Crise du logement : faut-il vraiment densifier ?

Par Mathias Thépot  |   |  641  mots
Pour penser la construction en trois dimensions, le projet de loi Alur prévoit de supprimer le coefficient d'occupation des sols. (Crédits : © 2009 Thomson Reuters)
Pour résoudre la crise du logement, d'aucuns s'accordent à dire qu'il faut densifier les villes plutôt que favoriser l'étalement urbain. Mais ceci pourrait se faire au détriment des populations à bas revenus vivant et travaillant loin des centres urbains.

En France, on s'accorde à dire qu'il manque entre 800.000 et un million de logements.
Paradoxalement au même moment, le secteur de la construction est en crise. Le nombre de mises en chantier en 2013 a ainsi été inférieur à la moyenne de ces vingt dernières années...et les prévisions pour 2014 sont très moroses.
A la recherche de solutions pour relancer l'activité, les pouvoirs publics ont lancé une concertation avec les professionnels du bâtiment et de la construction.
Pour relancer l'offre, un large consensus se dégage sur la nécessité de densifier les centres urbains. Ce, par opposition aux politiques d'étalement urbain.

Suppression du coefficient d'occupation des sols

La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) portée par la ministre Cécile Duflot va d'ailleurs dans ce sens puisqu'elle entend supprimer "le coefficient d'occupation des sols (Cos) qui est le rapport entre la surface de plancher construite et la superficie du terrain".

"Lorsqu'il s'applique uniformément à tous les terrains, quelles que soient leurs caractéristiques, le Cos donne une définition réductrice de la densité, qui empêche de caractériser la morphologie urbaine dans le cadre d'une réflexion en trois dimensions. Son usage tend à décliner mais il reste utilisé par certaines collectivités, où il limite la constructibilité des terrains et empêche la densification de certains quartiers", est-il indiqué dans le projet de loi Alur.

Penser l'urbanisme en trois dimensions

"La règle urbaine est issue d'un découpage foncier qui date de la France rurale du XIXème siècle, basée sur l'occupation parcellaire", explique Catherine Jacquot, présidente de l'ordre des architectes. Alors qu'aujourd'hui "il faut penser l'urbanisme en 3D, réfléchir en fonction de l'environnement bâti, de la densité alignée sur le gabarit. Pour ce faire il faudra mener des études en amont qui auront un certain coût ; elles faciliteront la concertation et permettront in fine de gagner du temps et de l'argent", considère-t-elle.

D'un côté dans les zones urbaines, il y a besoin de construire "massivement des logements sociaux en collectif pour les plus démunis. Ce, avec des transports en commun à proximité". De l'autre dans les zones rurales, "il faut renouveler les centres-bourgs vidés de leur densité, des services et des commerces, où l'on constate que le patrimoine existant est dévitalisé", propose Catherine Jacquot.

La densité comme seule logique de pensée ?

Au final, "avec un urbanisme rénové, nous pouvons dégager beaucoup de constructibilité pour construire plus, mieux et au bon endroit", assure la présidente de l'Ordre des architectes.
Cette vision des politiques d'urbanisme s'inscrit en opposition avec celle de l'étalement urbain, dont les constructeurs de maisons individuelles sont considérés comme les tenants. Pour Christian Louis-Victor, président de l'Union des maisons de France (UMF), il est de toute évidence "nécessaire de construire intelligemment en évitant le gaspillage d'espace. Mais aujourd'hui, force est de constater que la densité est la seule logique de pensée", déplore-t-il.

La simple velléité de densifier ne saurait, selon lui, régler les maux du logement en France. Il ne faut pas oublier que "les ménages exerçant les emplois les moins qualifiés habitent et travaillent aujourd'hui en périphérie des villes moyennes", explique-t-il. Et que eux aussi ont besoin d'un logement proche de leur emploi.

Une politique d'équilibre ?

Par opposition aux "idéologues verts et à certains urbanistes au service d'une idéologie", Christian Louis-Victor prône "une politique d'équilibre et non dogmatique" qui intègre la maison comme un outil d'urbanisation. Ce qui est complètement possible selon lui. Il prend l'exemple du "13ème arrondissement parisien qui est l'un des plus denses, alors qu'il y a été construit beaucoup de maisons".