros groupes de media et l'UMP !!!

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