Les devises, un nouvel eldorado dangereux pour les épargnants

Les sites proposant de jouer sur le Forex se multiplient depuis plus d'un an. Et se font connaître à coup de publicités agressives. Mais sans toujours alerter sur les risques.
La Tribune Infographie

CFD sur devises, effet de levier de 200:1, 1,6 PIP... Des barbarismes qui sont le quotidien des pros du Forex, le marché des changes, mais demeurent inconnus du grand public. Peut-être plus pour longtemps. Car de plus en plus de sites Internet promettent de faire de vous, en quelques clics, de véritables spécialistes des devises.

En effet, depuis l'entrée en vigueur de la directive MIF il y a un peu plus d'un an et la mise en place de passeports internationaux, les sociétés proposant d'acheter et vendre soi-même sur le marché des changes ont fleuri : IG Markets, Saxobank, iforex, easy-forex, activtrades, bforex...

Et, chez certains, les publicités ne laissent aucun doute sur votre capacité à vous enrichir : « Devenez un expert du marché des devises », « Gagnez de l'argent quelles que soient les conditions de marché », « Apprenez à trader en 20 minutes » ou même « Ton bénéfice t'attend déjà ! ». En écoutant Florent Le Manach, directeur général France d'Avafx, rien ne semble plus facile grâce à « l'autotrading » : « le client ouvre un compte avec un dépôt minimum de 100 euros. Il choisit ses stratégies et les ordres se passent à sa place, grâce à des robots développés par des programmateurs ». Il ajoute même : « c'est accessible à tous. On démocratise le trading, on offre la technologie au client ». Dit comme ça, jouer sur l'euro, le dollar, la livre sterling ou le yen peut être tentant.

Mais ce que les publicités agressives omettent de dire, ou seulement dans les petites lignes, c'est que la prise de risque est gigantesque, à cause de l'effet de levier (voir encadré). « Il faut que le particulier soit réaliste : il n'y a pas de possibilité de gain élevé sans prise de risque élevée. Les formations proposées ont surtout pour but de laisser croire à l'investisseur que les opérations sur le Forex lui sont facilement accessibles et de l'inciter à investir », tranche Natalie Lemaire, directrice des relations avec les épargnants de l'AMF (Autorité des marchés financiers). Le 1er décembre dernier, l'AMF a appelé le public à la plus grande prudence sur ce marché. Et publie une liste des sites Internet pour lesquels un prestataire autorisé n'a pu être clairement identifié (communiqué disponible sur amf-france.org). Car le marché du Forex, encore récent en France, est une véritable auberge espagnole abritant des filiales de grands groupes comme des nouveaux entrants.

L'AMF informe aussi que « avant de s'engager, les épargnants doivent s'assurer que l'intermédiaire figure bien sur la liste des établissements financiers autorisés à exercer en France », c'est-à-dire la liste des prestataires de services d'investissement, celle des démarcheurs financiers bancaires et celle des conseillers en investissements financiers. « Si le prestataire a les autorisations pour exercer son activité, vous disposez de possibilités de recours auprès du régulateur en cas de problème, insiste Nathalie Lemaire. Mais si l'intermédiaire concerné ne figure pas sur ces listes, il est vivement déconseillé de répondre à ses sollicitations qui sont dès lors illégales. Les opérateurs non autorisés ne sont en effet pas tenus de respecter les règles élémentaires de protection des investisseurs, de bonne information ou de traitement des réclamations. » En cas de doute, l'épargnant peut appeler l'AMF Épargne info service.

Enfin, l'AMF rappelle qu'en raison du caractère risqué et volatile de ce marché, « ces produits sont destinés à une clientèle avisée, pouvant surveiller ses positions de façon quotidienne, voire plusieurs fois par jour, et ayant les moyens financiers de supporter un tel risque ». Encore plus en cette période de crise japonaise où les marchés sont extrêmement volatils...

Comment fonctionne « l'effet de levier » sur les devises?

« Depuis que nous discutons, vous auriez déjà doublé ou perdu votre mise de 100 euros », conclut Gwénaël Moy, directeur général d'IG Markets France, interrogé sur les répercussions de l'effet de levier. Un instrument proposé par tous les acteurs du Forex afin d'amplifier les infimes variations dans la parité des devises. Concrètement, tout repose sur la notion de « PIP » (price interest point), qui diffère d'une paire de devises à l'autre. Sur la parité euro/dollar, il équivaut par exemple à une variation de 0,0001 dollar. Dans la journée du 14 mars, l'euro/dollar a varié de 100 PIPs (1,40 pour le plus haut, 1,39 pour le plus bas, voir illustration). Et, en comptant toutes les variations de la journée, on peut vite atteindre les 300 PIPs. Mettons que l'on mise 100 euros avec un effet de levier de 200, le niveau généralement accordé. Dans ce cas, on investit « réellement » sur le marché non pas 100 mais 20.000 euros. Le reste étant prêté par l'intermédiaire. Sauf qu'il coupera automatiquement la position, au pire lorsque la mise de départ (100 euros) est perdue, pour ne pas y être de sa poche. Avec une variation d'à peine 50 PIPs (de 1,385 à 1,39 par exemple), l'évolution est de 50 x 0,0001 = 0,0005 = 0,5 %. Or, 0,5 % de 20.000 euros donne 100 euros. Ceux qui ont joué dans le bon sens auront doublé leur mise. Les autres auront tout perdu...

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Commentaire 1
à écrit le 28/03/2011 à 22:10
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Je fais du Forex de temps en temps. Je gagne pas mal de fois, mais parfois aussi je perds. Sinon, si je fais une moyenne générale de mes gains et pertes, je gagne quand même. Mais attention, je ne fais pas comme dans les pubs du 3 500 euros par mois ...

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