Alors que les trois-quarts des Français se sont retrouvés confinés chez eux durant les pics épidémiques, la crise sanitaire a accéléré certains questionnements et opéré une vraie prise de conscience, si l'on en croit les résultats d'une étude menée par l'ObSoCo avec le cabinet d'études Chronos du 17 au 30 juin 2021 (auprès de 4.000 personnes de 18 à 75 ans). Avec le confinement, nombre de Français ont réalisé que leur cadre de vie actuel n'était pas celui auquel ils aspiraient. Les habitants de grandes métropoles, en particulier, sont de plus en plus nombreux à souhaiter s'en détourner, au profit de villes moyennes voire de petite taille.
En cause ? Une volonté de se rapprocher de la nature et d'évoluer dans un environnement leur offrant davantage d'espace. La possibilité de télétravailler - expérimentée par beaucoup de Français pendant la crise - constitue également un catalyseur : les Français en capacité de télétravailler se projettent davantage dans un environnement physiquement éloigné de leur lieu de travail, quitte à rallonger leur temps de trajet quotidien domicile-travail de 25 à 38 minutes. En outre, une part significative des Français souhaitant déménager (44% d'entre eux) seraient même prêts à reconsidérer leur situation professionnelle pour pouvoir changer de cadre de vie.
Un fort mal-être urbain qui renforce les envies d'ailleurs
Selon l'étude qu'a menée l'ObSoCo, les Français sont nombreux à vouloir déménager et à aspirer à un cadre de vie différent de celui dans lequel ils évoluent actuellement. Derrière cette tendance se cache un phénomène boosté par la crise sanitaire: l'émergence de nouveaux équilibres autour de ce qu'est le cadre de vie. Ainsi, 55% des Français aimeraient aller vivre ailleurs, un chiffre en hausse de 7 points par rapport à 2017.
Cette envie est encore plus intense chez les hyper-urbains, dont un tiers "souhaitent beaucoup" partir vivre ailleurs, une réalité symptomatique d'une véritable crise de la ville et de l'hyperville. D'ailleurs, les représentations de la ville se dégradent particulièrement: la ville est de moins en moins perçue comme un endroit souhaitable pour grandir, habiter, élever des enfants et vieillir. Aujourd'hui, les trois quarts des Français considèrent ainsi que la ville n'est pas un cadre où il est bon d'élever des enfants.
Sans surprise, ce désamour de la ville est encore plus fort chez les Franciliens et les habitants de communes de plus de 6.500 habitants au kilomètre carré. Ils sont ainsi 70% à souhaiter déménager, contre 41% des habitants de communes ayant une faible densité de population (0-250 habitants par km2). En pratique, le seuil critique en termes de densité est estimé à 4.000 habitants au kilomètre carré, seuil à partir duquel les Français commencent majoritairement à trouver la densité trop élevée et à exprimer une forte envie d'aller vivre ailleurs.
Nature et sécurité : des besoins fondamentaux
Les urbains déplorent notamment un manque de contact avec la nature - qui constitue de plus en plus un besoin fondamental pour les Français - et souhaitent vivre dans un environnement dans lequel ils se sentent pleinement en sécurité. Interrogés sur ce qu'ils attendaient en termes de cadre de vie idéal, les Français ont évoqué les petites villes et les villes de taille moyenne, prisées pour leur proximité avec la nature et leur peuplement moindre par rapport aux métropoles.
Et ces velléités de changement de vie semblent prêtes à se concrétiser. 63% des personnes qui aimeraient vivre ailleurs envisagent sérieusement de sauter le pas d'ici cinq ans, dont la moitié en sont certains, ce qui représente in fine 17% de la population totale. Concrètement, ce sont donc environ 14 millions de Français qui devraient déménager dans les cinq prochaines années, dont 7,7 millions, soit un peu plus de la moitié, l'envisagent certainement.
Le vécu de la crise sanitaire comme accélérateur
Et il est clair que le vécu de la crise sanitaire a pu catalyser ce souhait. En effet, ces envies de changement sont encore plus répandues parmi les individus qui disent avoir mal vécu le confinement. Ainsi, 60% des individus qui ont mal vécu le confinement aimeraient vivre ailleurs, contre 49% de ceux qui l'ont bien vécu.
Autre incidence directe de la crise sanitaire: pour un Français sur dix, vivre dans un environnement favorable à la santé constitue à présent le critère phare de leur cadre de vie idéal.
Déménager quitte à reconsidérer sa situation professionnelle
S'il est clair que les envies d'ailleurs sont plus importantes parmi les actifs en capacité de télétravailler - près des deux-tiers d'entre eux disent souhaiter déménager, contre seulement la moitié de ceux ne pouvant pas télétravailler -, cette aspiration touche un panel de personnes qui va bien au-delà des seuls actifs aptes à télétravailler. Au total, ce sont pas moins de 44% des actifs français désireux de déménager qui pourraient même envisager de reconsidérer leur situation professionnelle à cette fin. À l'inverse, 14% des actifs occupés qui aspirent à aller vivre ailleurs aimeraient conserver leur poste actuel en le faisant.
Les Français sont également nombreux à être prêts à accroître la distance entre leur lieu de vie et leur lieu de travail si cela leur permet de vivre dans un environnement plus en adéquation avec leurs envies. S'ils mettent aujourd'hui 25 minutes en moyenne pour se rendre sur leur lieu de travail, les Français se disent prêts à accepter d'augmenter cette durée jusqu'à 38 minutes pour pouvoir bénéficier, en contrepartie, d'un meilleur cadre de vie.
Deux freins principaux pour ceux qui s'y refusent
Parmi ceux qui n'ont pour l'instant pas l'intention d'aller vivre ailleurs - soit environ ¼ des Français, qui affirment qu'ils continueront à travailler sur leur lieu de travail habituel, dans les mêmes conditions qu'avant la pandémie -, deux facteurs motivent leur décision. D'une part: un manque de moyens financiers et des attaches encore fortes à leur lieu de vie, par rapport aux enfants, aux écoles, ou encore aux proches, qui freinent leurs dispositions à déménager.
D'autre part: des inégalités d'accès au télétravail selon les catégories socioprofessionnelles. Car si le télétravail est très répandu parmi les salariés de CSP supérieures, dont près des ⅔ ont aujourd'hui la possibilité de télétravailler, il l'est nettement moins parmi les autres CSP. Chez les catégories socioprofessionnelles inférieures par exemple, seuls 25% des salariés ont cette possibilité. De la même manière, le télétravail depuis une résidence secondaire reste l'apanage d'une part restreinte des actifs. À ce jour, 10% des Français souhaitant aller vivre ailleurs ont le projet d'acheter une résidence secondaire et d'en faire une stratégie de contournement leur permettant de télétravailler tout en conservant leur logement actuel.
Des fortes inquiétudes sur le changement climatique
Autre enseignement de l'étude: 70% des Français éprouvent une inquiétude quant aux conséquences potentielles du changement climatique sur la qualité de vie au sein de leur région. Cette inquiétude est susceptible, pour plus d'un ⅓ des Français, de leur faire reconsidérer l'endroit où ils habitent. Une tendance qui est encore plus forte parmi les Franciliens, dont près de la moitié se disent prêts à reconsidérer leur lieu de vie par crainte des effets néfastes du réchauffement climatique sur leur cadre de vie.
Et parmi les mesures souhaitées pour opérer la transition écologique des territoires et notamment de la ville, la végétalisation des bâtiments arrive en tête, suivie par l'agriculture urbaine et les écoquartiers. Somme toute, la nécessité de changer les modes de vie semble assez consensuelle parmi les Français : 89% partagent cette vision, et 20% se disent favorables à une modification radicale de nos modes de vie actuels. Chez les 18-25 ans en particulier - qui sont d'ailleurs les plus inquiets des conséquences du changement climatique sur leur qualité de vie -, plus d'un quart sont ainsi partisans d'une modification radicale de nos modes d'existence actuels.
Quelques résistances sont toutefois perceptibles chez les Français: ils sont majoritairement réticents à privilégier l'habitat collectif à une maison individuelle et 1 Français sur 5 n'est pas prêt à abandonner l'usage de sa voiture pour se rendre sur son lieu de travail.