Encadrement des loyers : où en est-on ?

Par Mathias Thépot  |   |  671  mots
A Lille, la loi sur l'encadrement des loyers d'habitations sera appliquée. (Crédits : Décideurs en région)
La loi sur l'encadrement des loyers d’habitations devrait finalement être appliquée sur la base du volontariat des communes. Cette mesure n'avait pourtant pas été votée en l'état par le Parlement il y a quelques mois...

Entre promesse présidentielle, vote par le Parlement et rétropédalage à Matignon, la mesure sur l'encadrement des loyers d'habitations est sujette à moult rebondissements. Finalement, un compromis semble se dégager sur ce volet de la loi Alur en l'attente de décrets : il sera appliqué sur la base du volontariat des communes.

Ce, au prix d'une dernière montée au créneau de Martine Aubry, la maire de Lille, qui s'est offusquée samedi du rétropédalage de Manuel Valls le jour précédent. Le Premier ministre avait en effet annoncé le vendredi 29 août qu'il allait limiter le champ d'application de l'encadrement des loyers à Paris à titre expérimental... allant ainsi jusqu'à remettre en cause une mesure votée par la majorité au Parlement quelques mois plus tôt.

Les professionnels se sont fait entendre

Ce revirement de situation a une nouvelle fois mis en valeur une démocratie désarmée et impuissante devant certains lobbys. Il aura en fait suffi que les professionnels de l'immobilier se plaignent en hauts lieux de la chute vertigineuse des mises en chantier de logements (environ 300.000 sur les douze derniers mois) et des effets négatifs potentiels de l'encadrement des loyers sur le moral des investisseurs pour que Matignon outrepasse le vote du Parlement, ainsi que l'engagement 22 de campagne de François Hollande, candidat à la présidentielle, qui disait : "Dans les zones où les prix sont excessifs, je proposerai d'encadrer par la loi les montants des loyers lors de la première location ou à la relocation".

La prédominance de la logique financière

C'est le retour de la "servitude volontaire" dans laquelle le pouvoir élu se tient. Une servitude fondée sur la peur et la prédominance de la logique financière, et qui a déjà pu se vérifier sous François Hollande pour d'autres réformes.

Manuel Valls justifiait ainsi son rétropédalage par des "conditions techniques qui ne sont pas réunies, et qui ne le seront pas avant des mois, voire des années". "C'est notamment le cas pour la collecte des données des loyers", qui permettront de fixer les loyers médians de référence par bien et par quartier, et qui ne pourront pas être dépassés de plus de 20% par les propriétaires-bailleurs. "Une situation complexe qui génère trop d'incertitude pour les investisseurs", jugeait le Premier ministre.

Autre exemple du recul du pouvoir en place : à en croire Cécile Duflot, au moment de la mise en place de la loi Alur, François Hollande aurait lui même reproché à la désormais ex-ministre du Logement de ne pas avoir assez consulté les agences immobilières pour l'élaboration de cette mesure phare. Le chef de l'État se serait même demandé si l'encadrement des loyers était "une bonne chose ?", occultant visiblement son engagement de campagne.

Une loi dans l'attente de multiples décrets

Plus concrètement, les effets réels de l'encadrement des loyers ne pourront se vérifier qu'une fois que seront annoncés par les préfets les loyers médians de référence par quartier et par bien. Mais aussi une fois que seront appliqués les décrets de la loi Alur qui détermineront plus précisément dans quelles mesures les propriétaires pourront contourner les plafonds de loyers à l'aide de compléments lorsque les caractéristiques du bien le justifient.

Pour l'instant, l'expectative domine. Du reste, des villes marquées très à gauche comme Grenoble, Lille, Montreuil, Saint-Denis ou Ivry-sur-Seine ont déjà déclaré leur intention d'appliquer le dispositif d'encadrement des loyers.
A l'inverse, Lyon, où le maire PS Gérard Colomb craint "un effet inverse à ce que l'on souhaite", tout comme les UMP Jean-Luc Moudenc (Toulouse), et Jean-Claude Gaudin (Marseille), ne veulent pas de ce volet de la loi Alur.
D'autres grandes villes de gauche comme Rennes ou de droite comme Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) souhaitent se donner le temps de la réflexion.