Une réforme peut en cacher une autre. Si le Premier ministre, Edouard Philippe, a exclu mercredi de modifier l'âge légal de départ à la retraite, aujourd'hui fixé à 62 ans, dans le cadre de la réforme qui sera dévoilée cette année, il a, en même temps, jugé "normal" de se poser la question s'il faut "travailler plus longtemps" pour financer les "besoins considérables" liés au vieillissement de la population française et à la perte d'autonomie des personnes âgées.
« Se poser la question de savoir s'il faut travailler plus longtemps pour que le fruit de ce travail plus long finance ces besoins considérables d'investissement et de prise en charge de la limitation du reste à charge est une question parfaitement valide. »
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dimanche, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, mercredi, avaient tous deux soulevé la question d'un report de l'âge à la retraite pour assurer la pérennité financière du régime et financer la dépendance, alors qu'Emmanuel Macron avait promis lors de sa campagne présidentielle de ne pas toucher à la borne de 62 ans.
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[Comme le révèle l'OCDE, la France est le pays où les retraités profitent le plus longtemps de leurs retraites. Le calcul est basé sur l'âge moyen de départ à la retraite et l'espérance de vie au moment de la sortie du marché du travail en 2016 pour chacun des pays étudiés. Ainsi, les Françaises passeraient en moyenne 27,6 ans à la retraite et les hommes près de 24 ans. Un graphique de notre partenaire Statista.]
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"Pourquoi s'interdire toute hypothèse ?" sur le financement de la dépendance ?
Ainsi, s'oriente-t-on vers un recul de l'âge légal pour financer la dépendance ? Chez nos confrères de France Inter, le Haut commissaire chargé de cette réforme, Jean-Paul Delevoye, a d'abord confirmé le maintien de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans dans le cadre du système "universel" voulu par Emmanuel Macron.
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Il a toutefois reconnu qu'il y avait "une confusion autour de l'âge", après que le gouvernement a ouvert la porte à un allongement de la durée de travail pour financer la réforme de la dépendance.
La borne légale des 62 ans, « c'est l'âge d'ouverture des droits » mais « les Français, plein de bon sens, partent quand ils décident que leur pension est au niveau qu'ils souhaitent » et « en réalité les personnes sont en train de partir à 63, 64, 65 ans très naturellement dans le système actuel », a-t-il expliqué. Certains « calculent pour partir à l'âge du taux plein », a-t-il ajouté, soulignant que « 20% des femmes vont jusqu'à 67 ans parce qu'il y a un système de décote ».
Le Haut commissaire a cependant distingué "l'enjeu de sécurité sociale" des retraites de "l'enjeu de santé" de la dépendance, assurant qu'il y a "une étanchéité" entre les deux sujets. Mais pour financer la prise en charge de la dépendance, « le débat doit être posé dans sa totale dimension, sans aucune censure, sans aucune réserve », a-t-il estimé.
« Pourquoi s'interdire toute hypothèse ? On est dans un pays incroyable, on pose un problème et on s'interdit déjà un certain nombre de réponses », a-t-il commenté.
(avec AFP et Reuters)