Crise ukrainienne : la hantise de l'industrie française pour ses approvisionnements critiques

La France importe énormément de minerais stratégiques venant de Russie et, à un degré moindre, d'Ukraine. L'arrêt des livraisons russes fait peser un risque pour des secteurs clés de l'industrie française.
Michel Cabirol
La nouvelle hausse des prix de l'énergie va poser d'énormes problèmes de rentabilité entraînant un arrêt peut être définitif des usines de production d'aluminium.
La nouvelle hausse des prix de l'énergie va poser d'énormes problèmes de rentabilité entraînant un arrêt peut être définitif des usines de production d'aluminium. (Crédits : Reuters)

L'industrie française s'apprête à énormément souffrir des conséquences de la crise ukrainienne, et plus précisément des sanctions qui isolent la Russie. Elle va devoir faire face à une pénurie de nombreux minerais dont certains sont critiques pour l'industrie tricolore. Ce qui met certaines filières en risque, comme notamment la production d'aluminium très dépendante des importations d'alumine venant de Russie. "La France est très dépendante de son seul fournisseur Rusal", constate France Industrie dans une note évaluant les risques pour l'industrie française, que La Tribune s'est procurée. Ainsi, les industriels ont seulement trois mois de stock devant eux.

Les producteurs d'aluminium "ne peuvent interrompre la production sans de graves conséquences, estime l'organisation professionnelle représentative de l'industrie en France. De plus, le prix de l'aluminium étant mondial, la nouvelle hausse des prix de l'énergie ne peut se répercuter en aval et va poser d'énormes problèmes de rentabilité entraînant un arrêt peut être définitif des usines de production d'aluminium".

Si les importations de gaz de Russie sont modérées (17%) - soit moins de 6% des importations énergétiques -, l'envolée des prix du gaz en Europe va avoir "un gros impact" pour les industriels gazo-intensifs (chimie, engrais, verre, etc ...) ainsi qu'un "impact en rebond sur les prix européens de l'électricité", estime France Industrie. Ce qui va se traduire par impact significatif pour les industriels électro-intensifs (chimie, aluminium, acier, ciment, papeterie, sucrerie, amidonnerie, etc ...) Par ailleurs, l'arrêt des importations du gaz néon ukrainien fait peser un risque pour l'industrie mondiale des semi-conducteurs. Car l'Ukraine fournit plus de 70 % du néon, un composant essentiel pour les lasers utilisés dans la fabrication de puces et consommé dans le monde et plus de 90% du néon produit pour l'industrie américaine des semi-conducteurs vient d'Ukraine.

Titane, palladium, platine, ruthénium, iridium, rhodium...

Des risques significatifs pèsent sur l'aéronautique européenne et la construction navale en raison de la dépendance du titane russe. La Russie fournit environ 40 % du ferro-titane utilisé en Europe. Elle est notamment le premier fournisseur de titane pour l'industrie aéronautique mondiale, que ce soit pour les avionneurs, les motoristes ou encore les équipementiers.

Les importations de métaux stratégiques comme le palladium, le platine, le ruthénium, l'iridium, du rhodium font peser également des risques sur l'industrie française. Ainsi, 34% des approvisionnements de l'industrie automobile (pots catalytiques) en palladium proviennent de Russie. Le taux de dépendance à la Russie est de 17% pour le platine et de 15% pour le ruthénium, l'iridium et le rhodium. Des métaux qui sont utilisés dans les catalyseurs automobiles, dans l'électronique, en bijouterie, et pour fabriquer des piles à combustible et des électrolyseurs d'hydrogène. Des industriels comme Symbio/Michelin, Hyvia, Stellantis, PowiDian, EODev, Alstöm/Helion, HDF, qui sont positionnées sur les piles à combustible, pourraient être impactés par la pénurie de ces métaux. L'Afrique du sud, qui reste le principal producteur de platinoïdes, à hauteur de 80 % du marché environ, pourrait subvenir aux besoins de l'industrie tricolore.

Les industriels français pourraient être également impactés par la baisse des importations de nickel, de cuivre et cobalt. La Russie est le troisième producteur mondial de nickel avec 250.000 tonnes en 2021 sur une production mondiale de 2,5 millions de tonnes environ. Les industriels français pourraient demander à Eramet d'augmenter ses cadences pour subvenir à leurs besoins. Des industriels comme McPhy ou le belge John Cockerill sont positionnés sur les électrolyseurs alcalins en France. Le nickel joue également un rôle important d'acier inoxydable dans les batteries. C'est également le cas pour l'approvisionnement du cuivre nécessaire aux électrolyseurs et piles à combustible et du cobalt pour les catalyseurs des électrolyseurs alcalins. La Russie est respectivement le septième producteur dans le monde en 2020 avec 850.000 tonnes de cuivre (sur 20 millions de tonnes environ) et deuxième producteur mondial de cobalt en 2019 avec 6.100 tonnes (sur 140.000 tonnes environ).

Enfin, les importations de caoutchouc synthétique et noirs de carbone venues de Russie et d'Ukraine, qui sont des zones d'approvisionnement non négligeables, pourraient avoir un impact pour les fabricants de pneumatiques.

Quels impacts sur l'exportation ?

La Russie pèse sur les exportations françaises. Notamment celles de matériels de transport (automobile, ferroviaire, aéronautique) et les produits chimiques, parfums et cosmétiques qui occupaient une place prépondérante, avec respectivement 24,3 % et 21,4 % du total exporté. Les vins (Champagne), spiritueux, le matériel agricole et les semences sont aussi largement exportés. En outre, les groupes industriels français implantés en Russie pourraient être également impactés par la crise ukrainienne : Michelin, Bel, Renault (Dacia et Lada), Bonduelle, Danone, Saint-Gobain, Safran, EDF, Schneider Electric, Orange, Total Energies (près de 20 % de sa production de gaz et de pétrole), Sanofi, Pernod Ricard, ainsi que Carrefour et Auchan. L'exposition de Renault est la plus grande, la Russie étant le second marché en volume après la France. L'Alliance détient en Russie environ 35 % de parts de marché en 2021.

En Ukraine, certaines filières industrielles françaises sont exposées en Ukraine, notamment celle de l'agroalimentaire (Bel, Lactalis, Bongrain), de l'automobile (Renault et Peugeot ont 25 % de part de marché), ainsi que Sanofi, Schneider Electric, Air Liquide et la SNEF (génie électrique, génie climatique, nucléaire, BTP, télécoms). L'Ukraine est par exemple "un pays clé en matière d'essais cliniques pour Sanofi", observe France Industrie.

Michel Cabirol
Commentaires 16
à écrit le 03/03/2022 à 7:26
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micron est un caracteriel qui fonctionne a l'emotionnel. Ce que l'avenir reserve a la France a jouer au cacou va se retourner contre elle, d'une facon ou d'une autre. L'ardoise va etre lourde. Les usa se frottent les mains. La naivete des dirigeants ...

à écrit le 03/03/2022 à 0:18
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Ok pour le constat mais la sortie c'est quoi ? on vire Biden , on promet qu'il n'y aura jamais d'Ukraine dans l'OTAN , Poutine rappelle ses armées et on annule les sanctions ?

à écrit le 02/03/2022 à 22:04
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Depuis 2014 (premières sanctions) n’avons nous pas anticiper et trouver d’autres fournisseurs? il n y a que la Russie dans ce monde?

à écrit le 02/03/2022 à 15:13
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Qu'on l'approuve ou non, le soutien européen aux Ukrainiens n'est pas guidé par un simple "suivisme" des USA mais par une véritable conviction que les Russes mettent en danger la pérennité de nos systèmes démocratiques, et ce que ces systèmes sont, c...

le 03/03/2022 à 0:14
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Les 11000 habitants du Donbass tués par l'armée Ukrainienne en 10 ans , elle a fait quoi l'Europe ? ne soyez pas naif , il n'y a pas de gentils et de méchants , rien que des intérêts des uns et des autres

à écrit le 02/03/2022 à 12:44
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On dit que gouverner s'est prévoir.. Nos élites se sont noyés dans cette mondialisation..qui profite à....

à écrit le 02/03/2022 à 12:32
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François Asselineau, Le géant gazier russe Gazprom vient en effet de signer un contrat stratégique pour construire le gazoduc "Soyouz Vostok" vers la Chine via la Mongolie. Il va permettre à la Russie de rediriger vers la Chine 50 Mds m³ de gaz ...

à écrit le 02/03/2022 à 9:58
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Il serait bon de que Gardanne, malgré quelques inconvenients environnementaux soit soutenu par l'État...

le 02/03/2022 à 11:04
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Il aurait plutôt fallu que Mr Macron convainque Mr BIDEN de déclarer que l'Ukraine ne rentrerait jamais dans l'OTAN. Il est trop tard le mal est fait pour la destruction de l'économie européenne.

à écrit le 02/03/2022 à 9:27
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Apparemment ni la banque Gazprom, ni Gazprom ou Total ne sont remis en cause donc les mesures de sanctions doivent être considérées comme toutes relatives et provisoires par l'attaquant ...

à écrit le 02/03/2022 à 9:24
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Bruno Lemaire a la réponse

à écrit le 02/03/2022 à 9:16
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La croisade des enfants finit mal, c'est une réalité historique...

le 02/03/2022 à 10:02
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Britannique - troll tusse- l histoire retiendra l agression russe sur un état souverain et de droit comme l Ukraine et les centaines de milliers de civils tues ou déplaces …. Les assassinats politiques de Poutine au polonium , les annexion de la Cri...

le 02/03/2022 à 10:14
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Comme quand l'otan, donc les usa en fait, qui a occupé puis annexé puis donné le sud de la Serbie aux Albanais qui en ont fait le Kosovo ?

à écrit le 02/03/2022 à 8:56
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Si nos pitoyables dirigeants politiques et économiques n'étaient rien qu'un peu moins bêtes ils auraient acter le produire moins et mieux et auraient de l'avance sur ce genre de problème devant lequel ils sont brutalement mis. Mais bon ça va être la ...

à écrit le 02/03/2022 à 7:36
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Quoi? Les "Français" voudraient le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière, mais c'est une illusion macroniste ça!

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