L'onde de choc de la pandémie continue de se propager. Selon les derniers chiffres de l'Insee rendus publics ce mardi 10 novembre, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) a augmenté de 1,9 point entre le second et le troisième trimestre pour passer de 7,1% de la population active à 9%. Il s'agit de la plus forte hausse du chômage depuis le début de la série statistique construite par l'organisme public en 1975. En seulement quelques semaines, la pandémie a effacé trois années de baisse du chômage. En effet, la proportion de chômeurs à la fin du mois de septembre a retrouvé son niveau de fin 2017.
Le déconfinement et le redémarrage de l'activité cet été sont loin d'avoir mis fin aux effets dévastateurs de cette crise inédite. La seconde vague de contaminations et le durcissement des mesures sanitaires pour tenter d'endiguer la progression de cette maladie infectieuse risquent encore de faire bondir les chiffres du chômage dans les semaines à venir.
Une hausse mécanique qui pourrait se poursuivre
La hausse du chômage enregistrée au cours du troisième trimestre peut s'expliquer en partie par un rebond mécanique. En effet, la mise sous cloche de l'économie au printemps pendant huit semaines a paralysé un grand nombre d'activités dans le secteur privé et les services publics. Pendant une longue période, beaucoup de demandeurs d'emploi n'ont pas pu effectuer de recherche et se rendre disponibles pour trouver du travail conformément aux critères établis par le bureau international du travail. Résultat, les baisses enregistrées au cours des second et troisième trimestres étaient en trompe-l'œil comme le soulignent très bien les statisticiens basés à Montrouge. "Le troisième trimestre marque un retour à la normale concernant les comportements de recherche et enregistre, de ce fait, une forte augmentation du chômage".
Après la levée des mesures drastiques de confinement et les baisses artificielles, beaucoup de demandeurs d'emploi ont pu répondre aux conventions internationales de mesure du chômage en seulement quelques semaines. Ce qui a provoqué cette hausse soudaine et mécanique, "par contrecoup de la baisse en trompe-l'oeil liée au confinement. Sa hausse (le chômage par rapport à fin 2019 ou sur un an (+0,6 point)) témoigne bien toutefois d'une nette dégradation du marché du travail".
Un taux de chômage important chez les jeunes
Si la pandémie frappe toutes les catégories d'âge, les jeunes sont en première ligne. En effet, le taux de chômage communiqué par l'Insee pour les 15-24 ans atteint des sommets à 21,8% contre 20,9% au second trimestre. Au total, 619.000 personnes de cette catégorie étaient au chômage. La mise à l'arrêt de pans entiers de l'économie tricolore, notamment dans les services, ont précipité des milliers de jeunes au chômage. Les secteurs de la restauration, de l'hôtellerie, du tourisme ou de la culture - qui emploient d'habitude beaucoup de jeunes - ont mis fin à de nombreux contrats courts au printemps sans vraiment avoir de perspectives favorables à moyen terme. Les jeunes ont servi de variable d'ajustement au premier confinement pour permettre aux entreprises de réduire leur coût.
En outre, l'arrivée des jeunes sur le marché du travail après la fin de leur cursus dans l'enseignement professionnel ou l'enseignement supérieur risque de se compliquer sérieusement avec la multiplication des mesures de confinement depuis maintenant plusieurs semaines. L'insertion professionnelle est en train de devenir chaotique pour de nombreux jeunes arrivant sur un marché du travail sinistré. Même les chances d'obtention d'un poste pour les diplômés du supérieur se réduit considérablement avec la baisse du nombre d'annonces comme le rappelait une récente enquête de l'association pour l'emploi des cadres (APEC).
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Une progression fulgurante dans les autres catégories
Les autres catégories d'âge sont loin d'être épargnées par les dégâts de cette crise majeure. En effet, bien que le taux soit moins élevé pour les 25-49 ans (8,5%), sa progression en trois mois est spectaculaire (2,1 points). Ainsi, 1,5 million d'individus dans cette catégorie étaient au chômage à la fin du mois de septembre. Au-delà de l'effet mécanique lié au déconfinement, les répercussions néfastes de la crise ont commencé à se faire ressentir au cours du troisième trimestre. En effet, beaucoup de grands groupes ont annoncé des fermetures de sites et des destructions de postes au cours du printemps. Ces annonces ont commencé à devenir effectives au moment de la levée des mesures de confinement. En outre, plusieurs économistes ont évoqué de possibles effets domino à l'échelle des territoires avec des fermetures d'usines qui risquent de plonger beaucoup de TPE, PME et sous-traitants dans leur sillage. Au cours de cet automne, la vague des plans sociaux se poursuit avec les répercussions de la seconde vague.
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Un halo du chômage en baisse, toujours à un niveau élevé
Le halo du chômage a connu une baisse impressionnante au cours du troisième trimestre (-810.000) après une hausse record au cours du second trimestre (+756.000). Cette évolution en dent de scie peut en partie s'expliquer par les effets du confinement sur la statistique publique. En effet, "avec la fin du premier confinement, les personnes sans emploi ont à nouveau repris leurs recherches actives d'emploi, faisant mécaniquement diminuer le halo autour du chômage", expliquent les statisticiens. Cette catégorie regroupe les personnes souhaitant travailler et étant disponibles pour le faire mais n'ayant pas fait de démarche active. Malgré cette forte inflexion, le halo concerne 1,7 million de personnes sur le territoire français et 4% de la population des 15-64 ans.
Le spectre du chômage de masse plane à nouveau
Même si le confinement est moins sévère qu'au printemps avec l'ouverture des écoles et de la plupart des crèches, beaucoup de secteurs se retrouvent à nouveau en grandes difficultés. La plupart des économistes ont abaissé leurs prévisions de croissance pour le dernier trimestre 2020 et les perspectives d'embauches sont assombries pour la fin de l'année. Dans leur dernière note de conjoncture publiée au début du mois d'octobre, les économistes de l'Insee tablaient sur un chômage à 9,7% de la population active. De leur côté, les statisticiens de l'Unedic projetaient un chômage à 10,5%. Avec une nouvelle récession, le chômage pourrait encore grimper.
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