Le prix du cuivre s'envole : le métal rouge, le nouvel or noir

Le prix de la tonne de métal rouge a battu un nouveau record historique dépassant les 10.260 dollars ce vendredi, un nouveau plus haut de 11 ans. La rapidité de la reprise économique fait craindre une tension à court terme entre l'offre et la demande mondiale. Au-delà, le cuivre va bénéficier d'une solide demande liée à la transition énergétique plus intensive en métaux, en particulier le cuivre.
Robert Jules
(Crédits : LT)

La hausse du prix du métal rouge se poursuit inexorablement, établissant un nouveau record à plus de 10.260 dollars la tonne ce vendredi. Depuis son dernier point bas, atteint fin mars 2020, le cours a quasiment doublé. A cela, il y a des raisons conjoncturelles.

"Le prix du cuivre a augmenté de 3% en un mois, comme le minerai de fer, atteignant des niveaux que l'on n'avait pas observés depuis 2011. La hausse est soutenue par une forte reprise de la demande, principalement de la Chine, des perturbations dans la production, l'anticipation d'une hausse de l'inflation mondiale, le faible niveau des stocks, ainsi qu'un nombre record de positions longues (acheteuses) sur les marchés à terme", résume Paul Bloxham, économiste spécialistes Matières premières chez HSBC.

En effet, le Chili, premier pays producteur de cuivre, avec une part de 25% de la production mondiale, est secoué par une crise sociale et des grèves qui perturbent la production, les chargements et les exportations. Il faut également souligner le rôle du dollar dont la faiblesse rend mécaniquement plus attractifs les achats des métaux libellés en dollars.

Pas de pénurie

Pour autant, va-t-on connaître une pénurie de cuivre? Non, même si l'équilibre entre la demande et l'offre à court terme est tendu, l'envolée des cours va aussi accélérer la mise en production de nouveaux sites.

"Après une période de 4 ans où seulement deux importantes mines de cuivre ont été mises en service, le programme de projets miniers s'étoffe. Parmi les plus importants qui seront mis en production durant la période 2021-2022, on compte le site de Kamoa Kakula en République démocratique du Congo (RDC), ceux de Quellaveco au Pérou, de Spence-SGO et de Quebrada Blanca QB2 au Chili et celui de Udokan en Russie", indique l'International Copper Study Group (ICSG) dans son dernier rapport.

Malgré la crise sanitaire et les restrictions d'activité provoquées par les confinements, la production mondiale de cuivre (raffiné) a progressé de 1,6% en 2020, et devrait encore croître à un rythme annuel de 3% pour atteindre 25,17 millions de tonnes en 2021, et 25,94 millions de tonnes en 2022, notamment grâce à une hausse du volume de minerai de cuivre, qui après être resté stable durant trois ans, "va augmenter de 3,5% en 2021 et 3,7% en 2022", selon les projections de l'ICSG.

Forte demande chinoise

Quant à la demande mondiale, les confinements ont eu un effet négatif notable. Si les besoins de métal rouge ont progressé de 2,5% en 2020, dans le détail l'image est contrastée. En effet, hors la Chine, la demande a baissé de 9% l'année dernière, mais elle a été compensée par une envolée des importations chinoises, de 38%, soit 1,2 million de tonnes, l'économie du premier pays touché par le Covid-19 ayant accéléré son rythme avec la sortie de la pandémie.

En revanche, pour 2021, la demande mondiale devrait rester stable (+ 0,2%), à 25,09 millions de tonnes, les besoins chinois ralentissant, mais elle devrait progresser de 3% en 2022, avec le retour de l'ensemble des pays à une activité économique qui renoue avec les niveaux d'avant la crise.

Finalement, après une déficit significatif en 2020 de quelque 600.000 tonnes, le marché devrait être légèrement excédentaire, de 80.000 tonnes en 2021 et 110.000 tonnes en 2022, selon l'ICSG. En attendant, cette flambée des prix permet un retour en grâce des valeurs minières auprès des investisseurs. En un an, l'indice boursier TSX Global Mining qui regroupe les plus importants groupes miniers mondiaux a progressé de plus de 38%.

Autre exemple de cette dynamique, la compagnie publique chilienne Codelco (non cotée), qui représente à elle seule 8% de la production mondiale de cuivre, vient d'afficher son meilleur résultat trimestriel depuis 10 ans, à 1,6 milliard de dollars.

Perspectives à moyen et long terme

Mais ce sont surtout les perspectives à moyen et long terme qui vont favoriser la demande. "Le thème d'un super cycle des matières première soutenu par des infrastructures vertes, intensives en cuivre, a été relancé par Joe Biden lors du sommet sur le climat les 22 et 23 avril, qui a réuni virtuellement 40 leaders mondiaux dans le but de galvaniser les efforts mondiaux pour faire face à la crise climatique. Le président des Etats-Unis a promis de réduire les émissions nationales de gaz à effet de serre d'au moins 50% par rapport à 2005 d'ici 2030 et de doubler les dépenses en faveur des objectifs climatiques internationaux à 5,7 milliards de dollars d'ici 2024", explique Michael Haigh, responsable de l'analyse des marchés des matières premières à la Société Générale.

Changement de paradigme

C'est cette transition majeure et ses implications que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) évalue dans un récent rapport : "Le rôle des métaux critiques dans les transitions vers une énergie propre", qui pointe notamment le changement de paradigme représenté par la substitution progressive des métaux aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) dans la lutte contre le réchauffement climatique. La part de cuivre requise par les besoins de l'énergie propre - voitures électriques, panneaux solaires, turbines éoliennes, infrastructures 5G - va passer de 24% aujourd'hui à 45% en 2040, selon le scénario "développement durable", établi par l'AIE. Autrement dit, la demande de cuivre de ce seul secteur va bondir de 5,7 millions de tonnes aujourd'hui à 10,7 millions de tonnes en 2030 et 15,15 millions de tonnes en 2040, ce qui représente un bond de 48% de la production mondiale de cuivre (métal primaire et métal recyclé) en 20 ans pour atteindre 34 millions de tonnes dont 5 millions de tonnes issues du recyclage.

Un défi que doivent relever les plus de 250 mines aujourd'hui en activité dans une quarantaine de pays, qui extraient autour de 21 millions de tonnes de minerai. Si les réserves prouvées de minerai de cuivre ont augmenté de 30% au cours des 10 dernières années, en revanche certaines limites apparaissent. De nombreux sites ont atteint leur pic de production ou vont l'atteindre durant la décade 2020, en raison de l'épuisement des filons et une qualité moindre (moins de concentré de cuivre dans le minerai). C'est par exemple le cas de la plus importante mine de cuivre du monde, Escondida au Chili, dont la production en 2025 devrait être 5% inférieure à la production actuelle.

Nécessité d'investir massivement

Outre les contraintes physiques, l'augmentation de la production exige d'importants investissements. Selon l'ICSG, 18 milliards de dollars ont été investis dans le secteur en 2019 et 12 milliards en 2020. Or "l'offre actuelle et les plans d'investissement prévus ne sont pas à la hauteur de l'accélération de la transition énergétique", pointe l'AIE.

D'autant que ces investissements dépendent étroitement des acteurs. Or, comme toute matière première, le cuivre, c'est aussi de la géopolitique. Ainsi, la production de métal rouge est bien plus concentrée que l'offre pétrolière : le Chili et le Pérou représentent à eux deux 40% de la production minière mondiale de cuivre suivis par la Chine, la République démocratique du Congo (RDC), les Etats-Unis et l'Australie.

Et c'est encore plus accentué pour le raffinage du minerai en métal. Quelque 40% des opérations sont réalisées dans les fonderies en Chine, le restant étant principalement fait au Chili, au Japon et en Russie.

On retrouve le rôle central de la Chine du côté de la demande puisque à elle seule elle absorbe 50% du volume total du cuivre raffiné.

Ces pays ne manifestent pas pour le moment d'intention d'investir massivement dans le secteur. Au contraire, au Chili, le gouvernement étudie l'imposition d'une taxe sur le cuivre pour alimenter le budget de l'Etat et faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire.

Quant aux compagnies minières, les cinq plus importantes représentent à elles seules près d'un tiers de la production mondiale et doivent composer pour certaines avec leurs actionnaires : la chilienne Codelco 8%, l'anglo-australienne BHP 6%, l'américaine Freeport McMoRan, 6%, l'anglo-suisse Glencore 5% et la mexicaine Southern Copper 5%.

16,5 années pour mettre en opération une mine

Outre les financements, les investissements dans le secteur minier s'inscrivent dans un temps long. L'AIE cite une analyse réalisée sur les projets miniers entre 2010 et 2019 qui établit qu'il faut en moyenne 16,5 années entre le début de la prospection et la mise en production d'un site. Autrement dit, ce sont les projets mis en chantier aujourd'hui qui permettront de répondre aux besoins en 2040.

Quant au recyclage, s'il joue un rôle important et reste à développer, il ne peut pallier la production primaire d'autant que son recours est déséquilibré. En Europe, 50 % des métaux de base (dont le cuivre) utilisés proviennent du recyclage contre 18% pour le reste du monde, selon les estimations d'Eurometaux.

Enfin, l'Agence met également l'accent sur la nécessité de prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre durant l'exploitation minière, considérant que le recours à de nouvelles technologies efficientes permettra de réduire l'empreinte carbone des compagnies minières et des fonderies de 30% à 70% selon les cas d'ici à 2030.

Tous ces défis auxquels sont confrontés les groupes miniers pour accompagner la transition énergétique sont des facteurs de soutien à un super-cycle des prix pour l'ensemble des métaux.

C'est cette problématique que résumait Rag Udd, responsable de la filière "minerais" chez BHP lors d'une conférence sur le cuivre à la mi-avril : "Sans ressources naturelles comme le cuivre, les véhicules électriques ne peuvent pas exister, les turbines éoliennes ne peuvent pas être produites et les réseaux électriques ne peuvent pas être construits. BHP produit ces ressources depuis plus de 130 ans et notre contribution sera encore plus importante sur les 130 prochaines années."

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Robert Jules
Commentaires 10
à écrit le 29/11/2022 à 10:46
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je possède une applique murale style empire en cuivre rouge .comment évaluer sa valeur?merci

à écrit le 09/05/2021 à 14:23
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Si un gisement de cuivre était découvert sur la commune de Grenoble, son maire écolo-gauchiste donnerait-il son accord pour l'ouverture et l'exploitation de la mine ?

le 10/05/2021 à 8:53
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Et si ma tante en avait deux, serait-ce mon oncle ?

le 23/06/2022 à 21:44
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Bonjour, je suis au Congo Brazzaville, au sud du pays. Nous exploitons les matières premières. Notamment le cuivre, le zinc, le plomb et souvent nous trouvons aussi les matières suivantes en faibles quantités comme : l'hemimorphyte, l'azurite, et la ...

à écrit le 09/05/2021 à 11:51
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et maintenant le métal rouge qui devient noir, votons vert comme lorsqu'on le mouille !

à écrit le 08/05/2021 à 14:51
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Les asiatiques aiment spéculer sur les marché des métaux de l'or au cuivre malgré un stockage dans des conditions précaires quitte à dégrader la qualité du stock (cf. oxydation)...

à écrit le 08/05/2021 à 11:24
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Je suis convaincu que nos déchets par un recyclage massif y compris les eaux polluées valent de l’or. Facteur favorable c'est bon pour la nature.

à écrit le 08/05/2021 à 9:23
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Un beau matériau et un pied de nez à tout ceux qui l'avaient enterré pour les "terres rares". "En effet, le Chili, premier pays producteur de cuivre, avec une part de 25% de la production mondiale, est secoué par une crise sociale et des grèves q...

à écrit le 07/05/2021 à 20:41
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La Chine est tête de série sur de nombreux marchés de matières premières, et gère des stocks très importants. Elle peut donc jouer aussi sur les cours, puisqu'elle est première sur de nombreuses importations, du coton au cuivre, en passant par le mai...

le 08/05/2021 à 12:43
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L'ennemi est bête : il croit que c'est nous l'ennemi alors que c'est lui ! C'est fou le nombre de grand stratège géopolitique que l'on peut rencontrer au détour de tout et n'importe quoi.

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