Les startups des champs en quête de notoriété

Face à l’attractivité de Paris et des grandes villes, qui concentrent l’essentiel des structures de soutien aux startups et des capitaux-risqueurs, des initiatives telles que MutCamp, dans le Perche, ou le blog 1001 startups, s’organisent pour faire savoir que les campagnes disposent aussi d’un environnement favorable à l’entrepreneuriat. L’objectif: casser les préjugés et encourager des éventuels entrepreneurs isolés à sauter le pas.
Sylvain Rolland
De plus en plus d'initiatives voient le jour pour valoriser l'entrepreneuriat dans les campagnes, qui souffre d'un déficit de notoriété.

L'annonce n'a pas beaucoup intéressé les médias. Il faut dire que le Perche, ce petit "pays" de Normandie pris d'assaut chaque week-end par des Parisiens en mal de nature, est davantage reconnu pour son environnement paisible que pour le dynamisme de son écosystème d'innovation.

Et pourtant, c'est bien au cœur de la mer verte du Perche, près de la commune de Saint-Victor-de-Buthon, à une heure en voiture de Chartres, que s'est ouvert, ce lundi, une nouvelle structure baptisée MutCamp. Etabli dans une ferme de 45 hectares, cet "accélérateur rural" doté du nec plus ultra de la technologie accueillera dès la mi-septembre quatre start-ups en phase d'amorçage dans les domaines de la consommation collaborative, de l'entrepreneuriat social, du design et de l'agro-économie. Les jeunes pousses, sélectionnées sur dossier, bénéficieront de formations spécialisées, de conseils par des professionnels et de rencontres avec des investisseurs, grâce au réseau de la Mutinerie, une structure de co-working basée à Paris. Le tout loin des pics de pollution parisiens, en pension complète et au coeur d'une nature luxuriante.

Beaucoup d'aides, mais un déficit de notoriété

Face aux startups des villes, les startups des champs existent et veulent le faire savoir. Depuis un peu plus d'un an, les initiatives comme le MutCamp se multiplient partout en France, comme le souligne Nathalie Carré, chargée de mission Entrepreneuriat au sein de la CCI Entreprendre en France.

"Contrairement à ce que pensent certains entrepreneurs eux-mêmes, Paris et les grandes villes ne sont pas les seuls endroits où l'on peut innover et créer des startups. Toutes les semaines, je vois se monter de nouveaux espaces de coworking, des structures d'accélération de startups ou des programmes d'aide à destination des entrepreneurs, y compris dans des petites villes".

Sous l'impulsion du secteur public, les entrepreneurs en herbe ont effectivement accès à de plus en plus d'aides, à la fois humaines et financières, pour lancer leur projet. La Banque publique d'investissement (BPI), implantée dans 42 départements, multiplie les partenariats avec les conseils régionaux. Les Fonds régionaux d'innovation (FRI), par exemple, visent à cofinancer des projets innovants dans des secteurs jugés prioritaires pour la Région, tandis que les Fonds régionaux de garantie (FRG) entendent faciliter l'accès au crédit pour les projets à risque élevé. Les Chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui se déclinent en 126 organes locaux, accompagnent chaque année 60.000 entrepreneurs pour créer leur entreprise et leur offrir un réseau.

En revanche, le manque de notoriété de ces structures d'aide et l'absence d'un véritable écosystème d'innovation en dehors des neuf villes labellisées French Tech, pénalisent l'entrepreneuriat des campagnes. La CCI estime que tous les ans, de nombreuses startups ne voient pas le jour en raison de ce déficit d'information. Et pour cause : sur les 800.000 porteurs de projets que les CCI reçoivent ou conseillent, seuls 60.000 franchissent le pas et créent effectivement leur entreprise. En plus des freins traditionnels (manque de motivation, projet mal défini, crainte de l'échec...), Florence Chauvet, la déléguée générale de la CCI Entreprendre, estime que le sentiment de faire face à un handicap lorsqu'on vit dans une petite ville ou dans la campagne est un facteur non-négligeable :

« L'écosystème des startups reste très parisien. Or, la numérisation de l'économie est une chance pour les écosystèmes d'innovation en région. Et il existe de nombreuses initiatives isolées dans nos campagnes. Il faut maintenant le faire-savoir pour à la fois aider les entrepreneurs à se développer mais aussi encourager ceux qui hésitent à franchir le pas en prenant exemples sur les succès près de chez eux ».

Braquer la lumière sur les réussites locales

Pour braquer la lumière sur ces réussites locales, la CCI Entreprendre, le site spécialisé dans l'innovation Soon Soon Soon et le blog 1001 startups ont lancé ce mardi leur premier Atlas des start-ups. Un tour de France de l'innovation hexagonale, qui présente 100 start-ups réparties dans cinq grandes régions (quart nord-ouest, nord, quart sud-est, quart sud-ouest, région parisienne).

Parmi elles, des pépites inconnues comme Good Spot, une plateforme collaborative de mise en relation entre guides locaux et voyageurs basée à Quevert (Côtes-d'Or), DaVinciCrowd, une plateforme de financement participatif pour la recherche et l'enseignement supérieur située à Lambersart (Nord), ou encore Aguila Technologie, spécialiste des systèmes électroniques communicants et des objets connectés à Bidart (Pyrénées-Atlantique). Disponible sur Internet et sur certaines plateformes e-commerce comme Fnac et Amazon, l'ouvrage fournit également un annuaire des structures d'aides existant dans chaque région, "dans l'espoir de convaincre qu'il est possible de réussir hors de Paris" selon Ganaël Bascoul, le co-fondateur de Soon Soon Soon.

Lutter contre les préjugés

De son côté, le blog 1001 startups, co-créateur de l'ouvrage, met l'accent depuis 2010 sur la promotion des startups issues des régions françaises. Selon Gaëlle Ottan, la co-créatrice, les préjugés ont la dent dure.

"Le dynamisme et les opportunités uniques des grands écosystèmes d'innovation comme Paris sont réels. Mais nous voulons convaincre les entrepreneurs, notamment ceux qui développent des services numériques, qu'ils peuvent aussi rester en province, où ils bénéficieront aussi d'aides. Une startup dans le Sud de la France a certainement accès à un réseau moins important, mais elle a aussi moins de concurrence pour obtenir un financement".

La sous-représentation de l'innovation "de province" a justement donné des idées aux créateurs de la startup Smooove Box. Ces entrepreneurs ont mis au point une borne multimédia interactive qu'ils installent dans des pépinières, incubateurs, CCI et autres structures d'aide au développement des startups. Chaque entrepreneur se voit invité à enregistrer un message vidéo présentant son service Les vidéos sont ensuite consultables sur un site en tapant des mots-clés. "Cela permet à des start-ups de toute la France de trouver d'autres entrepreneurs qui travaillent dans le même domaine ou d'attirer l'attention d'éventuels investisseurs", explique le co-fondateur Benjamin Barbeau. Le numérique s'impose clairement comme un allié de poids dans l'opération réhabilitation des start-ups des campagnes.

Sylvain Rolland

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Commentaires 3
à écrit le 12/01/2018 à 10:23
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Merci pour cet article passionnant à propos des startups des champs. https://www.lelegaliste.fr/annonce-legale/annonces-legales

à écrit le 08/07/2015 à 13:18
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Très mauvais exemple d'illustration de l'article pour DaVinciCrowd située à Lambersart. Lambersart se trouvant à moins de 3 km d'Euratechnologies, pôle labellisé French Tech...

à écrit le 04/07/2015 à 10:21
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Pour toutes les startups qui se posent des questions sur une implantation plus rurale, n'hésitez pas à me contacter (@latrackeuse) pour échanger... http://www.ladepeche.fr/article/2015/06/16/2125728-payname-construit-son-siege-a-st-elix-le-chateau.ht...

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