Bercy envoie les contrôleurs fiscaux chez Mediapart

Par Adeline Raynal  |   |  689  mots
Mediapart applique un taux de TVA réduit à 2,1%, alors que celui-ci n'est censé s'appliquer, d'après la loi française, qu'aux publications imprimées.
Le ministère de l’Économie et des Finances reproche au média co-fondé par Edwy Plenel d'appliquer un taux de TVA réduit à 2,1% dans l'illégalité. Le journal, par la plume de son directeur de publication, se défend dans une tribune parue le 17 décembre.

Mardi, les dirigeants du média en ligne Mediapart on reçu un visiteur auquel ils ne s'attendaient pas. Un huissier de justice est venu leur signifier que le journal allait faire l'objet d'un contrôle fiscal vendredi 20 décembre.

Bercy souhaite contrôler le taux de TVA appliqué par l'éditeur depuis 2011 aux abonnements payés par les lecteurs, son unique source de revenus. L'administration estime qu'il devrait appliquer le taux normal de 19,6% (bientôt porté à 20%) et non celui réduit réservé à la presse imprimée: 2,1%. D'autres éditeur font l'objet de ces contrôles inopinés: Indigo Publication, qui publie La Lettre A, Terra Eco et Arrêt sur Images.

Filippetti favorable à un taux réduit pour toutes les publications

Depuis plusieurs années, Mediapart et Indigo Publications appliquent volontairement ce taux de TVA réduit, confortés, assurent-ils, par le droit européen et l'arrêt Rank de 2011 qui avait condamné l'État britannique pour avoir appliqué deux taux de TVA différents pour un même service. Il y a quelques jours, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a fait savoir qu'elle est favorable à un taux unique quelque que soit le support via les ondes de France Inter.

"Je suis favorable à ce que, dès 2014, la presse en ligne soit soumise à la même TVA que la presse écrite - 2,1% -, comme nous l'avons fait pour le livre, puisque la France a la même TVA sur le livre physique et sur le livre numérique" a déclaré la ministre. 

Mais pour l'instant, la loi n'a pas encore été votée. de son côté, le co-fondateur de Mediapart, le journaliste Edwy Plenel, voit dans ce contrôle fiscal une attaque "illégitime et discriminatoire" de la part du ministère de l'Économie et des Finances. Dans une tribune publiée sur Mediapart.fr, il dénonce ainsi une "mesure (qui) viole le principe d'égalité et de neutralité des supports affirmé par les pouvoirs publics depuis 2009".

"Au-delà des deux entreprises concernées, c'est la nouvelle presse indépendante en ligne qui est visée" écrit-il.

Plenel dénonce une vengeance suite au déclenchement de l'affaire Cahuzac

Edwy Plenel juge que ce contrôle fiscal est en quelques sortes une représaille de Bercy, doux mois après les débuts de l'affaire Cahuzac, qui avait été mis en cause en premier par une enquête de Mediapart. Il se demande ainsi: "Un an après le déclenchement de l'affaire Cahuzac, qui a conduit à la démission d'un ministre du budget fraudeur que soutenait sa haute administration, Bercy voudrait-il se venger à froid d'une presse trop indépendante? "

>> Tout comprendre à l'affaire Cahuzac

Le journaliste élargit son argumentaire aux lecteurs, défendant ainsi l'aide dont la presse bénéficie grâce à ce taux réduit: "C'est une aide aux lecteurs, et non pas aux entreprises : au nom de l'enjeu démocratique de l'information et de son pluralisme, l'État signifie ainsi qu'un journal n'est pas une marchandise comme les autres, qu'elle doit être protégée de façon à ne pas être trop coûteuse et que son accessibilité au public le plus large doit être défendue".

Les "pure players" ont leur propre syndicat

Pour lui, le modèle économique de Mediapart ne survivrait pas à un taux de TVA normal. "L'application discriminatoire du taux commun, le même que pour n'importe quel objet de consommation, reviendrait à nous dépouiller de tous les résultats que nous avons réussi à dégager et, par conséquent, à mettre en grave difficulté le seul exemple de réussite économique, innovatrice et profitable, dans notre secteur" argue le dirigeant de presse.

Dans leur lutte en faveur d'un taux de TVA très réduit, les "pure players", ces médias nés uniquement en ligne (comme Mediapart mais aussi Slate.fr ou Arrêt sur images) sont réunis en un Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL), qui défend l'application d'un taux de TVA réduit. Edwy Plenel en est le secrétaire général.